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20 février 2008 3 20 /02 /février /2008 18:02

TOURISME ET TERRITORIALITE EN VAL LAMARTINIEN : UN EFFET DE LA RENTE TERRITORIALE ?

Ghislaine Boudon

*, Sophie Gaget**, Pierre Pech**

Résumé :

Le Val Lamartinien constitue un haut lieu de fréquentation touristique multiforme, culturel, oenologique, architectural, religieux, archéologique, paysager etc. La roche de Solutré en constitue un des points d’intérêt autant naturel qu’historico-culturel. Les richesses architecturales, sises dans cette Bourgogne méridionale, entre Bresse et Cluny, sont extrêmement variées. Et la construction territoriale joue aussi sur l’héritage littéraire du poète Lamartine qui donne son nom au val. Vignoble du Pouilly-Fuissé et des appellations du mâconnais, élevage proche du Charolais, les richesses agricoles forment autant d’atouts qui renforcent cette image de marque ayant permis le développement d’une forme d’économie touristique. Celle-ci exploite l’image du territoire en même temps qu’elle suscite le renforcement de son identité. Pourtant, il semble que l’espace transformé en territoire soit composite : il y a sans doute émergence d’une unité territoriale et d’une identité territoriale autour d’un panier de biens touristiques reposant sur des références autant naturelles que culturelles. C’est cette construction territoriale que nous nous proposons de jalonner dans cette contribution. En un premier temps l’élaboration d’une matrice de données géographiques issues de l’analyse de questionnaires effectués auprès de certains acteurs locaux doit permettre de rendre compte de la nature des éléments les plus attractifs du territoire. En un second temps, à travers des questionnaires d’enquêtes auprès de ces mêmes acteurs, il s’agit d’évaluer la rente que représentent ces éléments cristallisant l’identité du territoire.

LE VAL LAMARTINIEN, UN TERRITOIRE INSTITUTIONNEL PORTEUR D’UN PROJET TOURISTIQUE

Le Val Lamartinien est situé au sud de la région Bourgogne, à l’ouest de Mâcon, inscrit au sein des monts du Mâconnais, petits chaînons parallèles orientés N-S et bordés à l’ouest par le Charollais et à l’est par la vallée de la Saône. Certains de ces chaînons forment des plans sommitaux bordés de parois escarpées, appelés les « roches » et dont la plus célèbre est la roche de Solutré.

Clin d’oeil local à l’essor des politiques publiques mettant au centre « l’acteur », comme le dit Alain Touraine, c’est à Mâcon que se sont tenus les premiers états généraux de pays en 1982 au cours desquels la notion de « développement local » a pris naissance. Dans ce contexte historique et dans le secteur, à l’ouest de Mâcon, un SIVOM rassemblant initialement 11 communes est créé en 1985 et prend le nom de « Val Lamartinien » en 1989. Cet ensemble de communes, qui a un peu varié, s’est constitué en pays institutionnel en 1992, donc parmi les pays expérimentaux, et il compte 17 communes en 2007. La mise en place du SIVOM dès 1985 avait pour vocation de promouvoir les activités touristiques en promouvant le Val Lamartinien comme destination en tant que telle, destination attractive en raison de la construction d’une identité autour de quelques éléments qui sont les paysages naturels, la production vinicole (le Pouilly-Fuissé) et bien entendu la figure fédératrice du poète Lamartine. La forte implication des acteurs locaux dans la promotion touristique est un des traits originaux de ce territoire et il n’est sans doute pas anodin de prendre en considération le fait que l’un des rédacteurs de cet article est l’un de ces acteurs investis localement dans cette filière touristique.

LES INGREDIENTS DE L’ATTRACTIVITE TOURISTIQUE DU VAL LAMARTINIEN

Notre démarche a donc consisté à définir préalablement les éléments d’attractivité du Val Lamartinien à partir d’un questionnaire et à partir d’une enquête auprès des acteurs locaux. Le questionnaire de perception du Val Lamartinien a été réalisé auprès de trois échantillons de 100 personnes prises ne manière aléatoire (le salon de la randonnée à Paris, un événementiel dans le cadre du comité d’entreprise d’une banque, un ensemble d’étudiants de l’Université Paris 1 Panthéon Sorbonne). Les personnes interrogées sont originaires de nombreuses régions de France. Il y a une bonne répartition géographique de l'échantillon mais il ne rend pas compte de la fréquentation locale : un échantillonnage effectué dans le Val Lamartinien aurait visiblement montré l’ampleur de la place des lyonnais. Plus de

*

Guide de randonnées touristiques dans le Val Lamartinien Le Bois Clair 71960 Sologny. ghis.rando@infonie.fr

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Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 191 rue Saint Jacques 75005 Paris pech@univ-paris1.fr 6e Rencontres de Mâcon, « Tourismes et territoires » - 13, 14 et 15 septembre 2007 – Pré-actes

70% de l'échantillon est âgé de 35 à 60 ans. Sur 79 personnes interrogées, 57% ont répondu connaître la Bourgogne du Sud et le Mâconnais, termes que nous avions préféré à la place du Val Lamartinien. En ce qui concerne les éléments du patrimoine qui sont associés au Mâconnais, 35%, ont cité le "vin" et le vin seul. En tout, c'est plus de 68% de l'échantillon qui a cité le "vin" comme un élément remarquable du Mâconnais. Parmi les autres éléments cités, le patrimoine et l'architecture, et le paysage sont fréquemment revenus (10,53% et 8,77%). La roche de Solutré a été citée par un peu plus de 33% de l'échantillon, et Lamartine seulement par 9,51%. Les retours du questionnaire (79 personnes, moins de 30%), qui visait à évaluer la connaissance du Val Lamartinien et de ses ressources, ont été moins fructueux que les entretiens locaux auprès des organismes en charge de l’animation ou de l’information touristique, offices de tourisme etc. Au total, arrivent en tête des « produits » phares, en termes de fréquentation et d’attractivité, d’après les personnes interrogées dans ces organismes, la Roche de Solutré, le patrimoine architectural (ce qui est appelé localement les « incontournables »), les paysages, le vin et la présence de la figure tutélaire du poète Lamartine.

Ce territoire s’est donc constitué sous la bannière d’une identité à quatre visages. Les paysages actuels sont riches et variés, offrant une gamme de randonnées touristiques thématiques dans des ambiances quasi-montagnardes à l’ouest (Serrières, col des Enceints) ou au contraire plus méridionales à l’est au niveau des pelouses sèches qui surmontent les « roches », ou alors opposant des paysages de bocages proches du Charollais à ceux de la viticulture autour de Pouilly-Fuissé et de Solutré (Callé, 2003). Il y a d’abord une unité physique puisque le val est effectivement centré le long de la vallée du Fil, qu’empruntent des axes de communication majeurs reliant localement Mâcon à Cluny et au-delà d’autres régions de France, vers les Alpes et le Lyonnais d’un côté et vers l’ouest et le nord d’un autre côté. Cette idée d’un val autour d’un axe hydrographique, petite rivière rejoignant un affluent de la Saône, la Grosne, à Prissé, est renforcée par la référence au poète Lamartine, qui est né à Mâcon, a grandi à Milly, petit village situé au coeur du Val Lamartinien actuel et rebaptisé Milly-Lamartine en 1911, s’est inspiré des paysages pour s’exprimer et a fait des séjours plus ou moins prolongés au cours de sa longue carrière littéraire et politique (1790-1869). En se nommant ainsi, le Val Lamartinien se dote d’une identité et d’une unité forte autour d’un axe naturel. Le patrimoine architectural repose sur l’héritage d’éléments de la Bourgogne romane, ici à proximité de Cluny la chapelle aux moines de Berzé la ville, mais aussi sur des châteaux (Pierreclos, Berzé-le-Châtel). La production vinicole, quatrième pilier de l’attractivité touristique de ce territoire, a réussi depuis moins de 30 années à se sortir de sa faible notoriété relative par rapport aux voisins prestigieux que sont le Beaujolais au sud et les appellations de vins de Bourgogne plus au Nord.

Au total, on dispose avec le Val Lamartinien d’un territoire qui a développé précocement une identité essentiellement tournée vers l’activité du tourisme. Notre objectif a donc consisté à évaluer en quoi ce tourisme tire profit de l’identité construite dans ce Val Lamartinien et en quoi inversement, il existe des retours permettant d’apercevoir une amélioration des qualités environnementales de ce territoire.

TOURISME ET TERRITORIALITE : A LA RECHERCHE DE LA RENTE TERRITORIALE

Depuis la moitié des années 1990, en France, des économistes ont mis au point des méthodes monétaires d’évaluation (Faucheux et Noël, 1995 ; Abdelmaki et Mundler, 1997), les méthodes dites d’analyse hédoniste et la méthode d’évaluation contingente. Dans le cas de la rente territoriale, l’économiste B.Pecqueur (2001 ; Pecqueur et Zimermann, 2004) a cherché à appliquer ces méthodes de l’évaluation contingente et de l’analyse hédoniste à des territoires en proposant d’identifier en quoi un panier de biens produits sur un territoire profite de la notoriété du territoire et en quoi, en retour, le territoire se voit renforcé, en termes de développement local, par les retombées que peuvent représenter les activités économiques en question.

Notre objectif est ici d’appliquer cette approche de la rente territoriale à propos du Val Lamartinien, territoire bourguignon, et à propos de quatre éléments économiques qui nous semblent aller ensemble : le tourisme patrimonial, le tourisme vert, l’immobilier, la production vinicole. La méthode suivie a consisté à identifier les aspects de la rente attribuée aux activités qui tirent profit de l’image de marque du territoire. L’essentiel de la démarche repose sur des enquêtes permettant d’évaluer quantitativement ou qualitativement les retombées de l’attractivité du territoire sur chacune des activités.

6e Rencontres de Mâcon, « Tourismes et territoires » - 13, 14 et 15 septembre 2007 – Pré-actes

Le tourisme patrimonial

Comités et offices de tourisme locaux fournissent des éléments de compréhension des motifs et des flux de la fréquentation touristique. Pour le Comité départemental du Tourisme et l’office de tourisme de Mâcon, il n’existe pas de clientèle cible, ce que confirme le résultat de notre questionnaire. Dans son bilan annuel, le Comité départemental de tourisme (CDT, 2006), qui fournit les valeurs de fréquentation et de nuitées par grand secteur, estime à un peu plus de 500 000 touristes (=nuitées) la fréquentation du Mâconnais, dont fait partie le Val Lamartinien. Comment évaluer la part que prend le Val Lamartinien ? Il faut compter, actuellement, avant une ouverture de la structure Grand Site qui doit gérer cet élément essentiel du paysage du Mâconnais, que la Roche de Solutré accueille plus de 100 000 personnes par an (comptage local), même s’il faut nuancer cette évaluation. En effet, les personnes qui fréquentent Solutré, dont environ 23 000 personnes qui visitent le musée, (CDT, 2006) ne passent pas nécessairement une nuit à Mâcon ou dans le Mâconnais. Au-delà de Solutré, d’autres points d’attractivité du Val Lamartinien existent. Pour l’Office de tourisme de Pierreclos, la clientèle la plus habituelle est constituée de ceux qui aiment la nature, attirés par les paysages, les hébergements ruraux, les produits du terroirs, les dégustations et les loisirs de nature. [Fréquentation de l’office de tourisme de Pierreclos en progression de 7% entre l’année 2005 et 2006 = 5226 passages, alors que la progression était de 22% entre 2003 et 2004]. L’office de tourisme de Charnay-les-Mâcons, qui accueille successivement 4293 personnes en 2004, 6778 en 2005 et 5251 en 2006, draine essentiellement une clientèle qui utilise la voie verte, tracé d’une ancienne voie ferrée qui a été aménagée sur 15 km en chemin accessible aux piétons, aux vélos, rollers, aux chevaux. Le CDT donne un volume de 104 000 personnes fréquentant annuellement la voir verte à Charnay (CDT, 2006), fréquentation qui rapporte dans le Val Lamartinien 5000 € au loueur de vélos. En outre, nous avons pu obtenir des éléments permettant d’évaluer la fréquentation des sites appelés localement les incontournables.

La Chapelle aux moines de Berzé-la-ville, site appartenant à l’Académie de Mâcon et géré par une association, a connu une fréquentation respective de 12439 personnes en 2003, 13002 en 2004, 12725 en 2005 et 11241 en 2006, pour un tarif moyen de 3€ par personne. Les revenus couvrent l’entretien et le salaire des deux hôtesses. Le Château de Berzé le Châtel a une fréquentation d’environ 11000 personnes par an pour un tarif de 6,5€. Le Château de Pierreclos reçoit environ 50 000 personnes pour un tarif moyen de 7,5€.

Parmi les activités touristiques, nous avons identifié la rente en provenance des acteurs accueillant les touristes ou offrant des services. En particulier, la vente de produits clés en main par des acteurs publics ou privés a pour cible une clientèle familiale en mettant des produits en place comme « aventure-mome » qui est un concept qui a pour objectif d’accueillir des familles en offrant des loisirs dans divers domaines (randonnée à thème avec carnet de découverte de terrain, visite d’un château etc.). Les enfants sont la clientèle d’ouverture à travers laquelle on cherche à attirer les parents : c’est un tourisme d’agrément. Cette activité est marquée par une forte saisonnalité, avec deux saisons actives au printemps et à l’automne. L’office de tourisme de Mâcon propose des formules de visites pour environ une quarantaine de groupes (20 personnes dépensant environ 40 à 45 € pour excursion, visite et repas). Pierreclos a réalisé un topoguide du Val Lamartinien vendu 5,5€ : il s’en vend entre 1200 et 1400 par an depuis 2004. L’opération grand site, en tant que structure d’accueil touristique portée par un syndicat mixte chargé de gérer le grand site de la roche de Solutré (SMGS), est en cours de constitution et les retombées seront à venir une fois que le label sera obtenu. La mise en place effective de l’outil de gestion sera le déclencheur de l’attractivité car la roche de Solutré est le point le plus attractif dans le Val Lamartinien.

Une personne pratique dans le val ce qu’on appelle une activité d’agence réceptive, qui consiste, selon des conditions fixées dans le cadre d’un agrément, de vendre des produits de fréquentation touristique clé en main sur internet, des parcours de randonnée, des séminaires d’entreprise, des auto-tours qui sont des services profilés selon la demande de la clientèle (séjour, visite, hébergement, chambre d’hôte ou autre).

Bien qu’il soit difficile d’évaluer précisément la fréquentation, les données recueillies permettent de penser qu’au minimum 275000 personnes fréquentent le Val Lamartinien. On peut estimer à plus de 5€

6e Rencontres de Mâcon, « Tourismes et territoires » - 13, 14 et 15 septembre 2007 – Pré-actes

le coût investi dans le déplacement (analyse après interrogation des compagnies d’autobus)… il manque évidemment une analyse concrète des coûts de transports consentis par les voyageurs pour se rendre sur place mais on a effectué cette évaluation à partir du coût moyen de transport à partir de Mâcon, en considérant que les personnes se sont rendues préalablement dans cette ville et ont fait ensuite la démarche d’aller dans le Val Lamartinien. Cette évaluation minimise de toute évidence la réalité des coûts effectués.

Le tableau suivant permet d’estimer ce que rapporte la fréquentation touristique du Val Lamartinien aux prestataires de services locaux.

 

Tableau n°1 : Tableau de la fréquentation des sites du Val Lamartinien et évaluation des sommes liées à cette fréquentation en € (pour les valeurs correspondant aux prix des visites par site voir le texte)

Solutré

voie verte

Chap. aux moines

Château de Berzé

Château de Pierreclos

Nombre total

Gains en €

Nombre de personnes

100000

104000

11000

10000

50000

275000

1 375 000 €

Evaluation des gains en €

?

5000 €

33 000 €

65 000 €

375 000 €

-

478 000 €

somme

1 853 000 €

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