Cette question est trop générale pour pouvoir y répondre ici de manière complète.
Voir en notes un lexique des termes utilisés [1]
C’est toute l’histoire de la construction, des origines à nos jours, qu’il faudrait étudier.
En simplifiant à l’extrême ont pourrait trouver :
a) une période que
j’appellerais “Archaïque” qui s’étendrait de l’homme de Cro-Magnon à l’habitat gaulois ou celte, pendant laquelle baies et ouvertures n’ont qu’un caractère utilitaire, sans préoccupation
esthétique... (encore que...)
b) une période que
l’appellerai “Antique” couvrant les civilisations égyptienne, mésopotamienne, grecque... avec des formes basées sur l’esthétique du rectangle et I’indéformabilité du triangle, suivant des
méthodes de mesure et de calcul à base d’ “addition” ou multiplication par un nombre entier.
c) une période dite “romaine
et byzantine” qui suivrait la précédente en s’y superposant peu ou prou. se prolongeant jusqu’à nos époques romane et gothique, essentiellement filles de la géométrie euclidienne et des grands
mathématiciens grecs Pythagore Archimède, Thalès...
d) Une période dite
“Renaissance” qui irait du XIV° au XVIII° qui voient la généralisation de l‘algèbre et la naissance du “projet” architectural.
e) La période moderne qui
irait de l’instauration du système métrique décimal(1 795) à nos jours.
Toutes ces périodes se
recouvrant d’ailleurs les unes les autres dans le temps et selon l’espace géographique. Et pratiquement et par raccourci, dans l’ordre du développement de la science des nombres :
les mathématiques...
Notre propos se limitant à éveiller la curiosité et l’intérêt d’un éventuel visiteur des quartiers anciens de nos vieilles cités, nous n’examinerons que trois types de “forme” de baies
rectangulaires correspondant à nos yeux aux trois périodes distinctes c, d, e, présentes à Tournus.
1°) Baies de conception romaine, romane, pré-renaissance
Cette méthode de construction rustique s’est maintenue jusqu’au XIX° siècle.
Ici le caractère esthétique de la forme K du rectangle n’est pas forcément “voulu” par le constructeur. Il résulte du mode ancestral de calcul des dimensions par les combinaisons et les
multiples entiers d’un module choisi arbitrairement (Dans notre exemple le module choisi est un “pied” de 32cm).
Il est facile de constater que ces combinaisons simples sont relativement peu nombreuses et excluent toute complexité du rapport K= H/l, quelle que soit la valeur du module. Les plus
fréquemment rencontrées sont de rapport K : 1/1 (carré), 2/1 (harmonique), 3/2 (notre photo) 4/3 (grandes baies), plus rarement 5/3 6/5 et 8/5.
L’établissement de ces baies par un constructeur de l’époque ne demandait pas d’autres connaissances que celle du maniement de l’équerre et du niveau et la possession d’une “pige” quelconque
servant de module.
Le charme et l’harmonie de ces fenêtres sont assez facilement perceptibles par un regard exercé. En cherchant un peu vous en trouverez de nombreuses dans les plus vieux quartiers.
Un petit détail permet de reconnaître ces “fenêtres” d’avant la révolution industrielle : la largeur du “tableau” (distance entre la façade et la feuillure) est généralement égale à 1/2
module(pied) soit plus ou moins 16cm. Avec l’introduction de nouveaux matériaux pour l’élévation des murs, la largeur du tableau sera réduite à12cm.
2°) Baies de conception “Renaissance” (XV au XVIII siècle)
Le formidable développement des connaissances mathématiques entraîné par la traduction en latin des écrits arabes et orientaux ( L. Fibonacci) : système de numération,
introduction du zéro, algèbre... conduisent les théoriciens artistes et architectes des XV et XVI siècle à rechercher la nature du « Beau » dans l’étude de certains rapports
et proportions complexes, notamment celle de la « Divine proportion », connue géométriquement depuis l’antiquité, mais d’équation non résolue. [2]
A partir du XVI° siècle, apparaîtront donc dans la construction, d’abord en Italie puis en France et bien sûr à Toumus, des baies et ouvertures dont le rapport hauteur/largeur = K est
directement ou indirectement lié à l’expression mathématique de cette “proportion dorée” : le nombre 1,618... auquel il est convenu d’affecter la lettre grecque ø. (Phi comme Phidias).
Un exemple partait d’une des multiples formes esthétiques que pourront avoir ces ouvertures nous est fourni sur cette photo (colin) d’une baie du Château de GORDES (Lubéron) que nous avons
surchargée pour permettre aux amoureux du compas et de la règle à calcul que notre bavardage intéresse, de vérifier nos allégations. ( Ici le rapport K, H/L = racine² Ø ).
Dans la ville d’où je vous parle, il subsiste de nombreuses baies de cette forme, dans lesquelles le nombre Ø intervient d’une manière ou d’une autre.
Dans le quartier de la Pêcherie, nous en avons dénombré quatre au moins : numéro 3 et 7 de la rue des Saules, n°5 de la rue de la Poissonnerie, et une place de la Cité. Toutes situées côté
impair qui constituait au XVl° siècle le “front de Saône” [3].
3°) Baies d’inspiration “Moderne”
La légalisation en 1795 du système métrique et de la numération décimale conduisit rapidement les maîtres d’œuvre d’habitation à l’abandon de la construction par module au bénéfice de la mesure
de rapports précis permettant jusqu’à l’appréciation du millimètre.
Ce qui a conduit à l’extrême variété de formes K des baies et ouvertures des XIX°et XX° siècle pour lesquelles il n’est pas certain que la recherche esthétique ait toujours prévalu.
On pourra toutefois noter qu’avec la “normalisation” (XX°s.) fut souvent adopté un K de 8/5 soit par exemple une baie de 1,60m x 1 m donc très proche du “nombre d’or”...
Quand je vous disais que l’on peut rêver devant baies et ouvertures et que :
Les fenêtres sourient, les fenêtres murmurent, les fenêtres jacassent, les fenêtres chantonnent, les fenêtres musardent...
comme le chantait Jacques…
4°) Essai sur les contraintes
Méditation sur les contraintes
Je m’efforce de conserver au texte suffisamment de simplicité et de cohérence pour que ceux que les formules rebutent définitivement puissent faire l’impasse sur leur lecture.
Je crois devoir rappeler que cette étude ne s’applique qu’aux « portes » et « fenêtres » de nos modestes habitations pour ajouter de l’intérêt à une visite
« positive » des villes et villages de France... C’est une incitation à la réflexion personnelle et à la pose d’un regard « différent » sur les petites choses qui nous
entourent…Nos banales « ouvertures » font partie de ces choses…
Contraintes sur le « linteau »
Examinons le dessin n°1 représentant une ouverture de construction rustique comme celles qu’on peut découvrir dans mon quartier de la Pêcherie à Tournus.
Généralement de petite taille, de largeur n’excédant pas trois pieds (# 99cm) et de hauteur variable (2 à 8 pieds) selon sa destination : passage, porte ou baie, elles s’insèrent
généralement dans une façade haute de sept à huit mètres dans un mur en moellons, épais de 1,5 pieds (#50 cm) minimum. Elles datent, à Tournus, des XIV – XV – XVI° siècles, mais je vous l’ai
dit, leur formule élémentaire remonte à la nuit des temps, et on en a construit jusqu’à nos jours d’identiques de forme, mais de résistance calculée...
Les contraintes que subissent les différents éléments sont connues depuis l’antiquité par la science du « Trait ». Mais nos braves compagnons bâtisseurs d’avant la Renaissance, francs
maçons maniant l’équerre et le niveau, instruits par la tradition, travaillaient de manière empirique, faute d’un système cohérent de poids et mesures et d’un projet architectural calculé qui
ne vint que plus tard.
L’évaluation quantitative de ces contraintes et de la résistance des matériaux était plutôt intuitive. Ce qui ne les empêcha pas de trouver des solutions ingénieuses qui ont encore cours
aujourd’hui. Voyons cela de plus près :
A l’examen de la figure ci-dessus, il est intuitivement évident que c’est sur le « linteau » que s’exerce en premier la pression, uniformément répartie, du poids de la maçonnerie
située droit au-dessus (marques rouges). Ce poids peut atteindre plusieurs dizaines de tonnes, selon les matériaux utilisés et la situation de la baie.
Sans faire appel aux mathématiques on comprend également que ce linteau, quelle que soit sa taille et sa composition, tend à fléchir et éventuellement à se rompre suivant sa section la moins
résistante. Au centre, par effet de levier (couple) en cas de bonne homogénéité.
Comme ce fut le cas pour cette baie d’une maison du XVIII° siècle dans mon quartier de la Pêcherie. Située au rez-de-chaussée sous un volume au droit de quatre m3 de moellons bruts (environ 7 à 8 tonnes).
Cet exemple est d’autant plus intéressant qu’on y remarque l’adjonction d’une pièce de bois (chêne) destinée traditionnellement à répartir uniformément la pression, mais qui semble avoir joué
le rôle contraire par la forme en dos de chameau de la face supérieur du linteau. Le constructeur « rustique » (j’emploie ce terme avec respect) mais non « scientifique »,
ne pouvant quantifier ces contraintes, les a pour le moins sous évaluées.
La superposition d’un triangle rigide (dont l’indéformabilité théorique avait été démontrée par les constructeurs de la Grèce antique), ou sa transformation en une voussure clavée,
(développement de l’époque romaine) est une solution élégante pour remédier à l’éventuelle faiblesse du linteau.
Transmise de génération en génération de « compagnons », on la retrouve souvent à Tournus.( en la Pêcherie bien sûr, mais dans toutes les rues et traboules les plus anciennes)
Elle permet le report du poids de la maçonnerie sur les extrémités du linteau, et donc sur la surface d’appui des pieds-droits, dont la résistance à l’écrasement (compression) est infiniment
plus grande par suppression de l’effet de couple.(Il faut noter que cette disposition ne joue pleinement son rôle qu’en l’absence de remplissage compact sous ce triangle de décharge.)
En poussant un peu l’analyse on peut même conclure, dans ces cas particuliers à l’inutilité mécanique de ce linteau. Ce qui a conduit à l’adoption de voussures clavées, de plein cintre ou en
anse de panier, notamment pour les passages, dont elles augmentent la hauteur sans allongement des pieds-droits. Nous en reparlerons plus loin.
Contraintes sur les pieds-droits : On comprend aisément que le poids de la maçonnerie sus-jacente une baie se reporte par moitié sur la tête de chacun des pieds-droits. Dans nos régions où
la pierre compacte et dure abonde, ceux ci sont constitués par une ou plusieurs pierres taillées formant un « poteau » dont la résistance à la compression est extrêmement élevée
(entre 300 et 600 kg/cm²) largement suffisante pour supporter n’importe quelle maçonnerie.
Toutefois, dans les cas de baie de grande hauteur relative, ce « poteau » est soumis à des forces qui tendent à le faire « flamber » vers l’intérieur (flèches bleues dans
notre dessin). C’est pour résister à cette tendance que l’on peut constater, à mi-hauteur de pieds-droits composites, la présence d’une, (parfois deux par pied-droit) pierre horizontale plus ou
moins engagée dans la maçonnerie adjacente. Quand ces pierres demeurent apparentes, elles contribuent en plus du renforcement, à l’agrément de ces baies par les « rythmes » qu’elles
induisent.
Le triangle de décharge en pierre ne peut être utilisé que pour des ouvertures relativement petites. Pour des baies de grande surface, la voussure clavée est plus indiquée, mais bien d’autres
solutions ingénieuses sont visibles à la Pêcherie ; Ce sera le sujet du prochain chapitre.
Quand les contraintes ne sont pas trop élevées, les pierres peuvent vous faire rêver !
Je crois devoir encore rappeler que je ne cause ici, de la manière la plus simple possible, que des baies et ouvertures de nos petites habitations des XV° au XVIII° siècles qui
subsistent dans beaucoup de quartiers de ma ville de Tournus comme de bien d’autres villes médiévales.
Souvent construites par d’anciens compagnons s’étant « mis à leur compte » après s’être affranchis de leur sujétion à un Maître d’œuvre devenu au fil des temps
« l’Architecte » [4] ces modestes « portes et fenêtres » peuvent être, pour le touriste, le chercheur ou l’amateur d’art une source de
réflexion esthétique, historique ou technique…
Le problème du « Linteau »
Pour le constructeur des grandes églises ou cathédrales, dès que se pose le problème d’une large ouverture devant supporter une lourde maçonnerie susjacente, la solution toujours adoptée, est
la couverture par une voussure clavée de plein cintre, (héritage de Rome), en berceau brisé (développement Roman), en ogive (développement Gothique), en anse de panier (Renaissance). Le linteau
porteur n’existe pratiquement pas, sauf pour supporter le motif décoratif du tympan des grands portails. Encore lui faut-il alors le secours d’un « trumeau » central, comme ci-dessous
dans le portail central de l’église romane de Conques.
Pour le constructeur de maison d’habitation, le problème du linteau de grande portée (large entrée de magasins ou garages par exemple) se pose différemment. La construction d’une voussure
clavée est généralement rendue impossible par la présence d’un étage à hauteur réduite. L’enseignement n’en sera toutefois pas perdu, et on la verra subsister sous forme d’arc de décharge
souvent incorporé à la maçonnerie..
Le constructeur d’alors ne dispose que de deux matériaux : la pierre et le bois. (Nous sommes encore bien loin des fers IPN ou des poutres en béton armé et précontraint…) : La pierre
en relative abondance… Le bois, en grosse section, moins disponible et cher.
Comme les murs ne peuvent avoir moins de 1 pied 1/2 d’épaisseur (50cm) pour assurer la cohésion des moellons tout venant, le linteau doit également avoir cette largeur d’appui et une hauteur au
moins équivalente. Comment choisir ?…
Contrairement à ce que pourrait croire un esprit non averti, la charge de rupture du bois (chêne, chataîgnier, sapin..) est supérieure à celle de la pierre à section égale. Par ailleurs obtenir
un bloc monolithique sans faille de 2500cm² de section sur 2m60 est un exploit que seules quelques carrières de la région peuvent réaliser, mais à un prix prohibitif… De même un fût de chêne
rustiquement équarri à 50cm provient d’un arbre agé d’au moins deux cent ans et ça ne devait pas se trouver à chaque coin de la forêt, le plus souvent possession seigneuriale et jalousement
exploitée.
Nos artisans et entrepreneurs n’étant pas en reste d’imagination et de technique, ce fut par la combinaison des deux matériaux, la pierre et le bois que fut résolu le problème délicat du
linteau de grande portée. Le bois d’un seul jet (chêne dans nos régions) caché par la pierre en linteaux composites aux combinaisons multiples et parfois inattendues…
Notre propos se limitant à éveiller l’intérêt et la curiosité, c’est sur les quelques exemples ci-dessous choisis parmi d’autres dans le quartier de la Pêcherie, que nous vous invitons à
réfléchir et méditer... Laissant aux virtuoses du calcul vectoriel le plaisir d’analyser les diagrammes des forces en présence…
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Sur le quai Nord, ce beau linteau composite fait l’admiration des amateurs.
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Rue Poissonnerie, ce curieux assemblage suscite bien des interrogations…
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Voussure en arc brisé (XIII°)
Il est certain que la voussure clavée fut réservée, dans ses différentes déclinaisons, aux grandes ouvertures des grands monuments religieux ou civils, en raison de la résistance presque
infinie de la pierre à l’écrasement (dessin ci-contre).
Cependant les maîtres-maçons constructeurs des modestes maisons d’habitation des XV°, XVI°, XVII° siècles eurent fréquemment recours à ce type de voûtement pour raison d’esthétique quand il
s’agit de petites baies, mais aussi de résistance quand ce type de voussure servait à limiter l’ouverture de grandes échoppes d’artisan ou d’arcades de cirdulation abritée comme on peut en voir
à Tournus (place de l’H. de Ville) ou à Louhans [5].
Le visiteur du quartier de la Pêcherie, l’amateur d’art, pourra rêver devant de nombreuses voussures de différents types. Nous nous bornerons à présenter ici trois de ces voussures qui firent
successivement l’objet d’étude et de mise en valeur, par nos soins :
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Maison des Gendarmes (XV° siècle), Rue du Dr Privey.
La voussure d’entrée du long couloir qui menait aux écuries est ici en arc de plein cintre demi circulaire. Elle est constituée de sept claveaux dont une clef saillante et sculptée. A l’examen,
il semblerait que le fronton renaissance qui la surmonte soit postérieur à cette voussure et rajouté pour des raisons de prestige.
De nombreuses petites voussures semblables sont visibles dans toutes la ville de Tournus. A l’amateur de les découvrir…
Il faut noter que très souvent le niveau du sol était situé entre 0,40 et 120cm plus bas que le sol actuel ; parfois plus dans les parties basses de la ville ( Ici : 0,40m ).
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Le Logis du Poète (XVI°siècle), 7 rue des Saules.
Peut-on parler ici de « voussure » ? ou faut-il l’appeler « Linteau composite » ?
Il s’agit en fait d’une composition originale des deux formules, destinée à limiter deux ouvertures : l’une rectangulaire d’accès à l’étage, l’autre, à la couverture d’une échoppe
d’artisan (pêcheur ? fabricant de filets ?).
La pierre en « TAU » qui surmonte le pilier central est le point d’appui des deux formules : un linteau composite pour l’ouverture et une voussure en anse de panier, d’une audace
inouie, pour couvrir l’échoppe. Le pilier et la pierre en tau ont l’épaisseur du mur : 1 pied ½ (50cm).
Les monolithes apparents, (limités en rouge) d’épaisseur ½ pied, étaient doublés intérieurement de voussures clavées en petit appareil reposant sur les mêmes appuis. Encore visible derrière la
porte étroite.
L’audace de la voussure de l’échoppe consiste en ce que la « flèche » du grand arc de l’anse est d’environ 2,5 cm et que les forces reportée latéralement sont immenses…
Et pourtant, ça tient…
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Voussure du porche de la Maison du Roi Guillaume (Milieu du XVI°siècle),
Cette voussure est remarquable à plus d’un titre :
a) Sa forme est
particulièrement harmonieuse. (lire ci-contre)
b) Les claveaux qui la
constituent sont des pierres minutieusement taillées, de l’épaisseur du mur : 2 pieds (67cm). L’ensemble supporte un poids de maçonnerie supérieur à 30 tonnes.
c) Un ébrasement intérieur de
la voussure témoigne de la parfaite maîtrise de l’utilisation de la pierre par le constructeur.
d) La clef de voûte est
frappée d’un écusson entouré de palme qui est resté intact.
BAIES… LINTEAUX ET VOUSSURES (suite et fin)
La promenade à laquelle je vous conviais en ouvrant cette rubrique se termine ici...
En mettant en exergue des paroles de la chanson de Jacques Brel, je n’avais d’autre intention que d’inviter le visiteur à regarder « autrement » les baies et ouvertures diverses de
nos vieilles maisons.
J’étais, et je demeure, persuadé que l’examen comparatif des multiples formes et proportions de nos « fenêtres » anciennes pouvait être source de plaisir esthétique, s’ajoutant à
celui de la découverte des grands monuments historiques qui est généralement le principal motif de visite de nos villes médiévales.
J’espère que les redondances imposées par le découpage en articles trimestriels successifs n’ont pas trop alourdi un texte que je voulais le plus simple et le plus accessible possible.
Peut-être que les exemples qui closent cette rubrique illustreront, mieux que mes longues justifications, l’invitation à la découverte du sens artistique que possède la moindre fenêtre de nos
humbles maisons.
A travers le prisme du goût artistique et de la poésie, la belle façade tournusienne du XVIII° peut être perçue comme une œuvre d’art moderne que n’aurait pas reniée un Mondrian…
P.-S.
Cet article, ainsi que les illustrations qui l’accompagnent, ne fait aucun emprunt à d’autres écrits antérieurs. C’est une réflexion inspirée par mon expérience artistique personnelle et mes
voyages de recherches. Je me dois cependant de citer quelques ouvrages, où j’ai pu retrouver des préoccupations semblables aux miennes :
— -le site : www.pierreseche.com/
— -Le tome « BORIES » de la collection « Lubéron images et signes » (Edisud)
— - D. RIBA et J.MOULIN : « A la recherche des premiers Bâtisseurs » Edt. France Empire" 1977
— -« Préhistoire de la Bretagne » ouvrage collectif, Ouest-France édit. 1979
entre’autres... !
Notes
[1] Lexique des termes techniques
utilisés.
Arcade : n. fém. Ensemble architectural constitué par des supports
et un arc enjambant le vide situé entre ceux-ci. Elle est dite aveugle lorsqu’elle est appliquée contre un mur.
Baie : n. fém. (de béer). 1. Arch. : Large ouverture murale
faisant office de porte ou de fenêtre.
Claveau : n. masc. (lat. clavis « clé »). ARCH. Pierre
taillée en forme de coin, utilisée dans la construction d’un arc, d’une voûte, etc. Le claveau qui est situé au sommet est la clé ; ceux qui s’appuient sur les supports (de l’arc, de la
voûte) sont les sommiers. Syn. de voussoir.
Fenêtre : n. fém. 1. : Ouverture aménagée dans le mur d’un
bâtiment, pour laisser passer la lumière et/ou l’air. Percer une fenêtre. Regarder par la fenêtre. Une fenêtre qui donne sur la rue. 2. : Élément de menuiserie équipant cette ouverture et
comportant un châssis fixe (ou dormant) dans lequel vient s’encastrer un second châssis fixe ou mobile, pourvu d’un vitrage. Ouvrir, fermer la fenêtre.
Croisillon : n. masc. : 1. Traverse d’une croix. 3. Traverse
partageant une baie, une croisée. / n. plur. Baguettes de bois croisées qui maintiennent les carreaux des fenêtres anciennes.
Linteau : n. masc. (lat. pop. limitans « qui limite »).
Traverse horizontale de bois, de métal ou de pierre qui soutient la maçonnerie placée au-dessus d’une baie.
Meneau : n. masc. 1. : Anc. Montant ou traverse de pierre qui
compartimente une baie. 2. : Montant d’une croisée. / Moulure décorative d’un fronton.
Nombre d’or : (souvent évoqué dans ces Cahiers) C’est l’expression
numérique (1,618...) d’une proportion remarquable, connue depuis l’antiquité, liée à de nombreux phénomènes naturels et aux propriétés du pentagone, du décagone réguliers. Redécouverte au XV°
siècle par Paccioli qui parle de « Divine proportion » et L. de Vinci de « Section dorée ». Il semblerait que l’expression « nombre d’or » ne soit pas antérieure au
XIX°siècle. (« Que sais-je » P.U.F.).
Piédroit ou pied-droit : n. masc. Montant ou mur vertical portant
les retombées du couvrement de la baie ou celles des arcs, des voussures, etc. Syn. jambage.
Rectangle : n. masc. GÉOM. Parallélogramme ayant quatre angles
droits. Note : Tout rectangle est suffisamment défini par sa longueur et sa largeur. Le rapport Longueur/largeur est conventionnellement appelé coéfficient de forme (K) . Le Carré est un
rectangle à quatre côtés égaux.
Sommier : n.masc. Claveau qui porte directement sur le support.
Tableau (de baie) : épaisseur d’un mur faisant saillie en dehors
d’un encadrement de porte ou de fenêtre.
Trumeau : Par ext. ARCH. Pilier vertical séparant en deux la baie
d’un portail et soutenant le linteau.
Tympan : espace compris entre le linteau et la voussure d’un portail
il est souvent orné de sculptures ( Christe en majesté dans les églises médiévales).
Voûte : n. fém. (lat. pop. volvita, de volvere
« enrouler »). Ouvrage de maçonnerie de profil courbe, destiné à couvrir l’espace vide situé entre ses supports (murs, colonnes, etc.).
Voussure : n. fém. Chacun des arcs situés au-dessus d’un portail
roman ou gothique. (En retrait les unes par rapport aux autres, les voussures sont généralement ornées de sculptures.) / Arc élémentaire dans une archivolte. / Portion de voûte ou petite voûte.
Voussoir : voir claveau.
[2] a/b=(a+b)/a
[3] Détail tragi-cocasse : toutes avaient perdu leurs meneaux
et croisillons en des temps pas si lointains où la base d’imposition foncière reposait sur le nombre d’ouvertures des façades.Deux seules ont été partiellement restaurées, mais elles ont perdu la
belle unité d’origine
[4] …Au Moyen Âge, l’architecte était le maître d’œuvre. Au
XIIe siècle, il travaillait encore de ses mains parmi les ouvriers… C’est au cours du XIIIe siècle que le maître d’œuvre prend
conscience de sa valeur et que, son état se modifiant, il cesse de travailler de ses mains. Le moine prédicateur Nicolas de Biard, en protestant contre les nouvelles manières des maîtres de
chantier, nous renseigne à cet égard : « Il ordonne seulement par la parole et n’y met jamais la main, cependant reçoit un salaire plus considérable que les autres… Les maîtres maçons,
ayant en main la baguette et les gants, disent aux autres : « Par-ci me taille » et ne travaillent point. » Ces maîtres d’œuvre jouissaient d’un grand prestige et de toutes
sortes de privilèges… Certains s’enrichirent notablement, devinrent propriétaires, s’installèrent à leur compte comme carriers et comme entrepreneurs. La plupart sont restés anonymes…
(Encyclopédie Hachette 99)
[5] Avant le XV° siècle, les maisons d’habitation, hormis les
hôtels de notables, étaient le plus souvent construites en bois.