On pensait avoir tout constaté de la déchéance du parti Les Républicains. On n’y était pas : manquait encore d’avoir entendu l’inégalable Eric Ciotti, président du parti, refuser de condamner la descente d’un groupe de fascistes dans un quartier de Romans-sur-Isère, dans la soirée du samedi 25 novembre. Ces jeunes gens à l’impeccable coiffure venaient faire payer à tout un quartier le meurtre du jeune Thomas, tué le 19 novembre dans la commune proche de Crépol. L’hypothèse de la promenade digestive est fragile : beaucoup moins celle d’une expédition punitive destinée à «casser de l’Arabe», au nom d’une culpabilité collective des minorités ethniques.
Le lendemain dimanche, sur BFMTV, Ciotti se voit donc proposer de commenter et – ce serait logique pour un «grand parti gaulliste de gouvernement» – de condamner les actes et l’idéologie de ces nervis. Le président de LR refuse à plusieurs reprises. Il s’indigne, à fort juste titre, du meurtre du jeune Thomas. Le reste, il refuse même d’en parler. «Vous ne me ferez pas dire ça», s’entête-t-il sans honte.
On va se permettre des suggestions à l’excellent président de LR. Quitte à ne pas vouloir trop en faire, il pouvait dire, par exemple : «C’est le drame de Crépol qui mérite toute notre attention, mais les faits que vous évoquez sont tout à fait condamnables.» Ou encore : «Il s’agit d’une scandaleuse initiative, prise au nom d’une idéologie que je réprouve, mais vous me permettrez de réserver ma compassion à la famille de Thomas.» Mais non : il ne fallait même pas, semble-t-il, avoir un mot de réprobation pour les méfaits d’une escouade de fascistes.
Nous aussi, nous savons mesurer nos mots. Nous refusons d’affirmer qu’Eric Ciotti est un politicien sans foi ni loi, le porte-serviette de l’extrême droite, l’essuie-main d’Eric Zemmour, le tapis-brosse de Marine Le Pen et le visage du cynisme à courte vue.
Eric Ciotti aime-t-il les nazis ? Bien sûr que non. Il fait simplement ce qu’il fait de mieux : de la petite stratégie de plateau, censée lui valoir ses galons d’homme «d’ordre». Sans trop de pudeur, mais heureusement sans beaucoup plus de talent, il se croit habile d’emprunter à l’extrême droite ses accents les plus crasses. De convertir son parti à une radicalité qui n’a même pas le mérite de s’assumer comme telle, puisqu’elle continue de se camoufler derrière de rassurants mantras – «parti de gouvernement», «crédibilité», «responsabilité»…
Sous ces apprêts de plus en plus jaunis, Eric Ciotti est aussi celui qui a importé à droite l’idée du «grand remplacement», défendue pendant la dernière primaire présidentielle de LR. C’est-à-dire qu’il assume de distinguer, y compris parmi les citoyens français, les blancs et les non-blancs : s’il dit le contraire, c’est qu’il n’a rien compris à la théorie dont il parlait. C’est asséné entre deux refrains sur la «France éternelle» et la «priorité nationale» : face au RN et à Reconquête, ça va marcher, c’est sûr…
Pendant ce temps, personne ne comprend rien au positionnement de LR à l’Assemblée, personne ne saurait en nommer la queue d’une idée neuve et, au fond, tout le monde ou presque se moque bien de ce parti et de ce qu’il pourrait devenir. Dimanche sur BFM, Ciotti a simplement confirmé que sa mission historique est de noyer sa famille politique dans le déshonneur, en plus de l’échec électoral.