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24 février 2024 6 24 /02 /février /2024 02:41
 
On peut légitimement moquer les recettes passéistes proposées par Emmanuel Macron pour réhabiliter l’école républicaine. À condition de prendre en compte la demande de tranquillité qui émane de nombreuses familles, souvent les plus modestes.
Uniforme au collège, instruction civique renforcée, Marseillaise pour les enfants, service civique généralisé… Le « réarmement » prôné par Emmanuel Macron fleure bon l’instruction à l’ancienne et les images sépia d’un mythique âge d’or de l’école républicaine. Il n’y manque que l’odeur de la craie, les plumes sergent-major et les coups de règle sur les doigts.
Du coup, la gauche fustige ce rappel à l’ordre, cette nostalgie patriotique, ce passage du « en même temps » au temps passé, manifestement destiné à un électorat de droite qui pense que tout en France « était mieux avant ». Fort bien. Il y a effectivement quelque chose d’un peu ridicule dans cet éloge d’une époque révolue où la discipline scolaire visait à formater de bons Français obéissants, où l’école triait sans états d’âme les élèves dès la fin du primaire, aiguillant les enfants des classes cultivées vers le lycée, les autres vers l’enseignement court qui menait aux champs ou à l’usine.
Mais, à bien y réfléchir, n’y a-t-il pas là, aussi bien, un piège, dissimulé par ce plan passéiste propre à susciter un réflexe pavlovien ? En moquant cette apologie de l’ordre et des règles, l’ancienne gauche risque d’oublier l’angoisse de nombreuses familles, dans les quartiers populaires, notamment, qui voient des points de deal s’établir à proximité des collèges, la violence pénétrer dans ces sanctuaires dédiés au savoir, les professeurs découragés par un métier de plus en plus difficile face à un public rétif, les écrans capter l’attention des enfants au détriment de l’apprentissage, le recrutement des enseignants se tarir en raison d’un statut professoral dévalué et dénigré.
Le piège, au vrai, saute aux yeux : en se récriant devant l’apologie de l’ordre, la gauche se résignerait-elle au désordre ? Proposerait-elle, au fond, de ne rien faire devant les difficultés qui assaillent tant de collèges et de lycées, bousculés par un environnement social dégradé, au fonctionnement émaillé d’incivilités quotidiennes, affectés d’une baisse de niveau attestée par toutes les études internationales et qui incite de nombreuses familles, qui ne sont pas toutes bourgeoises, à préférer l’enseignement privé ?
Pour tout républicain, la défense de l’école publique est un impératif catégorique. Mais pour qu’elle remplisse sa mission, il faut aussi que cette école assure aux élèves une vie tranquille, un respect des règles et des enseignants, des classes paisibles et une laïcité rigoureuse. Les remèdes macroniens, symboliques pour l’essentiel, jouent sur le souvenir enjolivé d’une école d’Épinal. Certes. Mais, en dehors de la juste revendication d’un meilleur salaire et de l’éternelle demande de moyens accrus, quelles sont les solutions de gauche propres à réhabiliter l’école républicaine aux yeux de l’opinion, à rassurer les familles modestes, pour qui l’école représente le seul espoir d’ascension sociale ?
On a raison de défendre le collège unique, attaqué par la bande, de prôner une éducation démocratique et moderne, qui améliore l’égalité des chances et cherche à corriger les handicaps de départ. Mais pour atteindre ces justes objectifs, la tranquillité scolaire est une condition cardinale. Voilà un motif de réflexion essentiel pour une gauche qui veut relever les défis d’aujourd’hui en regardant les choses en face.
 
Laurent Joffrin
 
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11 décembre 2023 1 11 /12 /décembre /2023 10:58
 
La droite a défiguré le projet initial du gouvernement par ses amendements xénophobes. Du coup la discussion a dégénéré en un pugilat aux connotations antirépublicaines.
Désastreuse valse-hésitation sur le projet de loi immigration. Le gouvernement avait un texte, mais il court après la droite pour obtenir une majorité à l’Assemblée, laquelle court après le Rassemblement national pour tenter de récupérer ses électeurs perdus. Du coup, le projet est sans cesse renégocié, remanié, marchandé pour tenter de résoudre cette quadrature du cercle anti-immigration, sous les quolibets goguenards des lepénistes.
Une certitude à ce stade : les amendements de la droite sont inacceptables pour tout humaniste. Refus de toute régularisation, remise en cause du droit du sol, restriction du regroupement familial, quasi suppression de l’Aide médicale pour les sans-papiers : la droite républicaine écorne la tradition républicaine dans l’espoir d’amadouer ceux qui n’aiment pas la République ; elle souscrit à l’air du temps qui impute aux étrangers l’essentiel des maux qui affligent les Français, dans un syndrome du bouc émissaire. La gauche a raison de mener sur ce point une bataille culturelle en rappelant que la grande majorité des immigrés ne veulent rien d’autre que trouver leur modeste place au soleil dans la société française, qu’ils forment une bonne partie de ces « travailleurs de première ligne » qu’on louait tant pendant la pandémie de Covid et que s’ils respectent les lois et vivent en bonne intelligence avec le pays d’accueil, ils sont ici chez eux.
Pour autant, cette gauche voit-elle juste en rejetant tout uniment le projet gouvernemental dans sa version initiale ? Pas sûr. Elle réclame la régularisation de tous les sans-papiers et rejette une régularisation partielle. Cette abolition de toute distinction entre ceux qui remplissent les critères d’admission et les autres est-elle raisonnable ? On en doute. En revanche la légalisation des mêmes travailleurs dans les « métiers en tension », telle que le proposait le gouvernement, est un pas dans la bonne direction. Rejeter le projet d’emblée, c’est aussi récuser cette amélioration.
Quant à réclamer une bonne maîtrise de la langue et des valeurs de démocratie française aux candidats au séjour, est-ce une si mauvaise idée ? C’est le défaut d’intégration des immigrés plus que leur nombre qui pose problème. N’est-ce pas les aider que de leur demander un effort initial ? De même, prévoir l’expulsion de ceux qui violent délibérément les lois ou qui représentent un danger pour la sécurité du pays, est-ce contraire à la logique républicaine ? On en doute tout autant.
Au fond, le débat est vicié par les postures politiques des uns et des autres. Il y manque un débat national rationnel, qui pourrait se développer au sein d’une convention citoyenne et déboucher sur un projet d’ensemble qui conjugue accueil, intégration et fermeté sur les critères d’admission. Est-ce un rêve ?
 
Laurent Joffrin
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9 décembre 2023 6 09 /12 /décembre /2023 10:33
 
On déplore le manque de réactivité des adversaires de Marine Le Pen. Juste remarque qui oublie le plus important : lutter sérieusement contre les maux qui la font progresser.
On s’inquiète à juste titre de la « normalisation » du Rassemblement National. Un sondage Viavoice pour LeJournal.info l’avait déjà mise en lumière ; une enquête du Monde vient la confirmer. Entre autres résultats, les Français sont maintenant plus nombreux à penser que le RN peut légitimement participer à un gouvernement, qu’à rejeter cette angoissante hypothèse. Les commentateurs dénoncent « l’apathie » des adversaires du RN face à cette « dédiabolisation », rappelant fort justement ses contradictions, ses revirements et, surtout, le caractère antirépublicain de nombre de ses propositions. Œuvre pie s’il en est, précieuse pour éclairer l’opinion.
Mais c’est oublier l’essentiel : si le RN progresse régulièrement, ce n’est pas principalement parce que ses procureurs sont un peu mous du genou ou bien qu’ils négligent de réfuter ses thèses. D’ailleurs, quand le RN était « diabolisé », il progressait aussi. C’est que les problèmes qui favorisent l’ascension de Marine Le Pen ne sont pas résolus. Lesquels ? La « fracture sociale », jadis dénoncée par Jacques Chirac, est toujours béante ; l’insécurité, si elle n’atteint en rien les niveaux proclamés par l’extrême-droite, progresse en France, comme en témoigne l’augmentation des agressions contre les personnes ; la politique d’immigration, enfin, qui consiste surtout à concentrer les nouveaux venus dans des quartiers déshérités, où prospère une délinquance endémique et un trafic de drogue en pleine expansion.
Sur le premier point, des efforts incontestables ont été produits par les gouvernements successifs, de gauche ou du centre. Mais les résultats sont encore insuffisants et l’idée d’un « ruissellement » automatique des revenus du haut vers le bas continue d’exercer ses effets délétères. Sur le deuxième, l’insécurité, sa gravité a trop longtemps été niée et les investissements dans la justice ou la police récemment consentis viennent seulement entamer un nécessaire rattrapage.
Sur le troisième, enfin, entre les éructations de l’extrême-droite et le silence de la gauche, aucune politique cohérente d’accueil, mais aussi de régulation, n’a encore été formulée. Mieux accueillir, mais aussi mieux reconduire : c’est la seule voie praticable. Il y manque une description des voies et moyens, qu’on n’ose guère détailler, tant le sujet est émotionnel. Cela peut se comprendre : on navigue avec crainte entre les deux écueils de la fermeté excessive et du laissez-faire. Mais le silence n’est pas d’or en la matière : il laisse aux xénophobes le monopole de la parole sur ce dossier.
 
Laurent Joffrin
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27 novembre 2023 1 27 /11 /novembre /2023 13:41
Les mensonges de Crépol
Les uns n’osent pas dire qui sont les agresseurs, les autres déroulent leur catéchisme xénophobe. Les réactions au meurtre du jeune Thomas dans un bal populaire à Crépol dans l’Isère, met en lumière l’inanité des postures partisanes.
Naïveté des progressistes, perversité de l’extrême-droite. Avec une bonne intention – ne pas encourager un éventuel affrontement communautaire – la justice et une bonne partie de la presse ont volontairement tu les prénoms des suspects du crime de Crépol, laissant dans un pieux anonymat les assaillants de ce bal populaire où un jeune homme de 16 ans a été poignardé à mort. Mais comme tout se sait dans ce genre d’affaire très médiatisée, il s’avère que les prénoms en question désignent des garçons de culture musulmane, issus pour la plupart du « quartier sensible » de la Monnaie à Romans-sur-Isère. C’est un fait. Pourquoi l’avoir caché, sinon par une pusillanimité hors de propos ?
C’est en tout cas du nanan pour l’extrême-droite, qui double sa honteuse dénonciation de « l’immigration » (alors que les jeunes hommes en question sont français), d’un numéro bien rôdé sur « l’omerta » qui viserait à cacher aux bons Français la réalité des choses. À quoi bon édulcorer ce fait divers, qui est aussi un fait de société et qu’il est légitime de commenter ? On ne s’est pas privé de parler dans le cas de Nahel, ce jeune homme tué par un policier avant l’été. Mettre l’un en exergue et minimiser l’autre, c’est prêter le flanc à l’accusation de cécité volontaire.
On sait bien que la République, fautive en l’occurrence, n’a pas su éviter la sédimentation, au cœur des quartiers populaires, d’une couche sociale minoritaire mais inquiétante de jeunes issus de l’immigration englués dans une culture du trafic, de l’incivilité, de la transgression et de la violence. On en voit sans cesse la manifestation dans les règlements de compte marseillais, dans certains crimes commis récemment à Bordeaux, à Dijon ou ailleurs et, s’il était besoin d’une preuve, dans les émeutes de juin dernier qui ont secoué le pays par leur violence nihiliste.
Profitant de ces hésitations, l’extrême-droite déroule son dangereux bréviaire. Si ces suspects ont des prénoms musulmans, dit-elle, c’est bien que ces étrangers sont par nature dangereux et que l’immigration est le grand facteur de ces désordres. Et de mettre en scène ces « vrais Français », habitants d’un village de carte postale, joueurs de rugby, sport bien blanc (et non de football, « infesté par les racailles »), agressés par des « Français de papier » dont l’ADN serait celui de la violence et du « racisme antiblancs ».
Que dire, sinon que ce discours plus ou moins affiché exprime une xénophobie pure ? L’immigration coupable ? L’immense majorité des immigrés, à commencer par ceux des quartiers populaires, réprouvent cette violence. Dans ces cités, ils sont pris en otages par les narco-trafiquants, soumis à la loi des gangs et touchés au premier chef par les exactions des délinquants. Citoyens comme les autres, ils réclament la paix civile, déplorent l’inconduite des jeunes, espèrent la justice et, concrètement, la présence de la police en bas de chez eux. Incriminer « l’immigration », comme le font les Zemmour, Le Pen, et même Ciotti, c’est mettre dans le même sac tous ces immigrés, qui n’en peuvent mais, et veulent avant tout se faire une modeste place au soleil au sein de la société française. C’est enfin favoriser par des déclarations hostiles et intolérantes, le communautarisme qu’on prétend combattre et exprimer son racisme latent par des sophismes pervers.
La vérité, c’est qu’il nous manque une politique à la fois sociale et ferme, qui table sur la sanction et la prévention, qui assure la prédominance des valeurs républicaines auprès de ces jeunes marginalisés par la relégation économique, sociale et culturelle, une politique qui leur donne, surtout, un espoir tangible d’intégration. C’est-à-dire la politique qu’une gauche sociale et républicaine soucieuse de la paix civile, hors de tout déni et de toute complaisance, devrait définir et défendre.
 
Laurent Joffrin
Extrême droite : Ciotti, l’idiot inutile

 

par Dominique Albertini

publié aujourd'hui à 12h46
 

On pensait avoir tout constaté de la déchéance du parti Les Républicains. On n’y était pas : manquait encore d’avoir entendu l’inégalable Eric Ciotti, président du parti, refuser de condamner la descente d’un groupe de fascistes dans un quartier de Romans-sur-Isère, dans la soirée du samedi 25 novembre. Ces jeunes gens à l’impeccable coiffure venaient faire payer à tout un quartier le meurtre du jeune Thomas, tué le 19 novembre dans la commune proche de Crépol. L’hypothèse de la promenade digestive est fragile : beaucoup moins celle d’une expédition punitive destinée à «casser de l’Arabe», au nom d’une culpabilité collective des minorités ethniques.

Le lendemain dimanche, sur BFMTV, Ciotti se voit donc proposer de commenter et – ce serait logique pour un «grand parti gaulliste de gouvernement» – de condamner les actes et l’idéologie de ces nervis. Le président de LR refuse à plusieurs reprises. Il s’indigne, à fort juste titre, du meurtre du jeune Thomas. Le reste, il refuse même d’en parler. «Vous ne me ferez pas dire ça», s’entête-t-il sans honte.

On va se permettre des suggestions à l’excellent président de LR. Quitte à ne pas vouloir trop en faire, il pouvait dire, par exemple : «C’est le drame de Crépol qui mérite toute notre attention, mais les faits que vous évoquez sont tout à fait condamnables.» Ou encore : «Il s’agit d’une scandaleuse initiative, prise au nom d’une idéologie que je réprouve, mais vous me permettrez de réserver ma compassion à la famille de Thomas.» Mais non : il ne fallait même pas, semble-t-il, avoir un mot de réprobation pour les méfaits d’une escouade de fascistes.

 

Nous aussi, nous savons mesurer nos mots. Nous refusons d’affirmer qu’Eric Ciotti est un politicien sans foi ni loi, le porte-serviette de l’extrême droite, l’essuie-main d’Eric Zemmour, le tapis-brosse de Marine Le Pen et le visage du cynisme à courte vue.

Eric Ciotti aime-t-il les nazis ? Bien sûr que non. Il fait simplement ce qu’il fait de mieux : de la petite stratégie de plateau, censée lui valoir ses galons d’homme «d’ordre». Sans trop de pudeur, mais heureusement sans beaucoup plus de talent, il se croit habile d’emprunter à l’extrême droite ses accents les plus crasses. De convertir son parti à une radicalité qui n’a même pas le mérite de s’assumer comme telle, puisqu’elle continue de se camoufler derrière de rassurants mantras – «parti de gouvernement», «crédibilité», «responsabilité»…

Sous ces apprêts de plus en plus jaunis, Eric Ciotti est aussi celui qui a importé à droite l’idée du «grand remplacement», défendue pendant la dernière primaire présidentielle de LR. C’est-à-dire qu’il assume de distinguer, y compris parmi les citoyens français, les blancs et les non-blancs : s’il dit le contraire, c’est qu’il n’a rien compris à la théorie dont il parlait. C’est asséné entre deux refrains sur la «France éternelle» et la «priorité nationale» : face au RN et à Reconquête, ça va marcher, c’est sûr…

Pendant ce temps, personne ne comprend rien au positionnement de LR à l’Assemblée, personne ne saurait en nommer la queue d’une idée neuve et, au fond, tout le monde ou presque se moque bien de ce parti et de ce qu’il pourrait devenir. Dimanche sur BFM, Ciotti a simplement confirmé que sa mission historique est de noyer sa famille politique dans le déshonneur, en plus de l’échec électoral.

 

par Thomas Legrand

publié le 26 novembre 2023 à 15h56
 

Vincent Bolloré est un industriel consciencieux. Pour être certain de bien vendre le produit qu’il est en train de concevoir, il faut préparer le marché, c’est-à-dire la société. Et ce produit, sans doute l’œuvre de sa vie, ne se fabrique pas dans une usine mais dans des salles de rédactions. Ce produit, c’est la guerre civile. Comment préparer la société ? Il faut la terrifier et dire que sur cette terre, tout le monde déteste tout le monde et qu’il faut se battre, non pas pour changer les raisons économiques, sociales, politiques de ce qui arrive, mais pour ce que l’on est et contre ce que les autres sont. Ce qui s’est passé sur les antennes et les colonnes des médias bollorisés, s’agissant de l’affaire de Crépol où le jeune Thomas a été tué en marge d’une fête, résume la façon de faire des artisans méthodiques de la guerre civile censée venir.

Alors que les «bals tragiques» ont toujours existé, les journalistes de CNews, du Journal du Dimanche version Geoffroy Lejeune et d’Europe 1 n’ont pas beaucoup travaillé. C’est-à-dire que leur antenne, leurs colonnes, ne se sont pas vraiment remplies de reportages ni d’enquêtes. Le summum de l’investigation du JDD, racontée en page 2 comme une épopée à la Bob Woodward, a constitué à retrouver les prénoms des agresseurs avant qu’ils ne soient rendus public. En réalité, sur tous les sujets, le temps d’antenne et le nombre de colonnes consacrées au reportage et à l’investigation sont infimes par rapport aux commentaires des polémistes. Dans le JDD de ce dimanche 26 novembre, sur quatre pages consacrées à l’affaire de Crépol, une seule est le fait d’envoyés spéciaux, juste pour couvrir la marche silencieuse. La presse Bolloré n’est pas tant une presse d’extrême droite qu’une presse sans journalisme. L’unique page (p. 21) sur la situation en Israël et Palestine est écrite de Paris. Le secret, c’est d’éviter de faire des reportages car en plus cela permet de faire des économies sur l’info.

 

Journalisme assis et fabrique de la réalité

Résultat, de Cyril Hanouna sur C8 qui ne fait que commenter l’actualité avec ses chroniqueurs tétanisés par le comportement de chef de bande mafieux de leur star, à CNews qui multiplie les plateaux d’experts identitaires ou de «philosophes» déclinistes, en passant par le JDD, qui reprend tout ce beau monde pour coucher les analyses de la semaine sur le papier du dimanche, rien n’est fait pour décrire la réalité. Tout est fait, en revanche, pour décréter que la réalité décrite par les autres médias, ceux qui se donnent la peine d’aller sur place, est fabriquée par la bien-pensance et le politiquement correct. L’armée de chroniqueurs vulgaires et incultes de C8, de polémistes polarisateurs et hâbleurs de CNews et de journalistes assis du JDD, s’applique à dessiner ce que les Américains appellent une «big picture» de la société, telle que la seule solution soit l’avènement d’un régime autoritaire ou de la guerre civile… ou les deux.

Les faits divers sont des faits de société. Décider de les traiter comme tels c’est, normalement, aller sur le terrain, comprendre et documenter le déroulé des évènements, se rendre compte du contexte, de la situation sociale du lieu, de son histoire. La question du rapport entre les cités et les campagnes alentour est bien mieux racontée par les reporters qui ont le temps et les moyens d’aller sur place et d’éprouver, physiquement, sensoriellement, émotivement mais d’abord avec leurs méthodes rationnelles du métier de journaliste. Ils ne tentent pas, au premier chef, d’appréhender le fait divers pour ce qu’il pourrait apporter comme eau au moulin de l’orientation politique de leur journal. Il ne s’agit pas de dire qu’un reporter de Libération ou du Figaro regardera les faits sous le même angle, mais ils en donneront une épaisseur factuelle et contextuelle qui éclairera leur complexité.

Intégriste pour intégriste

La confrontation de jeunes issus de groupes sociaux ou éthiques différents, cela arrive tous les week-ends dans toute la France et ça ne décrit pas une situation globale identique. Ecouter les reporters des autres chaînes d’info ou des radios, publiques ou privées, c’est toujours, même quand c’est orienté, une source de dépolarisation utile. La presse Bolloré plaque son regard, avant tout xénophobe et anti-musulman, non seulement sur le choix de ses sujets, mais sur n’importe quel sujet : d’un bal tragique aux punaises de lits. Le comble c’est que cette presse, sans quasiment aucun journaliste de terrain, passe son temps à désigner le reste de la profession comme étant celle d’une gauche déracinée, hors sol, germanopratine, enfermée dans sa bulle boboïsée. Vincent Bolloré est le promoteur de la guerre de civilisation. Il partage ce projet avec les islamistes radicaux qui doivent adorer l’effet qu’ils escomptaient bien produire, se réaliser avec la complicité d’un catholique, comme eux, intégriste. Vincent Bolloré est un danger identitaire pour la France.

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16 novembre 2023 4 16 /11 /novembre /2023 10:45
Mais que font les réformistes ?
Mélenchon plonge, la NUPES moribonde s’efface. C’est l’heure de la gauche républicaine. Encore faut-il qu’elle le comprenne…
Comme un homme qui se noie, Jean-Luc Mélenchon entraîne la gauche vers le fond. Énième sondage – un Ipsos dans Le Point – qui atteste de la chute libre du leader LFI dans l’opinion. Sa cote de popularité s’effondre à 17% avec une baisse de 5 points en un mois, contre 75% d’opinions négatives. Il perd auprès des sympathisants LFI et PCF (-8 points), du PS (21%, -9 points) et des sympathisants EELV (19%, -21 points).
On dira : c’est son affaire, il a pris ses responsabilités. L’ennui, c’est que ses outrances répétées déteignent sur toute la gauche, quand bien même elle se serait gardée de marcher dans ses traces depuis le 7 octobre. Ainsi Fabien Roussel, François Ruffin ou Olivier Faure sont également touché par la défaveur, alors même que leur position sur le conflit de Gaza s’est distinguées clairement des dérapages extravagants de Mélenchon.
Mais rien d’étonnant quand on y pense. Le soupçon d’antisémitisme est trop infamant pour rester confiné à un seul porte-parole. C’est un virus galopant, qui s’attrape dans la proximité d’un leader devenu contagieux. Sa diffusion a évidemment pour vecteur cette NUPES qui commence à coller à la gauche comme une tunique de Nessus. Une pandémie politique perverse, qui oblige maintenant la gauche française à se défendre de tout antisémitisme, alors que dans sa composante républicaine elle a toujours combattu le fléau avec énergie. Le monde démocratique à l’envers…
Symétriquement et par comparaison, le RN, parti d’origine antisémite, est blanchi aux yeux de l’opinion de ses turpitudes en ce domaine, tandis que les personnalités de l’orbe macronienne gagnent des points dans l’esprit public. Quel résultat, on l’admettra ! Tout esprit candide se pose dès lors une seule question : pourquoi la gauche républicaine, celle qui a toujours tenu le cap d’une paix équilibrée au Proche-Orient, qui a toujours défendu l’universalisme, la laïcité, qui prône un programme de réformes radicales à la fois sociales et écologiques, ne saisit pas cette occasion pour s’affirmer, ne montre pas à l’opinion que la gauche française est bien autre chose qu’un attelage brinqueballant tiré à hue et à dia par une secte radicale irresponsable et dogmatique ?
L’occasion est unique : d’un côté, beaucoup d’électeurs progressistes captés par Macron sont refroidis par la droitisation du « en même temps », de l’autre, beaucoup de ceux qui ont suivi Mélenchon au nom du vote utile se rendent compte de leur bévue. Tout un électorat de gauche déboussolé attend un message clair et quelqu’une ou quelqu’un pour l’incarner, loin des confusions et des palinodies insoumises ou nupéistes. Pour la gauche réformiste, c’est le « kairos » des Grecs, le moment décisif, qu’il faut saisir à tout prix, sauf à rester à la traîne de son destin. D’où le titre de cette lettre : mais que font les réformistes ?
 
Laurent Joffrin
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27 octobre 2023 5 27 /10 /octobre /2023 12:51
🧨 FRANCE : LE ROULEAU COMPRESSEUR DICTATORIAL AVANCE
Pendant que les yeux sont rivés sur l'orage d'acier qui tombe sur Gaza, le gouvernement Macron continue son travail de destruction systématique et d'installation d'une dictature en France :
➡️ Minoritaire
14ème 49.3 : pour imposer un budget de l’État sans passer par le vote des députés, Élisabeth Borne a encore dégainé le 49.3 mercredi 25 octobre. Le 14ème en un peu plus d'un an. Le Parlement n'a plus aucune utilité puisque Macron dirige sans le pouvoir législatif. Avec 14 usages de 49.3 depuis 2022, Macron bat tous les records de la Cinquième République. Le prétendu «arc républicain» est en fait le moins «républicain» qui soit puisqu'il a aboli tous les contre-pouvoirs institutionnels de la République. «De toute façon, tout le monde est contre. Ce serait inutile de laisser même quelques jours de débats…» assume un député Macroniste. En clair : on est minoritaire, tout le monde est contre nos projets, autant dissoudre directement la démocratie.
➡️ Autoritaire
Entre deux 49.3, Élisabeth Borne s'est débarrassée du Président du Conseil d'orientation des retraites. Cette institution, pourtant sous contrôle du gouvernement, rend des rapports détaillés sur le budget des retraites. Et son président, Pierre-Louis Bras, avait corrigé quelques gros mensonges du gouvernement pour faire passer la très contestée réforme des retraites. Notamment les chiffres inventés du «déficit» budgétaire qui auraient justifié un recul de l'âge de départ en retraite. Cette critique, même timide et purement technique, lui aura coûté son poste. Quiconque s'oppose à la parole du monarque est liquidé.
➡️ Liberticide
Dans la foulée, Élisabeth Borne annonçait le 26 octobre une série de mesures liberticides et scandaleuses après la révolte des banlieues de cet été contre les violences policières. Parmi les mesures de ce plan dit «anti-émeute» : forcer les familles à payer les dégâts dont serait soupçonné leur enfant, voire même leur infliger des peines de «travaux d'intérêt général». Ce qui est contraire aux droits les plus élémentaires : nul ne peut être considéré comme responsable des actes d'autrui. Sinon, c'est une punition collective. Borne a aussi annoncé des amendes énormes de 750€ en cas de non respect du «couvre-feu». Le couvre-feu est déjà une mesure scandaleuse utilisée en temps de guerre et désormais appliquée en cas d'émeute. Il s'agit de réprimer encore plus ceux qui désobéiraient. On imagine aussi l'usage de cette mesure en cas de nouveaux couvre-feux sanitaires, sécuritaires ou autre...
➡️ Mafieux
Darmanin veut aussi permettre aux policiers de «pouvoir saisir l’argent liquide que [le consommateur] a sur lui ou l’équipement qu’il a et qui pourrait permettre de payer» les amendes pour usage de stupéfiants. En clair, autoriser les policiers à racketter une personne contrôlée, sans aucune traçabilité. Enfin, Borne dit que «dans certains cas nous pouvons envisager un encadrement de jeunes délinquants par des militaires, qui pourront notamment transmettre des valeurs de discipline et de dépassement de soi.» Donc mettre les mineurs dans des camp de redressements tenus par l'armée. Tout cela est un copier-coller du programme de l'extrême droite.
➡️ Violent
La distance de tir des LBD réduite. C'est ce que révèle Mediapart ce vendredi 27 octobre : «dans ses instructions, le ministère de l’intérieur a abaissé la distance réglementaire. Une décision que la gendarmerie conseille de ne pas suivre.» Mediapart a cherché à savoir quelle était la distance minimum de sécurité que les policiers doivent respecter lorsqu’ils tirent au LBD et ont découvert que «cette distance réglementaire a tout simplement été supprimée des récentes instructions, remplacée par une distance dite ''opérationnelle'' correspondant à celle du fabricant de munitions». Jusqu'ici, un policier devait respecter une distance minimum de 10 mètres, ce qui est déjà très faible car à cette distance, une balle en caoutchouc de 40mm qui part à 73 mètres par seconde peut tuer en cas de tir dans la tête ou au niveau du cœur. Selon les informations collectées par Mediapart, «elle est désormais passée à 3 mètres». Une distance extrêmement basse et évidemment potentiellement létale.
Voilà où en est notre pays, où les manifestations sont interdites, l'expression des opposants criminalisée et les contre-pouvoirs éteints, où tout est imposé par 49.3 et où la jeunesse, en particulier si elle n'est pas blanche, est réprimée sans limite.
mmigration : la droite perroquet
En adoptant trois mesures anti-immigration au parfum xénophobe, le Sénat porte atteinte à l’identité française.
Pauvre droite française, réduite à répéter servilement le discours du Rassemblement national… Le Sénat dominé par les élus LR restreint le droit du sol, supprime la régularisation des sans-papiers dans les « métiers en tension » et transforme l’Aide médicale d’État (AME) en Aide médicale d’urgence. Trois mesures destinées à réduire « l’appel d’air » produit par des dispositions jugées trop favorables aux étrangers ou à leurs enfants, ce qu’aucune étude sérieuse n’a jamais attesté. Trois mesures, surtout, contraires au bon sens et à l’esprit de la République.
Le droit du sol est une tradition ancestrale en France, qui remonte à François 1er et qui fut ratifiée par tous les régimes – la Royauté, la Révolution, l’Empire et enfin la République. Hostile à la conception ethnique de la nation, considérant que la nationalité ne dérive pas seulement du sang, mais aussi de l’éducation des enfants élevés par la République, la loi prévoit qu’on devient automatiquement français à sa majorité si l’on est né en France. La restreindre, c’est supposer que les enfants d’étrangers sont a priori suspects, qu’ils doivent démontrer d’emblée leur attachement à la nation. Un seul gouvernement avait adopté ce point de vue : celui du maréchal Pétain entre 1940 et 1944.
La régularisation des travailleurs sans papiers qui occupent un emploi depuis plusieurs années découle du bon sens : s’ils se sont intégrés dans le monde du travail en respectant les règles sociales, c’est qu’ils sont utiles. Pourquoi les maintenir indéfiniment dans un statut incertain où ils risquent l’expulsion à tout moment, alors que leur seul crime consiste à contribuer au fonctionnement de l’économie française ?
Réduire enfin les soins dispensés par le truchement de l’AME aux cas d’urgence, c’est laisser les pathologies moins graves sans soins et donc accroître in fine le nombre des urgences. Mesure franchement xénophobe dans son absurdité.
Alors que les vrais problèmes – la maîtrise des entrées, l’inapplication de la loi sur les obligations de quitter le territoire français pour ceux qui ne remplissent pas les conditions de l’asile, l’intégration insuffisante des nouveaux arrivants et leur mauvaise répartition sur le territoire – sont laissés dans l’ombre, au profit de mesures contraires aux traditions d’accueil de la République. La droite veut défendre l’identité française, dit-elle. Elle commence par y porter gravement atteinte.
 
Laurent Joffrin
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9 octobre 2023 1 09 /10 /octobre /2023 16:49

Est-il possible de dire que l’action du #Hamas est criminelle et en même temps que des décennies de négation des droits des palestiniens accentuées par la politique raciste de l'ED israélienne ne pouvait qu’aboutir à une explosion de violence, sans être taxé d’antisémitisme ?

 

 
 
 
 
 
 
Les déclarations du ministre de la défense qui nient toute humanité aux Gazaouis sont intolérables. La réponse au terrorisme ne peut pas être la vengeance aveugle contre la population civile de Gaza.

Reste donc une grille plus conforme à la réalité locale : une démocratie, rongée par ses propres fondamentalistes religieux, submergée par ses nationalistes belliqueux, plombée par une tentation illibérale, choisit la poursuite de la colonisation face à un peuple prisonnier, entassé sur une bande de terre sans ressources, dirigés par une mafia islamiste entretenue par l’Iran sous la bienveillance opportune de la Russie. Dans les deux camps, les civils paient le prix fort.

Voilà une grille de lecture plus subtile que judéo-chrétiens contre arabo-musulmans ou opprimés contre oppresseurs. Ces deux dernières visions, en plus d’être binaires, risquent (c’est le but) d’importer le conflit israélo-palestinien sur le sol européen. C’est le rêve de Moscou et Téhéran, qui ont pour stratégie de mener une guerre d’usure à la démocratie en la minant de l’intérieur, en favorisant et en relayant (quand elles ne les fabriquent pas) tous les discours polarisés qui placent nos sociétés dans un état de doute et de crise existentielle permanente.

Thomas Legrand

par Eva Illouz, Sociologue franco-israélienne

publié le 10 octobre 2023 à 6h36
 

J’écris depuis Paris, essayant de saisir de loin l’horreur qui se déroule en Israël. Le mot «horreur» est soigneusement choisi. Imaginez ceci : les citoyens d’un pays européen de taille moyenne se réveillent un dimanche matin et découvrent des milliers de terroristes de Daech (une entité contre laquelle l’Occident est en guerre) qui ont infiltré des bâtiments résidentiels ordinaires, massacré des milliers de civils et de soldats, et kidnappé des centaines d’autres après les avoir torturés. Tout ceci accompagné d’une pluie de missiles lancés depuis un pays adjacent.

C’est l’analogie la plus proche, quoique imparfaite, que j’ai pu trouver pour décrire les événements et la terreur qui a saisi les milliers d’Israéliens qui ont pris conscience d’une réalité dans laquelle leurs fils, leurs sœurs ou leurs mères étaient soit retenus en otages soit assassinés par des membres infiltrés du Hamas et du Jihad islamique.

Ajoutez à cela l’état de stupeur dans lequel s’est retrouvée l’armée la plus puissante du Moyen-Orient lorsqu’elle a découvert que son système électronique très sophistiqué de détection à la frontière, valant des milliards de dollars, avait été facilement violé par des commandos à scooter et en camionnette. On commence alors à comprendre comment le sol s’est dérobé sous les pieds des citoyens israéliens.

 

En 1973, la guerre du Kippour avait également surpris les Israéliens et constitué un immense choc, mais elle n’a rien à voir avec la stupeur de cet événement. Avant la guerre du Kippour, il y avait déjà du renseignement, mais les officiers ne parvenaient pas à l’interpréter correctement. L’armée a néanmoins réagi rapidement et efficacement.

Dans le cas présent, c’est comme si l’ensemble du système de détection, de renseignement et de sécurité s’était tout simplement volatilisé. La guerre du Kippour était par ailleurs une guerre conventionnelle entre Etats, avec des ennemis restés à l’extérieur des frontières, tandis que ces deux derniers jours, les Israéliens ont dû faire face à des ennemis qui sont entrés furtivement dans le pays pour tuer ses civils, hommes, femmes, enfants, vieillards.

C’est de loin l’échec le plus spectaculaire et le plus humiliant que Tsahal ait jamais connu. Sans compter que l’armée a mis un temps insupportablement long à arriver sur les sites attaqués – car en raison du pouvoir politique des religieux, les trains ne circulent pas pendant shabbat – et que lorsqu’elle est finalement arrivée, soit elle a repris certains villages avec de lourdes pertes, soit elle n’est pas encore parvenue à le faire. Elle n’a pas non plus assumé son rôle qui consistait à accompagner le sort des personnes assassinées et à informer les familles qui apprennent parfois leur sort à travers les vidéos fièrement postées par le Hamas lui-même.

Le «11 septembre israélien»

Tout cela explique peut-être l’ampleur et la profondeur du traumatisme vécu par les Israéliens : le sentiment de la plus élémentaire sécurité s’est effondré et ils se sentent complètement abandonnés par un Etat auquel ils ont souvent beaucoup contribué, notamment sous la forme d’un long service militaire.

C’est le «11 Septembre israélien», le traumatisme auquel on ne cessera de faire référence dans les années à venir et qui changera sans aucun doute profondément la culture politique d’Israël ainsi que les relations d’Israël avec les Palestiniens et même avec toute la région.

Le spectacle de ces horreurs ne doit cependant pas nous faire oublier le contexte dans lequel s’est déroulée cette boucherie. Certaines réalités, aussi insupportablement tragiques soient-elles, appellent à des questions et à des explications.

Cette guerre fait suite à une guerre interne qui a divisé Israël ces derniers mois à cause d’un coup d’Etat judiciaire entrepris par l’extrême droite afin de liquider l’indépendance du pouvoir judiciaire. En conséquence, des milliers de réservistes (pilotes d’avion et membres du renseignement) ont refusé de se présenter au service militaire sous les ordres d’un gouvernement quasi fasciste.

Réforme judiciaire controversée

Le 24 juillet, le chef d’état-major Herzl Halevi a demandé à rencontrer le Premier ministre, Benyamin Nétanyahou, pour lui faire part de ses inquiétudes sur les conséquences dévastatrices qu’entraînerait le vote imminent sur la «clause de raisonnabilité» pour la sécurité d’Israël, une mesure clé de la réforme judiciaire controversée voulue par le gouvernement de Benyamin Nétanyahou ôtant à la justice le pouvoir de se prononcer sur le «caractère raisonnable» des décisions du gouvernement.

Benyamin Nétanyahou a refusé de rencontrer le chef d’état-major, malgré l’urgence et la gravité de la question. Herzl Halevi n’était pas le seul. Journalistes, commentateurs, anciens chefs du Mossad et du Shin-Bet (service de sécurité intérieure israélien), hauts gradés n’ont cessé d’alerter l’opinion publique ces derniers mois sur la grave menace que le coup d’Etat judiciaire faisait peser sur la sécurité d’Israël. Le Premier ministre, qui se vante depuis des décennies de sauvegarder la sécurité israélienne, n’en avait cure, tant il était occupé par son coup d’Etat judiciaire.

Le deuxième élément donne encore plus à réfléchir : en septembre 2022, vingt-deux bataillons de l’armée étaient déployés dans la zone étroite de Cisjordanie. Trois bataillons de la région du Sud – celle qui a été infiltrée par les terroristes du Hamas et du Jihad islamique – ont été transférés en Cisjordanie pour protéger les colons qui enfreignent la loi et harcèlent les Palestiniens, ou simplement pour les protéger lorsqu’ils prient.

En d’autres termes, des populations entières se sont retrouvées sans protection adaptée car les bataillons ont été réaffectés afin de protéger la population juive vivant dans les colonies. La conclusion est inévitable : la prise de pouvoir à laquelle le Premier ministre et sa coalition ont été si occupés a été la première de leurs priorités, plutôt que la sécurité d’Israël.

Les massacres barbares commis par le Hamas et le Jihad islamique, fanatiques et corrompus, se déroulent dans un contexte de conflit militaire et d’occupation de longue durée auxquels le gouvernement actuel n’a pas l’intention de mettre fin et vise même à intensifier. Un contexte n’est ni une raison suffisante ni une explication mais l’un des éléments nécessaires pour comprendre la complexité inextricable de la situation.

Il y a d’ores et déjà deux choses à retenir de ces événements : la branche d’extrême droite du gouvernement Nétanyahou n’a ni la capacité ni la volonté de s’occuper de la sécurité d’Israël. Elle représente quelques groupes d’intérêts ciblés, et pas le bien commun. La doctrine de gestion légère du conflit, au nom de laquelle l’extrême droite a longtemps justifié l’abandon de tout processus politique visant à mettre fin à l’occupation, vient de s’effondrer sous nos yeux. Israël ne sera plus jamais en sécurité si elle compte seulement sur la force et les moyens militaires.

Islamisme : l’embarras de la gauche
Certains croient encore que les crimes du terrorisme islamiste sont une manifestation dévoyée de la lutte des classes. Funeste contresens…
Toujours cette gêne diffuse dans une partie de la gauche, autour de l’acte barbare commis contre Dominique Bernard. La compassion et la solidarité sont entières, bien sûr, tout comme la condamnation du terrorisme. Seulement voilà : le crime a été commis par un jeune homme issu d’une famille de sans-papiers, ceux-là même que cette gauche défend depuis des lustres, ceux-là même, en l’occurrence, dont plusieurs ONG de Rennes ont empêché l’expulsion il y a neuf ans. Un embarras qu’on détecte quand beaucoup se contentent de parler d’une « attaque au couteau », quand il s’agit bien d’un assassinat islamiste perpétré par un fanatique pour commémorer la barbare décapitation de Samuel Paty il y a trois ans.
Au fond de cette conscience tourmentée, on ne trouve pas seulement le souci de l’état de droit, la peur de « l’amalgame » avec la masse des musulmans ou la crainte – justifiée – de voir l’extrême-droite en tirer parti. Mais aussi le sentiment diffus que les islamistes sont l’expression – certes dévoyée, condamnable, haïssable même, dans ses moyens – de la protestation des nouveaux damnés de la terre, de la colère des réprouvés de la planète, en quelque sorte une expression grimaçante et violente de la lutte des classes. Si bien que souvent, plutôt que de réfléchir concrètement aux moyens de combattre cette doctrine tyrannique, on détourne le regard, ou bien on se réfugie dans des déclarations générales sur les inégalités sociales, dont la disparition, ou la diminution, permettrait de faire reculer l’intégrisme religieux et le terrorisme. Comme si on continuait de penser que c’est le capitalisme somme toute, qui engendre l’islamisme.
Il faut le dire tout net : il n’y a là que confusion, et cette confusion fait obstacle à la nécessaire lutte contre une idéologie mortifère qui se situe à l’opposé de toutes les valeurs de la gauche. L’islamisme n’a rien à voir avec l’émancipation populaire à laquelle aspirent les progressistes. D’abord parce que dans cette interprétation littérale et autoritaire de l’islam, les questions sociales sont très secondaires. Il ne s’agit pas, pour ses théoriciens, de lutter contre le capitalisme et ses tares, mais bien plus contre la démocratie et ses libertés. On constate d’ailleurs que les pays qui pratiquent l’islam le plus rigoriste ne sont pas les moins capitalistes : l’Iran obéit aux règles de l’économie de marché et du profit ; quant aux monarchies du Golfe, le moins qu’on puisse dire est que la lutte contre les inégalités sociales n’est pas leur spécialité première.
Ce qui les révulsent dans l’Occident, ce n’est pas l’exploitation des salariés ou l’arrogance des riches. C’est l’incroyance répandue, la laïcité défendue, la critique des religions permise, la liberté des mœurs affichée et, au premier chef, l’émancipation des femmes encouragée. Quant au racisme, ils en ont une vision très particulière. L’antisémitisme ne les gêne pas : ils le pratiquent volontiers. C’est « l’islamophobie » qui les mobilise, dont on doit rappeler qu’elle n’est pas un racisme, mais une allergie à la religion musulmane, ce qui n’est pas la même chose. En un mot, les islamistes n’attaquent pas le modèle occidental pour ce qu’il a de négatif, mais précisément pour ce qu’il a de positif. Et s’ils rejettent la démocratie, c’est pour ses qualités, non pour ses défauts.
Dans ces conditions, on ne voit pas ce qu’il y aurait de progressiste à ménager les islamistes de quelque manière que ce soit, à les écouter parfois comme des messagers de la misère, alors qu’ils sont ceux de l’obscurantisme et de la tyrannie. On se soucie avec raison des progrès de l’extrême-droite en Europe. Mais dans le classement des doctrines politiques, on ne voit pas en quoi l’islamisme serait moins dangereux, même quand il s’abstient de recourir à des moyens violents. On peut même avancer sans trop de risque que le projet identitaire et autoritaire des intégristes, fondé sur une doctrine obscurantiste et oppressive, est en fait l’expression d’une sorte d’extrême-droite de l’islam. C’est d’ailleurs ainsi que le ressent la gauche démocratique dans les pays musulmans. Voilà pourquoi on a raison de se révolter, non seulement contre le terrorisme, mais contre la funeste idéologie qui le justifie.
 
 

Le cosmopolitisme, c’est-à-dire la conscience d’habiter le même monde parce que l’on appartient à la même humanité, n’a pourtant jamais eu dans l’histoire autant d’arguments en sa faveur. Au-delà des guerres auxquelles nous sommes désormais connectés jour et nuit, le réchauffement climatique et les migrations, dont il est une des causes, sont une preuve tangible qu’il n’y a qu’un seul monde : c’est lui qui, quelles que soient nos appartenances, s’est «importé» dans nos vies. Encore faut-il que ce monde devenu présent comme désastre ne soit pas jugé à l’aune de notre monde propre, celui qui est tissé par nos préférences, nos partis pris idéologiques et nos peurs. Pour édifier un cosmopolitisme non désastreux, il faudra autre chose que des solidarités virtuelles qui projettent des idées (ou plutôt des images) préconçues sur le lointain. Il faudra un effort pour distinguer les responsabilités sans hiérarchiser les injustices. Il faudra aussi se souvenir que le monde n’a de sens que s’il est celui de tout le monde. Il n’a aucune chance de s’édifier si nous exportons sur lui nos a priori.

Kant. Thomas Legrand

Question encore: soutenir le pouvoir d’extrême droite israélien avec ses ministres racistes, soutenir une politique coloniale qui bombarde des quartiers, détruit des habitations, expulse, tue et emprisonne des palestinien-nes massivement, n’est-ce pas de l'apologie du terrorisme?
 
 
 
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3 octobre 2023 2 03 /10 /octobre /2023 10:31
La gauche libre
À Bram, dans l’Aude, une gauche unie retrouve l’esprit festif et tolérant sans lequel il n’y a pas de reconquête possible
Laurent Joffrin
Bizarre, étrange… Une réunion unitaire de la gauche sans invectives, sans anathème, sans caporalisation agressive.
Incongru, voire lunaire… Un débat entre socialistes, écologistes, radicaux ou communistes, sans excommunication, sans tweet assassin, sans insulte, où l’on ne traite pas l’autre de Doriot, où l’on ne profère pas de menace ou de chantage, où l’on essaie de comprendre et non de faire des procès.
Ce week-end, à Bram, dans l’Aude, c’était une réunion de la gauche sans les Insoumis. Donc, une réunion civilisée.
Pour la troisième année consécutive, Carole Delga, présidente de la région, réunissait la gauche réformiste à Bram, petite commune au cœur de l’Occitanie et de l’Aude rebelle, sous les auspices de Jaurès, le voisin essentiel. Chacun a joué sa partition, Riss de Charlie s’inquiétant du retour de Dieu en politique, épaulé par Henri Pena-Ruiz, philosophe de la laïcité et repris au vol par Bernard Cazeneuve, ancien ministre de l’Intérieur et des cultes, délivrant une leçon de républicanisme ferme et tolérant.
Avec eux, des radicaux, dont Guillaume Lacroix, tribun héritier de Clemenceau et Mendès, rappelant leur attachement à une gauche de l’universalisme, des communistes décidés à reconquérir les classes populaires sur la ligne de Fabien Roussel, des écologistes en pointe dans la lutte pour la campagne préservée et vent debout contre les autoroutes bétonnantes, Aurore Lalucq, députée européenne experte en fiscalité juste, Michaël Delafosse, socialiste apôtre de la gratuité des transports urbains qui change sa ville de Montpellier, retrouvant ses amis Nicolas Mayer-Rossignol ou Hélène Geoffroy, ou encore Didier Leschi, avocat d’une immigration accueillie et maîtrisée.
Le tout couronné par un discours d’une Carole Delga, qui se dit, in petto, « et après tout, pourquoi pas moi ? », et par un cassoulet de Castelnaudary, le meilleur de la région, dit-on, c’est-à-dire le meilleur de France, et donc du monde. En un mot, une gauche en liberté, conviviale et convaincue, qui a attiré près de 2000 personnes pour des agapes intellectuelles et des débats festifs, comme doivent l’être les banquets républicains de glorieuse mémoire.
Une gauche en liberté qui se manifeste aussi, aujourd’hui lundi : dans le même esprit, le Lab de la social-démocratie, cénacle d’une gauche du réel qui croit à l’idéal, dévoile son « programme fondamental », à la manière du SPD allemand, un programme qui contribuera, au fil du débat, à la formulation d’une doctrine d’aujourd’hui pour le socialisme en liberté, appuyée sur les valeurs de toujours, celle de la République, de l’écologie dans la justice et de l’émancipation dans la lucidité. Loin des miasmes qui empestent la NUPES sans cesse polluée par Jean-Luc Mélenchon, qui croit dominer la gauche et ne fait que la marginaliser.
 
 
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8 septembre 2023 5 08 /09 /septembre /2023 09:40

Comme une envie de parenthèse, de calme, comme un besoin de lucidité au moment de se dire « est-ce que je dois faire la couv’ de Playboy ? » ou « est-ce qu’au JDD, pour garder la ligne, la bonne solution c’est Lejeune ? ». Un jour au hasard, une info, une colère, une chronique. Comme un moyen de jeter rage et courroux avec l’eau du bain de mer.

Mardi 1er août.

Cher journal,
Il pleut.
Pas une de ces pluies estivales qui viendraient rafraîchir enfin un sol brûlé par la sécheresse galopante, gorger d’une eau salvatrice les champs arides et redonner le sourire aux agriculteurs marris de voir leurs épis flétrir en slow motion depuis des mois ; non, une bonne grosse pluie bien lourde, torrentielle par endroits, jusqu’à la crue à d’autres, au tsunami même si l’on regarde les images venues de Chine ou d’Italie… Jusqu’en France aussi, où, de Bagnères-de-Bigorre à Mauves, les intempéries ont laissé sans électricité des milliers de foyers dans l’Ardèche.

Il pleut et c’est tant mieux me direz-vous car si j’en crois les rapports successifs du GIEC (que personne ne comprend, au mieux, ou ne lit pas, au pire), le manque d’eau est criant : les nappes phréatiques se vident à la vitesse d’une passoire à nouilles ou au gré des pompes agricoles qui viennent puiser dans les bassines et les retenues collinaires, les édiles ferment le robinet de leurs administrés au lieu de couper le sifflet des climato-sceptiques, les campeurs voient leurs ablutions aux douches collectives minutées et se limitent à 2 (au lieu de 5) volumes d’eau pour un volume de Ricard dans le seul but d’économiser ce nouvel or.

Il pleut et c’est normal. Parfois il fait beau, parfois non. Même en plein été. Même à l’heure du dérèglement climatique. Ce n’est pas nouveau : quand la Comtesse de Ségur a publié Après la pluie, le beau temps, l’exploitation minière n’avait pas encore marqué à ce point le monde de son empreinte carbone indélébile. Quand le Général Eisenhower a dû attendre des jours et des jours que la pluie cesse pour enfin pouvoir débarquer sur les côtes de Normandie à pieds secs, il n’incriminait pas le trou dans la couche d’ozone libre qui retardait son D-Day ,que je sache.

Alors quand j’entends en ce premier jour du mois d’août qu’il pleut et que merde alors après le mois de juillet caniculaire qu’on vient de vivre c’est bien ma veine que ça tombe pile le jour où je pars en vacances tandis que la présentatrice météo nous rassure mollement en nous promettant le retour des beaux jours vers la mi-août avec un indice de confiance 3 sur l’échelle des promesses que les algorithmes ne peuvent pas tenir, je me dis que tout n’est qu’aporie jusqu’au facepalm permanent.

Sincèrement, comment peut-on à 20 heures traiter honnêtement les informations selon lesquelles fonte de la banquise, réduction du permafrost, dômes de chaleur, méga-feux et tornades tropicales en Suisse alpine sont la résultante de décennies d’inconséquence écologique (et économique) pour qu’ensuite vers 20h35 un météorologue de circonstance vienne cajoler le touriste (qui a failli mourir d’insolation dans la file d’attente du Parthénon ou des ruines de Pompéi) en lui disant que l’embellie est pour bientôt et qu’il se rassure il va pouvoir profiter pleinement de ses vacances en famille, qui dans des eaux méditerranéennes à la température de hammam, qui à 2000 mètres d’altitude par 19°, qui en sautant très haut et très loin dans une structure gonflable mal assurée.

Il pleut et c’est juste normal. À ceci près que dans notre aveuglement de grenouille qui fait la planche dans une casserole d’eau sur une plaque à induction thermostat 2, on oublie que les « normales de saison » ne sont que des statistiques, une « convention mathématique » définie « comme la moyenne des températures sur une période de 30 ans (…), révisée tous les 10 ans » et qui, en 2023, se base sur les relevés de températures de 1991 à 2020. La prochaine « mise à jour » prenant en compte la période 2001-2030, il y a fort à parier que les « normales » qui serviront de référence pour les prochains JO de Brisbane nous feront trouver tout à fait « acceptables » des 27 ou 28 degrés en plein hiver austral, parce qu’en-dessous des moyennes constatées dans un contexte de réchauffement exponentiel…

C’est anecdotique – quoi que -, mais je me souviens que dans les années 80 tandis que je végétais dans une adolescence castelroussine morne, on savait très bien que la date de la foire annuelle approchait parce qu’il faisait soudain très très mauvais au point de se croire transportés à Vierzon ou dans une autre bourgade où il ne fait pas bon grandir. En 2023, à Châteauroux, vers la fin mai, il a fait plus de 25 degrés, il n’a pas plu et les locaux prévoyants qui avaient sorti la polaire et le coupe-vent en ont été quittes pour une bonne suée en plus d’être ridicules.

Mais le ridicule, lui, ne tue pas.

Dominique Bry

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24 août 2023 4 24 /08 /août /2023 16:41

"Que tu es belle, que tu es charmante, mon amour, aux heures de la volupté ! Ta taille est semblable à un palmier et tes seins à ses grappes. J’ai dit : Je monterai au palmier ; je cueillerai ses rameaux. Que tes seins soient pour moi les grappes de la vigne ; ton haleine, l’odeur du pommier ; ta bouche, un vin exquis, qui coule doucement et humecte les lèvres de l’amant assoupi".

Le Cantique des Cantiques (entre 600 et 800 avant JC)

 

Je t'aime

Je t'aime pour ta voix pour tes yeux sur la nuit  Pour ces cris que tu cries du fond des oreillers  Et pour ce mouvement de la mer pour ta vie  Qui ressemble à la mer qui monte me noyer

Je t'aime pour ton ventre où je vais te chercher  Quand tu cherches des yeux la nuit qui se balance  À mon creux qui te creuse et d'où ma vie blessée  Coule comme un torrent dans le lit du silence

Je t'aime pour ta vigne où vendangent des fées  Et pour cette clairière où j'éclaire ma route  Que balisent tes cris durs comme deux galets  Que le flot de la nuit roule sur ma déroute

Je t'aime pour le sel qui tache ta vertu  Et qui fait un champ d'ombre où ma bouche repose  Pour ce je ne sais quoi dont ma lèvre têtue  S'entête à recouvrer le sens et puis la cause

Je t'aime pour ta gueule ouverte sur la nuit  Quand la sève montant comme du fond des ères  Bouillonne dans ton ventre et que je te maudis  D'être à la fois ma soeur mon ange et ma Lumière

(Léo Ferré)

La rose épouse le silence qui l'enclôt.  Le vent. Les îles.  La hanche tiède et odorante des collines.  Tant de couleurs  dans l'éblouissement du jour présent  qu'on en oublie  de lever haut la tête pour mieux évaluer  l'état du ciel.

(Gilles Baudry)

 

L'ANCIEN CHANT, L'ANCIENNE DANSE

 

Toi, parce que tu m'aimes, serre-moi  Bien fort, caresse-moi, sois  Paisible et bonne, apaise-moi  De silence, ne dis pas un mot.

Toi, parce que je t'aime, je suis  Fort pour toi. Je te soutiens.  L'eau est vivante  Autour de nous. L'eau vive  Court dans les entailles de la terre entre  Nous. Toi, mon épouse, ta voix  Qui enjambe l'eau me parle.

Tes mains, tes bras solennels,  Traversent l'eau et m'étreignent.  Ton corps est magnifique.  Il parle et franchit l'eau.

Epouse, plus douce que le miel, au coeur  Heureux, nos coeurs battent sur  La passerelle de nos bras. Nos mots  Sont mots de joie dans la nuit  De la Toute-Joie. Nos mots vivent.

Nos mots sont des enfants qui dansent  Devant nous ainsi que des étoiles sur l'eau.  Mon épouse, ma bien-aimée chérie,  Plus douce que le miel, que le fruit mûr,  Solennelle, grave, oiseau en vol,  Serre-moi. Sois paisible et bonne.  Je t'aime. Sois gentille avec moi.

Je suis fort pour toi. Je te  Soutiens. L'aurore de dix mille  Aurores s'embrase dans le ciel.  L'eau inonde la terre  Les enfants rient dans l'air.

(Kenneth Rexroth)

 

Le potier

Ton corps entier possède  la coupe ou la douceur qui me sont destinées.

Quand je lève la main  je trouve en chaque endroit une colombe  qui me cherchait, comme si, mon amour, d’argile on t’avait faite  pour mes mains de potier.

Tes genoux, tes seins  et tes hanches  me manquent comme au creux  d’une terre assoiffée  d’où l’on a détaché  une forme,  et ensemble  nous sommes un tout comme l’est un fleuve  ou comme le sable.

(Pablo Neruda)

 

Espère

 

Ainsi, j'avais en vain suivi d'un œil avide,  Mille rêves d'amour, de gloire et d'amitié :  Toujours ils avaient fui ; mon âme restait vide ;  Je me faisais pitié !

La douleur arrêtait ma course haletante,  Je renonçais au but avant qu'il fut atteint ;  Dans mon cœur, épuisé par une longue attente,  L'espoir semblait éteint.

Et je disais : mon Dieu, je mourrai solitaire !  Et je n'attendais plus de beaux jours sur la terre,  Quand soudain, à ta voix, mon cœur s'est rajeuni :  Cette voix m'a promis un avenir prospère :  Cette voix m'a jeté ce mot si doux : ESPERE !...  Que ton nom soit béni !

Tous les chastes désirs que mon âme renferme,  Tous ces purs sentiments étouffés dans leur germe,  De ton cri d'espérance, ont entendu l'appel :  Oh ! que ton amitié me guide et me soutienne,  Laisse-moi reposer mon âme sur la tienne :  L'amitié, c'est l'amour que l'on ressent au ciel !...

(Louise Colet)

 

Dans écrire,  il y a rire,  il y a cri.

Ecrire est un bonheur.

(Sabine Péglion)

 

Je désire toujours

 

Avoir toujours gardé la candeur pour symbole,  Croire à tout sentiment noble et pur, et souffrir ;  Mendier un espoir comme un pauvre une obole,  Le recevoir parfois, et longtemps s'en nourrir !

Puis, lorsqu'on y croyait, dans ce monde frivole  Ne pas trouver un cœur qui se laisse attendrir !  Sans fixer le bonheur voir le temps qui s'envole ;  Voir la vie épuisée, et n'oser pas mourir !

Car mourir sans goûter une joie ineffable,  Sans que la vérité réalise la fable  De mes rêves d'amour, de mes vœux superflus,

Non ! je ne le puis pas ! non, mon cœur s'y refuse  Pourtant ne croyez pas, hélas ! que je m'abuse :  Je désire toujours... mais je n'espère plus !

(Louise Colet)

 

Les Baux

 

J'aime les vieux manoirs, ruines féodales  Qui des rocs escarpés dominent les dédales ;  J'aime du haut des tours de leur sombre prison  A voir se dérouler un immense horizon :

J'aime, de leur chapelle en parcourant les dalles,  A lire les ci-gît couronnés de blason.  Et qui gardent encore la trace des sandales  Des pèlerins lointains venus en oraison.

Parmi ces noirs châteaux, gigantesques décombres  Dont les murs crénelés jettent au loin leurs ombres,  Aux champs de la Provence est le donjon des Baux :

Là, chaque nuit encore, enlacés par les Fées,  Dans une salle d'armes aux gothiques trophées,  Dansent les chevaliers sortis de leurs tombeaux.

(Louise Colet)

 

Les Fleurs que j'aime

 

Fleurs arrosées  Par les rosées  Du mois de mai,  Que je vous aime !  Vous que parsème  L'air embaumé !

Par vos guirlandes,  Les champs, les landes  Sont diaprés :  La marguerite  Modeste habite  Au bord des prés.

Le bluet jette  Sa frêle aigrette  Dans la moisson ;  Et sur les roches  Pendent les cloches  Du liseron.

Le chèvrefeuille  Mêle sa feuille  Au blanc jasmin,  Et l'églantine  Plie et s'incline  Sur le chemin.

Coupe d'opale,  Sur l'eau s'étale  Le nénufar ;  La nonpareille  Offre à l'abeille  Son doux nectar.

Sur la verveine  Le noir phalène  Vient reposer ;  La sensitive  Se meurt, craintive,  Sous un baiser.

De la pervenche  La fleur se penche  Sur le cyprès ;  L'onde qui glisse  Voit le narcisse  Fleurir tout près.

Fleurs virginales,  A vos rivales,  Roses et lis,  Je vous préfère,  Quand je vais faire  Dans les taillis  Une couronne  Dont j'environne  Mes blonds cheveux,  Ou que je donne  A la Madone  Avec mes vœux.

(Louise Colet)

 

 Les robes du feu

d'ici là  main dans la main  nous traverserons le monde sur la pointe des pieds  dans la pluie des vitraux

(Daniel Boulanger)

 

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