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24 août 2023 4 24 /08 /août /2023 16:40

L’automne

Voici venu le froid radieux de septembre :  Le vent voudrait entrer et jouer dans les chambres ;  Mais la maison a l’air sévère, ce matin,  Et le laisse dehors qui sanglote au jardin.

Comme toutes les voix de l’été se sont tues !  Pourquoi ne met-on pas de mantes aux statues ?  Tout est transi, tout tremble et tout a peur ; je crois  Que la bise grelotte et que l’eau même a froid.

Les feuilles dans le vent courent comme des folles ;  Elles voudraient aller où les oiseaux s’envolent,  Mais le vent les reprend et barre leur chemin  Elles iront mourir sur les étangs demain.

Le silence est léger et calme ; par minute  Le vent passe au travers comme un joueur de flûte,  Et puis tout redevient encor silencieux,  Et l’Amour qui jouait sous la bonté des cieux

S’en revient pour chauffer devant le feu qui flambe  Ses mains pleines de froid et ses frileuses jambes,  Et la vieille maison qu’il va transfigurer  Tressaille et s’attendrit de le sentir entrer…

(Anna de Noailles)

 

FOEHN

Plainte aveugle dans le vent, jour d'hiver couleur de lune,  Enfance, le bruit des pas meurt contre la haie obscure,  Cloches longues du soir.  La blanche nuit approche doucement.

Elle change en rêves pourpres les douleurs et les peines  De l'âpre vie, afin que l'aiguillon jamais  De ce corps pourrissant n'ôte sa pointe.

L'âme anxieuse au coeur du sommeil profondément soupire,

Le vent profondément dans les arbres rompus,  Et la mère s'en va comme une pleureuse  Chancelante par la solitaire forêt

De ce deuil silencieux; nuits peuplées  D'Anges étincelants parmi les larmes.  Au mur nu se brise un pâle squelette d'enfant.

(Georg Trakl)

 

 

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24 août 2023 4 24 /08 /août /2023 16:36

Paysage d'automne

 

C'est un paysage d'automne  Avec son ciel maussade et lourd,  Ses enfants vêtus de velours  Et ses cloches noires qui sonnent.

C'est un paysage d'automne  Avec ses bruyants vendangeurs,  Avec ses paysans songeurs  Et ses grands arbres qui frissonnent.

C'est un paysage d'automne  Avec ses filles de vingt ans,  Ses filles qui s'en vont chantant  Des chansonnettes monotones.

C'est un paysage d'automne  Et c'est un pauvre coeur d'amant  Qui craque lamentablement  Comme les pauvres feuilles jaunes.

(Georges Brassens)

 

Effluves

 

Le vent qui se promène à travers les buissons  Ne vous chante-t-il pas les joyeuses chansons  Qu'on chantait autrefois, quand on était ensemble ?  Et la pauvre feuille qui tremble  Au vent ne vous rappelle-t-elle pas mon coeur  Qui frissonnait sous vos regards moqueurs ?  Et ce ciel, si noir, si maussade  Ne vous fait-il pas refaire les promenades  Qu'on faisait la main dans la main,  Par les chemins  Et par les rues ?  Il doit rester encore au fond de vous  Un souvenir de cette époque disparue.  Ce souvenir serait-il aussi doux  Que celui qui chante en moi-même,  Soir et matin, pour me narguer :  Ô gué, ô gué,  Tu l'aimes !

(Georges Brassens)

 

 

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23 août 2022 2 23 /08 /août /2022 09:00

SUR DES SENTIERS D'AUTOMNE

Partir sur des sentiers d'automne Quand chantent encor les oiseaux Les feuilles et les ruisseaux Même par un ciel qui moutonne...

J'aimerais l'offrir à mon âme Ce souffle expirant de beauté Et rayonnant comme une flamme, Avant que ne me fût ôté

De vivre intensément mon heure De lumière et d'immense paix Que cherche mon coeur à jamais Pour en éclairer ma demeure.

(Rosa Burel)

En montant à la terrasse de la Vraie Joie, un jour d'automne

La douce lumière du matin gravit la crête de l'est, D'un pas tranquille on monte à la terrasse s'asseoir sur un banc de pierre. Érables mêlés au soleil, reflets des nuées roses sur la robe, On tressaille soudain : corps vêtu d'habits de soie!

(Ch'ungji)

***

"Ce que je n'entendrai jamais : Le battement d'ailes d'un papillon La chute des pétales d'une rose Le courant de la rivière Les pas du merle dans la neige."

Voilà ce qu'écrivait un poète chinois Au soir de sa vie Alors qu'il avait pris l'habit, le bâton et l'écuelle du moine Pour racheter ses années futiles à la cour de l'empereur.

(Emmanuel Moses)

Recueil: Le désir en nous comme un défi au monde 84 Poètes d'aujourd'hui

 

ON SE DIT ADIEU EN AUTOMNE (Anonyme)
🦆QUE SE PASSE-T-IL AU CANARD ENCHAINE ?
– Effondrement des ventes, virage à droite, emploi fictif –
Le Canard Enchainé, c'est une institution vénérable de la presse française. Un journal respectée, que personne n'ose trop critiquer. Et encore moins parler de son virage droitier. Un peu comme un grand-père qu'on aimait bien, mais qui devient de plus en plus gênant à chaque repas de famille. Parlons en
En 1ère page du numéro ce mercredi 13 septembre, un édito d'une mauvaise foi accablante titré « La Nupes, une vraie boucherie », qui vise à défendre Fabien Roussel. Selon le Canard, le communiste adoré de la droite aurait « la fibre populaire ». Il serait le seul à mesurer la distance « entre la gauche et les masses ». Contrairement à la France Insoumise qui serait un ramassis de « bobos ».
On a déjà entendu ça 300 fois sur les plateaux de Cnews. On s'y attend moins dans le Canard. Rappelons que Roussel est le fils d'un élu et journaliste. Il n'a jamais bossé de sa vie, et a bénéficié d'un emploi fictif. Alors pourquoi est-il qualifié de « populaire », lui qui n'a rien d'un prolétaire ? Parce qu'il dit des choses de droite ? Selon le Canard Enchainé, c'est parce qu'il ne fait pas « la leçon ». Autrement dit, il appelle à manger de la viande. Un sacré combat d'avant-garde, alors que le réchauffement climatique s'emballe, et que notre civilisation n'a jamais tué autant d'animaux.
Le Canard poursuit sur « l'assistanat ». Roussel briserait le « politiquement correct » en dénonçant les allocations et les minimas sociaux. Vraiment courageux ! C'est exactement discours tenu par l'immense majorité des médias et de la classe politique depuis 40 ans. Peu importe, pour le Canard, c'est ça la vraie gauche. Pour le journal, côté France Insoumise, on préfère « s'étioler dans l'assistanat ». On rêve. Le RSA c'est tout juste de quoi survivre. L'allocation chômage, c'est une redistribution des cotisations quand on est privé d'emploi. «S'étioler » : encore une fois, du Figaro dans le texte.
Pour rappel, le Canard Enchainé c'est 130 millions d'euros sur le compte en banque. Des locaux au cœur de Paris, dans la très chic rue Saint-Honoré, entre le Louvre et la Concorde. Des gros salaires pour la rédaction. On peut difficilement faire plus privilégié et « bobo ». Passons.
L'article termine en beauté, en comparant Fabien Roussel à Georges Marchais – pour rappel, le candidat PCF a fait 2%. Et termine par un jeu de mot lu 10 000 fois sur Mélenchon « l'insoumis » qui aime les gens « soumis ». Fermez le ban.
Dans le même numéro, le Canard sort une info sur la main courante posée par l'ex conjointe du député FI Adrien Quatenens, contre la volonté de la victime. Non seulement le journal instrumentalise la question des violences sexistes et relaie une procédure en principe secrète, manifestement balancée par des policiers, mais en plus il s'en prend à une femme, en concluant : « Sandrine Rousseau va sûrement applaudir ».
Ces articles ne sont qu'un exemple parmi des dizaines d'autres. Ces derniers mois, le journal s'acharne contre la NUPES, contre le « wokisme », se moque des féministes et des écologistes avec une mauvaise foi systématique. Pourquoi ? Parce qu'il est dépassé
Dire que me micro-candidat Roussel serait à gauche le seule en phase avec « le peuple », c'est une vision anachronique, déconnectée. C'est normal, au Canard, les journalistes ont quasiment tous dépassé l'âge de la retraite. C'est une gérontocratie.
Une enquête du Monde parue le 8 septembre explique à quel point la rédaction est sous contrôle d'une bande d'hommes, blancs, qui ont parfois jusqu'à 90 ans et refusent de lâcher le journal. Certains travaillaient déjà au Canard sous Giscard ! La plupart ont dépassé les 70 ans.
Les anciens du Canard s'opposent férocement à la création d'un syndicat de journalistes. Il ne faut pas d'opposition interne dans le journal. Tout doit se régler « en famille ». Ils refuse aussi de laisser monter une nouvelle génération. En enfin, il y a une affaire d'emploi fictif ...
La femme d'un dessinateur aurait perçu pendant des années des rémunérations sans travailler. Une « affaire Fillon » interne au journal. Ironie, l'affaire Fillon est la dernière vraie révélation du Canard Enchainé. C'était il y a plus de 5 ans. Depuis, c'est une feuille qui ne fait plus vraiment de révélations, juste des sarcasmes contre la gauche et des bruits de couloirs.
En 2019, le rédacteur en chef du Canard Enchainé signait des articles tapant sur les Gilets Jaunes, « des propagateurs de haine ». En 2021, il publiait des envolées contre les manif anti-pass sanitaire, forcément « complotistes ». A force, on se demande ce qui différencie ce journal des grands médias aux ordres..
Il y aurait beaucoup d'autres choses à en dire. Mais rappelons simplement que le Canard fut créé en 1915, durant la Première Guerre mondiale. C'était un journal anti-militariste, libertaire, contre tous les pouvoirs, visé par la censure. Il tenait bon seul contre tous, face aux nationalisme, à la guerre. Ensuite, il a été au cœur de nombreuses révélations importantes, et a provoqué des crises politiques. Du vrai journalisme indépendant, utile, nécessaire.
107 ans après, on se demande où est passé l'esprit d'origine. Le Canard Enchainé perd énormément de lecteurs, probablement déçu de voir disparaître le ton du journal poil à gratter qu'ils ont aimé. En 2010, le Canard diffusait plus de 500 000 exemplaires par semaine. En 2021, 280 000, quasiment une division par deux. Sans remise en cause de la rédaction pour le moment.
Dans cette période de droitisation généralisée des médias, y compris ceux réputés les plus indépendants, à nous de réinventer des journaux, sites et autres contenus émancipateurs et adaptés à l'époque.
LA CANICULE A TUE DES MILLIERS DE PERSONNES EN FRANCE
– 10,9% de surmortalité cet été par rapport à la moyenne, indifférence gouvernementale –
Cet été, la canicule n'a pas seulement dévasté l'écosystème, induit des incendies gigantesques et tari l'eau potable. Elle a aussi pris des milliers de vies en France. Dans une indifférence gouvernementale sidérante.
Entre juin et août 2022, le pays a connu «un excès de décès, très vraisemblablement dû en partie à la canicule» selon l’Insee. Si l’on compare avec 2019, 11124 personnes de plus ont perdu la vie l’été dernier. Une hécatombe qui rappelle la dramatique canicule de 2003.
Dans le détail explique Médiapart, 138522 personnes sont mortes entre le 1er juin et le 22 août 2022, un nombre en augmentation de 5,2% par rapport à 2021, +7,3% par rapport à 2020 et +10,9% par rapport à la moyenne 2015-2019. Le journal relève, à l'aide de courbes statistiques, que les trois vagues de chaleur de l’été 2022 sont liées à des pics de mortalité.
Un point aveugle de ces chiffres accablants est la question de l’hôpital public. Tout le monde semble «oublier» le rôle de l’effondrement du système de santé français dans cette surmortalité. Tout l’été, des dizaines de services d’urgence ont été fermés. De nombreux soins n’ont pas pu être assurés, ou pas correctement, faute de moyens et de personnel. Le nombre de lits d’hôpitaux disponibles n’a pas cessé de baisser. Une situation de crise inédite des hôpitaux français, en peine canicule, et après une pandémie. Pourquoi occulter la responsabilité politique évidente de la hausse de la mortalité ?
Le plus spectaculaire est l'absence totale de réaction du gouvernement. 11000 décès supplémentaires cet été et c'est comme s'il ne s'était rien passé. Pas de grands discours. Pas «d'état d'urgence». Pas de grandes mesures pour protéger les victimes du dérèglement climatique. Pas de moyens supplémentaires. Aucune réaction. Pourtant, même en comparaison avec 2003, année de grande canicule, juillet 2022 se démarque. Il y a 19 ans, lors de l’été qui fut particulièrement meurtrier, il y avait eu 133069 décès, soit 5000 de moins que cette année. Pour rappel, les décès de la canicule en 2003 avaient provoqué une crise politique majeure qui avait mis en grande difficulté le gouvernement de Jacques Chirac et coûté son poste au ministre de la santé. Cela avait également coûté une journée de salaire aux actifs : la journée de solidarité mise en place en 2004, où tout le monde bosse gratuitement pour financer des opérations de solidarité avec les personnes âgées que le gouvernement ne veut pas prendre en charge directement. Absolument rien de tout ça sous Macron. Aucune remise en cause. Cela n’a même pas été un sujet.
Les morts et les dégâts provoqués par le chaos climatique semblent négligeables pour les gouvernants. Ils n'ont aucune intention d'agir contre les ravages du capitalisme sur notre environnement et nos vies. La stratégie est donc de faire comme si tout cela n'existait pas, en faisant semblant de ne pas voir arriver les prochaines crises : canicules, incendies, crises alimentaires et inondations. Qui voleront d'autres vies humaines et animales.
---

par Thomas Legrand

publié le 6 septembre 2022 à 8h30
 

Le sport rend-il con ? Le foot rend-il très con ? Le fric et le foot font-ils, combinés, perdre totalement le sens des réalités et de la décence ? L’entraîneur du PSG répondait hier à un journaliste qui lui demandait si le club parisien comptait changer son mode de transport (le jet privé) quand les déplacements pouvaient se faire en TGV. La question découlait de la remarque, la veille d’Alain Krakovitch, directeur TGV-Intercités à la SNCF, qui rappelait aux footeux pros que le train existe toujours en France !

Le PSG s’obstine en effet à ignorer ce mode de transport et préfère mettre sa petite troupe de 60 personnes (équipe plus staff et invités) dans un ou plusieurs avions spécialement affrétés pour faire Paris-Nantes alors qu’il faut deux heures à peine en train sans cramer de carbone. La réponse de Galtier, en mode «on n’est pas des Amish», a consisté à dire qu’il allait voir avec l’entreprise qui organise les voyages du club s’il n’était pas possible de faire les trajets en chars à voile. Les images de Mbappé, gloussant dans son coude comme un collégien fayot après une vacherie du prof à l’encontre d’un cancre, sont pitoyables et gênantes.

 

Galtier et Mbappé ne se rendent pas compte de l’arrogance égoïste virale qu’ils dégagent à ce moment-là. Ils ne savent pas que dans cinq ou dix ans, ces images seront jugées aussi abjectes que celles d’un entraîneur de rugby d’Afrique du Sud des années 60 défendant l’Apartheid dans son sport. C’est dommage pour Kylian Mbappé. Jusqu’hier, il faisait figure de jeune joueur prodige et malin, particulièrement mature. Il apparaît là comme un multimillionnaire déphasé, comme un vieux gâté de la génération des voraces inconscients, restés dans l’état d’esprit d’avant les alertes climatiques.

Puisqu’il ne semble pas envisageable de pouvoir compter sur Christophe Galtier pour préparer une réponse circonstanciée et argumentée à une question dont il savait pertinemment qu’elle lui serait posée, n’y a-t-il pas au PSG un conseiller en communication grassement payé pour suggérer le B.A.-BA, les quelques phrases convenues à fournir en pareil cas ? Peut-être, après tout, le conseiller a-t-il œuvré à dessein en fournissant à l’entraîneur du PSG cette réponse punchline de comptoir, cette saillie de je-m’en-foutisme climatique. Après tout, si conseiller en com’ il y a, s’il est grassement payé, c’est par Nasser al-Khelaïfi, qatari de son état… Le Qatar, qui va organiser la prochaine Coupe du monde de foot absurde, anachronique et carbonophage.

par Thibaud Leplat, philosophe et consultant sur RMC

publié le 6 septembre 2022 à 19h20
 

C’est rare de voir les ricaneurs au premier rang. Habituellement c’est entre la fenêtre du fond de la classe et le radiateur qu’ils élisent domicile. Ils font rarement leurs devoirs. Mais, fins observateurs, ils maîtrisent parfaitement l’art du retard à l’allumage. Alors, quand on voit deux spécimens bien connus des amateurs de football s’affaler sur leurs pupitres un lundi après-midi en pleine présentation du match de Champions League opposant le Paris-Saint-Germain à la Juventus Turin, forcément, ça rappelle des souvenirs.

Il y a d’un côté l’aîné, un certain Galtier Christophe, entraîneur du PSG, à qui l’on reproche d’avoir pris l’avion plutôt que le train pour effectuer un Nantes-Paris samedi dernier. Vraisemblablement redoublant, l’ancien a bien préparé le coup : «Je me doutais que l’on allait avoir cette question-là. Pour être très honnête avec vous, ce (lundi) matin, on a parlé avec la société qui organise nos déplacements, on est en train de voir si on ne peut pas se déplacer en char à voile. Voilà.» Et l’autre, son compère, celui qui se marre, Mbappé Kylian, dont on disait le plus grand bien en conseil de classe — mais dont il faudrait surveiller les fréquentations. Mi-gêné, mi-goguenard, il abonde le gosier bien ouvert et la tête couchée sur la table. Sans doute admire-t-il l’impertinence de son camarade plus âgé. Moment de flottement dans une liturgie d’avant-match habituellement parfaitement calibrée par l’UEFA. La salle rit poliment, histoire de vite passer à autre chose. Après tout, c’est la rentrée de classe, il faut bien détendre l’atmosphère.

 

Le deuil de l’abondance

Sauf que la plaisanterie ne prend pas et fait depuis lundi l’objet de condamnations unanimes. Il faut dire que dernièrement dans le football le contexte est davantage à la consternation qu’à la plaisanterie : condamnation de Karim Benzema pour complicité de chantage, accès de violence dans les stades de Ligue 1, suspension de la Russie pour la Coupe du monde, salaires déconnectés de la réalité, appel au boycott de la prochaine coupe du monde au Qatar, maraboutage supposé d’un coéquipier par un autre en équipe de France et, cerise sur le gâteau, désinvolture sur le sujet du réchauffement climatique. La pression a rarement été aussi forte sur des élèves de Terminale. Et à première vue, c’est vrai qu’on peut trouver les ricaneurs indignes. A peine sortis d’un été infernal où la planète s’est mise à brûler toute seule, plus personne n’a le cœur à rire. Mais ensuite, juste après l’indignation, on peut aussi essayer de comprendre cette réaction étrange.

Posons-nous pour cela une question métaphysique : contre qui rit le ricaneur ? Le rieur, on sait. Il rit aux plaisanteries. Il est sympathique mais rarement subversif. Le ricaneur, en revanche, est beaucoup plus inquiétant que le rieur. Le rigolard du fond de la classe c’est celui à qui on ne la fait pas. Son indolence est désarmante. Aux yeux du maître, le ricaneur est dangereux parce qu’il ne rit jamais avec (c’est en cela qu’il se distingue du fayot qui cherche la connivence avec le prof à tout prix). Le ricaneur rit seul. Ou en bande. Et toujours contre. Contre nos obsessions, contre nos aveuglements, contre nos incohérences. Il ne joue pas le jeu. Son sarcasme est subversif. Il nous renvoie à nos postures d’inquisiteurs du dimanche (et jours fériés). Bref, le ricaneur c’est Roland Barthes en 1957 dans ses Mythologies : «Je réclame de vivre pleinement la contradiction de mon temps, qui peut faire d’un sarcasme la condition de la vérité.»

Car il y a des vérités qui ne peuvent se dire que sous couvert de plaisanterie douteuse, c’est la leçon de Barthes (et de Galtier). Première vérité : on est un peu injuste avec nos malheureux footballeurs coupables de ne pas porter le deuil de l’abondance. On leur demande d’être exemplaires, comme si le football était une avant-garde chargée de mener la société vers un hypothétique bonheur collectif. Mais mettons-nous à leur place : que faire quand on est incapable de répondre à ce genre d’espoir ? Que faire quand on en a assez d’être sommé de se prononcer sur des sujets qui n’ont rien à voir avec son domaine de spécialité, tout en restant poli, bien sûr ?

Le discours d’un footballeur

Que les choses soient très claires : non le football n’est pas une avant-garde politique. C’est peut-être la seconde vérité, plus difficile à énoncer, qui pointe derrière les sourires en coin de quelques insolents. Le football appartient à la société comme l’ouvrier appartient à l’usine ou le foie appartient au reste de l’organisme. Il est à la fois spécifique (il a ses règles, ses codes) et indispensable (on en a besoin pour vivre). Comme on ne peut attendre d’un intestin qu’il se transforme en pancréas, on ne peut attendre du footballeur autre chose que des positions de footballeurs. Heureusement d’ailleurs. Faut-il pour autant désespérer ? Non, car les footballeurs s’ils ne parlent pas vraiment, disent souvent des choses intéressantes.

Déplaçons donc le problème du plan moral au plan pratique. Plutôt que de nous perdre en injonctions contradictoires et en vaines obsessions, faisons le choix de regarder froidement le réel. Et le réel, ici, dit quelque chose de pertinent. Par exemple, si l’on en croit des études récentes, l’empreinte carbone des footballeurs par personne est largement inférieure à celle des tennismen ou des surfeurs (qui voyagent plus souvent sur des vols long-courriers). Ensuite ? Que la principale source de production de gaz à effet de serre lors des grands événements sportifs n’est pas les joueurs (ou leur train de vie douteux) mais plutôt les déplacements de population venue assister à leurs exploits.

Une étude réalisée par la Fédération internationale de foot montrait que lors de la dernière coupe du monde en Russie en 2018, 73 % des 2,2 millions de tonnes de CO2 produits par l’événement provenaient des déplacements de supporters. De même, le club de Wolfsburg a rendu public le poids des transports des supporters dans son bilan carbone annuel. Verdict : 60 %. Les ricaneurs avaient raison, tout est de la faute des bons élèves, ceux qui font leur coup en douce. Le calcul de l’empreinte carbone est le seul horizon pratique de cette controverse impossible. Pour nos footeux, l’heure n’est donc plus au cours de morale mais aux contrôles de mathématiques.

par Tania de Montaigne

publié le 7 septembre 2022 à 23h38
 

D’un côté, il y eut de l’eau et du feu. Des vies noyées, d’autres qui partent en fumée. L’urgence extrême. De l’autre, il y eut des vagues numériques. La vague numérique a ceci de particulier qu’elle mène, le plus souvent, nulle part. Des flots de vide destinés à soulever l’indignation pour la faire retomber quelques millionièmes de millimètres plus loin, soit… exactement au même endroit. L’indignation, perçue non plus comme un préalable mais comme une fin en soi. Je m’indigne, donc je suis.

Par exemple, cet été, il fallait, de toute urgence, se prononcer pour ou contre la Première ministre Finlandaise, Sanna Marin. En effet, la jeune femme s’était filmée avec ses amies en train de danser et la vidéo avait fuité. Drame. «Elle a bien le droit de danser !» tweetaient certains. «C’est une attitude scandaleuse !» instagrammaient d’autres. «Je te soutiens à fond Sanna !» tiktokaient d’autres encore. Partout dans le monde, on twerkait à s’en démonter le bassin pour affirmer, haut et fort, qu’on n’avait pas peur de se rebeller contre la bien-pensance. Ah ça, non ! On était super vénère. Le ruisseau numérique devenait rivière, puis océan, puis tsunami. On accusait la Première ministre d’être droguée. A tel point que Sanna Marin dut organiser une conférence de presse pour annoncer qu’elle allait faire un test toxicologique afin de prouver qu’on pouvait parfaitement se filmer en train de danser avec ses copines sans pour autant être toxicomane. Il suffisait d’avoir un téléphone portable et des amies qui n’ont pas de problème articulaire.

 

L’essentiel, c’est qu’on parle de vous

Ce qui est intéressant dans cette affaire, c’est qu’il y a tout juste un an, Sanna Marin était accusée d’être l’ennui personnifié. On la trouvait compétente, certes, mais très austère. Voilà quelqu’un qui faisait son travail et parlait très peu de sa vie privée. Bref, la grosse relou quoi. Elle était très loin de cet espace de jouissance médiatique où, de la presse aux réseaux sociaux, on parle de vous à longueur de journée pour commenter toutes les choses sans intérêt que vous faites.

Dans cet éden, moins ce que vous dites a de contenu, plus c’est payant. Ici, personne ne vous demandera jamais ce que, concrètement, vous comptez faire de ce que vous venez de dire. Non, l’essentiel c’est qu’on parle de vous, ce qui fait parler de vous, ce qui fait parler du fait qu’on parle de vous. Génial ! Dans ce paradis numérique, on dit «karting en prison» et, soudain, tout le monde s’interroge sur le karting. Est-ce trop récréatif pour la prison ? Pas assez ? Etes-vous pour ou contre le karting ? On s’indigne, on s’échauffe, on fait des comparatifs sur les prix des circuits de kart. Et, pendant ce temps-là, on ne parle surtout pas des conditions de vie en prison, de la réinsertion… Autant de vrais chantiers qui nécessiteraient une réflexion et des actes, très peu en phase avec l’exigence de spectacle et d’approbation immédiate.

Passer le mur du son

Dans la même idée, on peut aussi lancer une polémique sur le thème «barbecue et grosses saucisses». Etes-vous pour ou contre ? Il est vrai qu’il est beaucoup plus simple de s’attaquer à l’extinction des barbecues qu’à celle des feux de forêt, qui, eux, demanderaient un vrai travail de fond (sur la gestion des forêts, sur le statut des sapeurs-pompiers…) à l’Assemblée nationale par exemple.

Dans le cas de la Première ministre finlandaise, des gens de son entourage ont dû lui dire : «Sanna, c’est pas contre toi, mais, bon, en fait, t’es super chiante.» Je vois d’ici la réunion au cours de laquelle il a été décidé que, pour remédier à tout ça, il fallait que la jeune femme donne plus d’elle-même. Il fallait séduire les followers. Il fallait proposer de l’image qui passe le mur du son, du quotidien qui pète. C’est ainsi que la cheffe d’Etat austère est devenue une influenceuse fun. Se mettant à poster des photos d’elle avec des amis connus, d’elle avec son mari dans des moments amour et fantaisie, des stories d’elle en short dans un festival rock ou en crop-top dans une fête. Jusqu’à l’incident industriel de cet été, la vidéo qui fuite. Pendant ce temps-là, dans le monde réel, l’abstention s’accroît et l’extrême droite fait son nid, ici et ailleurs, mais ça n’a sûrement aucun rapport.

de la fleur ne rien posséder ni le parfum ni le satin froissé d'un pétale

de l'aimé ne rien posséder que le souvenir des caresses pour une vie à venir

du monde ne rien posséder que notre nudité au premier jour et au dernier

entre les deux la joie les larmes et le souvenir d'un peu de douceur

(Gaëlle Josse)

Le vent dans le platane Toutes les feuilles dansent Une seule s'envole

(Anonyme)

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2 janvier 2009 5 02 /01 /janvier /2009 20:26


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29 novembre 2008 6 29 /11 /novembre /2008 13:19






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