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20 novembre 2022 7 20 /11 /novembre /2022 10:05

«Il ne faut pas politiser le sport», a jugé Emmanuel Macron à deux jours du lancement du «Mondial de la honte» au Qatar. Affirmant que c’est lors de l’attribution d’une compétition à tel ou tel pays et non lors de la tenue de l’événement qu’il faut, si cela se justifie, s’émouvoir et dénoncer tel ou tel choix. Manière de renvoyer le sujet politique à son prédécesseur, Nicolas Sarkozy, fervent partisan d’une Coupe du monde au Qatar. C’est un peu court et, pour tout dire, assez grossier comme façon de poser le sujet. Certes, c’est bien la très néfaste Fifa et non les joueurs qu’il s’agit de blâmer pour avoir fait de la politique (et bien sûr du business) en désignant, dans des conditions qui font l’objet de moult enquêtes pour corruption, l’émirat gazier comme pays organisateur de cette Coupe du monde, après la Russie de Poutine en 2018.

Comment s’en contenter ?

Mais une fois qu’on a dit ça, place à la ferveur populaire et au soutien des Bleus et puis c’est tout ? C’est oublier un peu vite que les sportifs – et les footballeurs ne font pas exception – ont eux aussi une conscience. Fin septembre, alors que la polémique montait, la ministre des Sports, Amélie Oudéa-Castéra, avait déjà tenu le même discours, réduisant l’événement le plus universellement suivi avec les Jeux olympiques d’été à un moment qui ne pouvait être que dépolitisé. Au même moment, et cela a continué depuis, le courage des sportifs iraniens témoignant leur soutien à la contestation croissante du régime démontrait que les sportifs savent parfaitement s’engager quand la situation l’exige. Dans l’histoire, les exemples ne manquent pas. Qu’il s’agisse du respect des droits humains, notamment ceux des homosexuels et des femmes, ou du sort des centaines de milliers de travailleurs migrants qui ont charbonné pour construire les infrastructures dans lesquelles les footballeurs vont gambader et le public les admirer, sans oublier la question écologique, les raisons d’être choqués par la compétition qui s’ouvre ne manquent pas. Certes, les travailleurs migrants sont moins mal protégés aujourd’hui qu’au début des chantiers, mais comment s’en contenter ?

 
 

Si les footballeurs sont invités à jouer au ballon et surtout à rien d’autre, il faut dire que l’exemple venu d’en haut n’est pas à la hauteur. La Fédération française de football regarde ses pieds à chaque fois qu’elle est interrogée sur les zones d’ombre de ce Mondial controversé. Emmanuel Macron a, lui, annoncé qu’il se rendrait sur place en cas de qualification des Bleus pour les demi-finales. Sa ministre des Sports s’est, elle, fixé le seuil des quarts pour aller au Qatar. On comprend donc parfaitement que les joueurs de l’équipe de France n’aient pas envie de se mouiller davantage que leurs responsables sportifs et politiques. A fortiori les joueurs payés des dizaines de millions d’euros par le Qatar pour jouer au PSG, qu’il s’agisse de Kylian Mbappé en France ou de Leo Messi en Argentine.

Politiser la victoire

Le capitaine des Bleus, Hugo Lloris n’a, certes, pas brillé par son sens de la communication lorsqu’il a affirmé qu’il ne porterait pas, au Qatar, le brassard One Love – arboré durant des matchs de qualification – parce que la Fifa ne l’autorise pas mais surtout – et c’est pire – parce qu’il faut selon lui «respecter le pays où l’on va jouer». On a d’autant moins envie de le blâmer que notre chef de l’Etat n’est pas plus courageux, mais on se dit aussi que si le sport n’est pas politique en soi, certaines situations justifient que même des sportifs posent des actes. Parce qu’ils défendent aussi des valeurs d’universalité et de tolérance, qui sont d’ailleurs régulièrement piétinées dans les stades occidentaux. L’annonce, tardive, par la fédération de dons à des ONG luttant pour le respect des droits humains apparaît comme un minimum.

Comme tous les présidents avant lui, Macron croise les doigts pour que les bons résultats d’une équipe de France au rendez-vous de cette Coupe du monde lui profitent politiquement. Cela apparaît bien dans les Bleus et l’Elysée, le documentaire de Mohamed Bouhafsi que diffuse France 5 dimanche soir. Ne pas politiser l’événement, jusqu’à l’absurde, mais politiser la victoire, jusqu’à la nausée, on a du mal à adhérer même si un boycott simplement sportif n’avait pas eu de sens alors que les relations économiques et géopolitiques avec le Qatar n’ont rien à voir avec celles que la communauté internationale entretenait, par exemple, avec l’Afrique du Sud du temps de l’Apartheid. Mais il y a des gestes symboliques – et il y en aura durant ce Mondial, soyons-en certain – qui peuvent marquer les esprits et pousser la Fifa à ne pas reproduire un choix aussi honteux.

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