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12 avril 2024 5 12 /04 /avril /2024 12:33
RATIONNER INTERNET ?

Une ancienne ministre de l’Éducation propose de réguler sévèrement l’usage des réseaux. Deux événements récents montrent qu’elle a mis le doigt sur un vrai problème.
Et si elle avait raison, Najat Vallaud-Belkacem ? Dans une tribune du Figaro, elle a le toupet – ou le courage – de proposer que les pouvoirs publics rationnent l’usage des écrans. Un quota de quelques gigas par personne. Rationnement ? Horresco referens ! Pas étonnant, dira-t-on, qu’une socialiste propose d’imposer la pénurie.
Pourtant qui peut encore nier les effets désastreux de l’usage addictif, immodéré, inconsidéré, des réseaux sociaux, sans compter leur dangereux bilan carbone ? Deux jours après cette tribune iconoclaste, le Centre national du livre publie sa traditionnelle étude IPSOS sur la pratique de la lecture chez les jeunes. Constat sans appel : c’est un effondrement. Les jeunes Français, tous milieux sociaux confondus, et sans qu’une différence de classe apparaisse clairement entre les usagers, passent plus de 5 heures par jour à regarder un écran et 1 heure 25 à lire… par semaine. On s’étonne ensuite que le niveau scolaire diminue et que la vente de livres soit menacée, sans parler de l’étrange et nouvelle sociabilité de la jeunesse, qui consiste à s’enfermer la moitié du temps dans la contemplation d’un smartphone. Quand on ne lit plus, on n’apprend plus. On est à la merci des émotions immédiates et des fake news répandues par les ennemis de la liberté.
Au même moment, plusieurs agressions violentes ont eu lieu aux abords d’établissement scolaires des quartiers défavorisés. Elles ont au moins un point commun : à chaque fois, les messages de haine, les invectives claniques ou religieuses, les insultes racistes, les appels au lynchage collectif, sont passés par le complaisant truchement des réseaux sociaux, sans que quiconque ne songe à mettre en cause la responsabilité des multinationales qui ont véhiculé ces appels au meurtre et qui en font argent gras. Celles-ci se retranchent derrière leur statut de simple intermédiaire, alors même qu’elles interviennent sans cesse sur les contenus qu’elles diffusent, ne serait-ce que pour améliorer leurs rendements publicitaires.
On le sait, la technologie est comme la langue d’Ésope, la meilleure et la pire des choses. Mais au nom de la première, on s’abstient de limiter la seconde. Le rationnement est un moyen, la mise en cause des patrons multimilliardaires des réseaux en est une autre. Ceux-ci ont acquis une puissance financière et de lobbying qui en fait les égaux dangereux des États souverains. Mus par le seul appât du gain, n’ayant pas de mandat populaire, tels de nouveaux féodaux défiant les États, ils n’ont aucune légitimité à influer ainsi sur le devenir de nos sociétés. En ébranlant les fondements de la culture civique, en facilitant la tâche des fauteurs de haine, ils minent la vie des démocraties. Il serait temps que les gouvernements élus s’en rendent compte.
 
Laurent Joffrin
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12 avril 2024 5 12 /04 /avril /2024 12:32
LE MAIRE : LE JUDAS DE BERCY

Le ministre des Finances dénonce le laxisme budgétaire qu’il a lui-même organisé depuis sept ans à Bercy. Un retournement de veste qui annonce une candidature à l’Élysée, au grand dam des macroniens.
Étonnant phénomène, qui défie les lois de la physique autant que de la politique : plus de déficit du pays se creuse, plus la tête du ministre des Finances enfle. L’homme de Bercy, désormais, ne fait plus mystère de devenir un jour celui de l’Élysée, candidat à peine officieux au fauteuil d’Emmanuel Macron. Il est vrai qu’il a trouvé un rôle à la mesure de son ambition, celui du Père-la-rigueur, auto-proclamé sauveur d’un pays miné par la dette et les impasses budgétaires. Il n’a plus de mots assez durs, désormais, pour stigmatiser le laxisme de son prédécesseur, coupable d’abord laissé le déficit filer dans les abysses, avec un montant qui dépasse les 5% du PIB. Avec cette légère contradiction, qu’il considère d’un regard serein : son prédécesseur, c’est lui.
Si l’on en croit Le Figaro, le président le lui a fait remarquer le 20 mars dernier, après l’avoir écouté prêcher pour une réduction drastique des dépenses : « Bruno, ça fait quand même sept ans que tu es là ». Le sapeur Camember, selon ce classique de la BD satirique, creusait des trous pour en boucher d’autres. Le Maire marche dans les pas de ce célèbre troufion, avec une variante temporelle : il opère sur le même trou, qu’il creuse d’abord pour se donner ensuite le mérite de le reboucher.
Observant ce subterfuge quelque peu voyant, les macroniens le soupçonnent de préparer sa sortie du gouvernement pour se lancer ensuite dans la course élyséenne, fort de sa nouvelle réputation de redresseur putatif des comptes publics, séduisant ainsi un électorat conservateur qui lui fournirait sa base politique. On murmure même qu’il a déjà fait élargir les portes de son ministère pour que sa tête soudain dilatée puisse les franchir sans encombre au jour de son départ.
Il a de qui tenir : c’est souvent la double posture adoptée par la droite française, qui accroît les déficits quand elle est au pouvoir mais fustige le laxisme budgétaire dès qu’elle passe dans l’opposition. On le vérifie en jetant un œil sur l’historique des finances publiques depuis vingt ans. On s’aperçoit alors que Sarkozy et Macron sont les principaux responsables du dérapage budgétaire du pays, qu’Hollande a péniblement ramené au-dessous des 3% exigés par les traités européens, en y perdant au passage sa popularité. Ce qui n’empêche pas la droite de dénoncer mécaniquement l’impéritie gestionnaire de la gauche.
Déjà mal en point sur toutes sortes de dossiers, à la traîne dans les sondages pour le prochain scrutin européen, les macronistes sont maintenant menacés d’un schisme qui verrait le ministre des Finances démissionner pour se changer en candidat à la succession d’Emmanuel Macron. Pour bien marquer sa différence, il se ferait alors le procureur de la politique qu’il a menée à son poste depuis 2017. On peut comprendre l’agacement du président, qui avait convaincu Le Maire de trahir la droite pour le rejoindre, et qui voit son ministre faire le chemin inverse, trahissant la macronie pour rejoindre la droite. Ce n’est plus la tactique du sapeur Camember, mais celle d’un Judas à répétition.
 
Laurent Joffrin
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24 février 2024 6 24 /02 /février /2024 02:49
 
Le député européen entame plutôt bien sa campagne : bons sondages, premier meeting réussi, présence médiatique. Enfin un peu d’air à gauche…
C’est un de ces « signaux faibles » qui peut avoir une forte signification. Pour son premier meeting de campagne à Bordeaux, Raphaël Glucksmann avait prévu trop juste. Quelque cinq cents personnes n’ont pas pu entrer, en raison d’une jauge dépassée. Erreur d’organisation sans doute, mais aussi indice intéressant : le candidat intéresse plus qu’il ne l’avait prévu lui-même…Il annonce fièrement son succès sur les réseaux, peut-être un peu présomptueux : le succès reste à confirmer. Mais imaginons…
Imaginons que le raisonnement que nous tenons ici depuis le début soit juste : il y a un espace politique béant entre Mélenchon et Macron, que le PS englué dans la NUPES n’a pas réussi à occuper. Toute une gauche fatiguée des foucades mélenchonistes, en quête d’avenir, attachée à la République, aux Lumières, à une écologie du réel, radicale certes, mais aussi populaire et lucide, attend une force rénovée qui puisse exprimer ses aspirations. Déjà les sondages, unanimes, placent Glucksmann légèrement en tête de la gauche.
Imaginons, donc, que le député européen fasse une bonne campagne, que l’hirondelle de Bordeaux se change en un printemps pour l’autre gauche, celle qui croit à une politique fondée sur la raison et non sur l’agression, sur la bienveillance et non sur l’outrance. On l’a déjà écrit : dans cette hypothèse, Glucksmann devient la surprise de la campagne et tout change.
Les réformistes retrouvent leur place naturelle, la première, négociant un nouveau programme, socialiste, écologiste et non populiste. Les électeurs égarés chez Macron ou à LFI, faute de mieux, regagnent peu à peu la vieille maison refaite à neuf et se prennent soudain à espérer de nouveau la victoire, après dix ans de macronisme vertical et droitier.
Cessons de rêver : il ne s’agit que d’une élection européenne et il est bien tôt pour compter sur un succès, sauf à bâtir des châteaux à Bruxelles. Et quand bien même le succès adviendrait-il, qu’une longue route hérissée de dangers resterait à parcourir pouf cette autre gauche. Mais enfin, ce serait une étape, un palier, le premier étage d’une fusée qu’on disait incapable de décoller.
La concurrence, déjà s’inquiète, à LFI ou chez les Verts. Les premiers crient à la trahison réformiste, comme d’hab. Les seconds somment les électeurs de choisir entre « la transformation écologiste » et « la nostalgie sociale-démocrate ». Curieuse expression : en français, la nostalgie désigne le souvenir mélancolique d’un passé heureux. C’est un presqu’un aveu : aux dires mêmes de Marie Toussaint, tête de liste verte, la social-démocratie laisserait donc un bon souvenir ? Il lui resterait, dans cette hypothèse, à passer du souvenir à l’avenir.
 
Laurent Joffrin
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24 février 2024 6 24 /02 /février /2024 02:46
Mélinée et Missak Manouchian au Panthéon… Au cœur d’une nation pessimiste et divisée, un court mais rassurant moment d’espoir, qui incarne la véritable identité française, loin des mensonges de l’extrême-droite.
Un moment de ferveur dans ce pays traversé par le doute, une éphémère mais émouvante communion autour de nos valeurs, malgré la discorde environnante… Autour de qui ? D’un immigré et de son épouse, sans papiers, d’un communiste désigné comme terroriste par l’occupant et par Vichy, d’un combattant poète, avec 23 de ses compagnons résistants, dont Aragon avait écrit l’oraison et qu’il faut encore citer :
« Parce qu’à prononcer vos noms sont difficiles (…)
Nul ne semblait vous voir Français de préférence (…)
Mais à l’heure du couvre-feu, des doigts errants
Avaient écrit sous vos photos MORTS POUR LA FRANCE »
C’est ainsi qu’il faut comprendre la cérémonie d’entrée au Panthéon de Missak et Mélinée Manouchian, si l’on garde, un tant soit peu, au fond de soi, confiance dans cette République malmenée. Un pays qui convoque ses meilleurs symboles, ses plus hautes autorités, pour célébrer ces étrangers, ces parias venus de pays lointains, vilipendés et traqués par l’État français, ne peut pas être entièrement mauvais. Et cette république fatiguée par les crises et les divisions, en dépit des tentation nationalistes qui égarent un tiers des électeurs, possède des valeurs qui parlent encore au cœur des Français.
Quoique théâtral comme toujours, le discours d’Emmanuel Macron fut juste et émouvant, installant dans la mémoire nationale ces combattants jusque-là mal connus, sinon au sein de la gauche, et surtout de l’extrême-gauche. Juste et bienfaisante régularisation pour ce clandestin… Manouchian était communiste, cela explique peut-être le retard de cette reconnaissance : la mémoire historique rappelait que le comportement héroïque du PCF dans la Résistance, comme celui de l’Armée rouge qui a brisé la Wehrmacht, suivait une période sans gloire où, sur ordre de Staline, de 1939 à 1941, l’appareil du parti ménageait les troupes allemandes en raison du pacte germano-soviétique.
Mais précisément, l’injustice demeurait. Comme un certain nombre de communistes, Manouchian s’était affranchi des mots d’ordre de Moscou pour commencer le combat antinazi bien avant l’attaque de la Wehrmacht contre l’URSS. Survivant du premier génocide du siècle, contre les Arméniens, il avait compris qu’un autre était à l’œuvre, contre ses amis juifs. Et surtout, s’il est « mort pour la France » après avoir demandé deux fois, en vain, la nationalité française, c’est qu’il croyait dur comme fer en cette nation « patrie des Droits de l’Homme » dont certains affectent de se moquer ou de n’en parler que pour ses fautes, celle des soldats de l’An II, celle d’Hugo, de Zola, de Jaurès et, au temps de la Résistance, du Général de Gaulle.
Manouchian était internationaliste et patriote, chose que les nationalistes d’aujourd’hui, comme ceux d’hier, ne comprennent pas. Pour lui la France n’était pas seulement une terre, une culture, un héritage, lui, l’exilé qui avait passé son enfance au loin. C’était une idée. Une idée inscrite à ses frontons, qui lui donne encore rayonnement et prestige dans ce monde menacé par les empires revenus. Comme hier autour du Panthéon, cette idée réunit encore les Français et les fait vibrer. N’en déplaise à Éric Zemmour et à Marine Le Pen, la liberté, les sacrifices qu’elle suscite, les combats qu’elle justifie, la flamme qu’elle fait toujours briller a fait, comme l’a montré Manouchian, l’identité française.
 
Laurent Joffrin

L'affiche rouge. Aragon- Ferre

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24 février 2024 6 24 /02 /février /2024 02:45
La mise en cause par les femmes de personnages jusque-là célébrés par les milieux progressistes jette une lumière nouvelle sur l’émancipation sexuelle des années 1970.
Il y a un point commun qu’on n’ose guère aborder entre les personnages du cinéma ou des médias récemment mis en cause pour leur comportement envers les femmes. Gérard Miller, l’hypnotiseur du divan, Jacques Doillon, Benoît Jacquot et, auparavant, Jean-Claude Brisseau, désormais dépeints en Pygmalion dominateurs et libidineux, et même Gérard Depardieu, passé du statut de génie gargantuesque à celui de prédateur rabelaisien, ont tous pris leur essor, atteint la célébrité, gagné leurs galons de stars des spotlights, dans le sillage de la libération sexuelle des années 1970. Tous ont été fêtés, célébrés, vénérés parfois, par les milieux culturels progressistes, les médias de gauche, les cercles post-soixante-huitards de la critique et du public averti pour leur mépris des conventions et leur liberté de ton, qui cachaient manifestement de plus sombres pratiques.
Rien de perfide ni de réactionnaire dans la remarque, encore moins de nostalgique sur le thème du « c’était mieux avant ». On ne risque pas de soupirer sur cette époque « d’avant » où une prude censure sévissait, où l’IVG était proscrit par la loi, où le sexe était un péché, où l’inexistence de la contraception faisait vivre les femmes dans la hantise de la grossesse indésirée, où le viol n’était pas vraiment criminalisé, où les féminicides s’appelaient « crimes passionnels ». Nul énième procès non plus contre les baby-boomers ou contre les rejetons de Mai 68, qui ont eu le mérite de favoriser, en même temps que l’émancipation sexuelle, les luttes féministes del’époque, les revendications des homosexuels ou de faire éclore, au cinéma notamment, toutes sortes de formes nouvelles, de thèmes jusque-là occultés, de sensibilités neuves, dont ceux qui sont aujourd’hui accusés, on le reconnaîtra, figurent parmi les talentueux promoteurs.
Mais un simple constat : la nécessaire et positive libération sexuelle de ces années-là fut une libération inégale. Les hommes en furent les grands bénéficiaires, les femmes, nettement moins. En faisant tomber les barrières de l’ancienne morale, brisé les tabous désuets, cassé les codes archaïques hérités des interdits religieux, la « révolution sexuelle » a aussi libéré certains prédateurs, facilité la prolifération des « dragueurs lourds » qui sont surtout des agresseurs sexuels et, surtout, prorogé à frais nouveaux l’antique domination masculine. Une révolution incomplète, en quelque sorte, ou bien, comme on dit aujourd’hui, une révolution « genrée », où le désir des hommes a été libéré sans que celui des femmes soit vraiment pris en compte ou, plus grave, que leur non-désir soit respecté.
Ainsi les vagues successives de la révolte #MeToo, qui frappent aujourd’hui des symboles de la « culture 68 », n’ont pas grand-chose à voir avec un retour en arrière, avec un « backlash » répressif qui viendrait mettre en cause les acquis de « sexy sixties ». Avec quelques décennies de retard, elles corrigent le déséquilibre initial de la libération sexuelle, ce qui est un progrès supplémentaire. À une liberté nouvelle, favorable aux hommes, les femmes ajoutent une égalité nouvelle. Il était temps.
 
Laurent Joffrin
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24 février 2024 6 24 /02 /février /2024 02:43
 
Le « Lab de la social-démocratie » publie le résultat de ses travaux, sous la forme d’un livre programmatique, Le Pouvoir d’Agir. Loin des invectives et des punchlines, un peu de réflexion de fond.
On dit que la gauche réformiste n’a plus d’idées, que la social-démocratie a épuisé son projet, que le socialisme est une idée du 20ème siècle et ses partisans des témoins d’un temps révolu. Ceux qui croient à ces sornettes doivent se reporter au programme que le Lab de la social-démocratie, association de la gauche du réel, vient de publier sous la forme d’un petit livre intitulé Le Pouvoir d’Agir (1). Ils y trouveront, non des tweets expéditifs, des punchlines de plateau, ou des éructations populistes, mais, sous la plume de Patrick Vieu, expert et intellectuel qui s’est appuyé sur une ribambelle de groupes de travail, une réflexion exigeante, renouvelée qui donne sur les défis de notre siècle des réponses élaborées et constructives.
Idée principale : la social-démocratie doit transformer son logiciel. Par le passé, en répartissant mieux les fruits de la croissance, en développant l’État-providence, en étendant les droits des travailleurs, en poussant à une Europe unie, elle a fait accomplir à l’humanité des progrès considérables. Mais aujourd’hui le productivisme est obsolète, la planète est menacée par une croissance qui dérègle le climat, épuise les ressources et obère l’avenir des générations futures ; l’État-providence peine à humaniser une société fracturée et individualisée, les fractures sociales se creusent sous l’effet d’une économie du laissez-faire, la démocratie déçoit une grande partie des classes populaires.
Il faut donc repenser le rapport de l’économie et de la nature, maîtriser le progrès scientifique et technique, reprendre le contrôle d’un capitalisme financier que le moment libéral a livré à lui-même et démocratiser une Vème République aux structures monarchiques. Tel est l’objectif de ce travail collectif qui aborde de front toutes les questions, y compris celles qui embarrassent si souvent la gauche, comme l’immigration ou la montée des conflits guerriers, et qui ouvre à la gauche de la raison et de l’action des perspectives nouvelles.
LeJournal.info publiera en exclusivité, tout au long de la semaine, les éléments essentiels de ce texte qui vise à animer le débat à gauche, au-delà des simples considérations de personnes ou de stratégie. Loin de la gauche des invectives, voici la gauche des idées…
(1) Le Pouvoir d’Agir – VA Éditions.
 
Laurent Joffrin
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24 février 2024 6 24 /02 /février /2024 02:41
 
On peut légitimement moquer les recettes passéistes proposées par Emmanuel Macron pour réhabiliter l’école républicaine. À condition de prendre en compte la demande de tranquillité qui émane de nombreuses familles, souvent les plus modestes.
Uniforme au collège, instruction civique renforcée, Marseillaise pour les enfants, service civique généralisé… Le « réarmement » prôné par Emmanuel Macron fleure bon l’instruction à l’ancienne et les images sépia d’un mythique âge d’or de l’école républicaine. Il n’y manque que l’odeur de la craie, les plumes sergent-major et les coups de règle sur les doigts.
Du coup, la gauche fustige ce rappel à l’ordre, cette nostalgie patriotique, ce passage du « en même temps » au temps passé, manifestement destiné à un électorat de droite qui pense que tout en France « était mieux avant ». Fort bien. Il y a effectivement quelque chose d’un peu ridicule dans cet éloge d’une époque révolue où la discipline scolaire visait à formater de bons Français obéissants, où l’école triait sans états d’âme les élèves dès la fin du primaire, aiguillant les enfants des classes cultivées vers le lycée, les autres vers l’enseignement court qui menait aux champs ou à l’usine.
Mais, à bien y réfléchir, n’y a-t-il pas là, aussi bien, un piège, dissimulé par ce plan passéiste propre à susciter un réflexe pavlovien ? En moquant cette apologie de l’ordre et des règles, l’ancienne gauche risque d’oublier l’angoisse de nombreuses familles, dans les quartiers populaires, notamment, qui voient des points de deal s’établir à proximité des collèges, la violence pénétrer dans ces sanctuaires dédiés au savoir, les professeurs découragés par un métier de plus en plus difficile face à un public rétif, les écrans capter l’attention des enfants au détriment de l’apprentissage, le recrutement des enseignants se tarir en raison d’un statut professoral dévalué et dénigré.
Le piège, au vrai, saute aux yeux : en se récriant devant l’apologie de l’ordre, la gauche se résignerait-elle au désordre ? Proposerait-elle, au fond, de ne rien faire devant les difficultés qui assaillent tant de collèges et de lycées, bousculés par un environnement social dégradé, au fonctionnement émaillé d’incivilités quotidiennes, affectés d’une baisse de niveau attestée par toutes les études internationales et qui incite de nombreuses familles, qui ne sont pas toutes bourgeoises, à préférer l’enseignement privé ?
Pour tout républicain, la défense de l’école publique est un impératif catégorique. Mais pour qu’elle remplisse sa mission, il faut aussi que cette école assure aux élèves une vie tranquille, un respect des règles et des enseignants, des classes paisibles et une laïcité rigoureuse. Les remèdes macroniens, symboliques pour l’essentiel, jouent sur le souvenir enjolivé d’une école d’Épinal. Certes. Mais, en dehors de la juste revendication d’un meilleur salaire et de l’éternelle demande de moyens accrus, quelles sont les solutions de gauche propres à réhabiliter l’école républicaine aux yeux de l’opinion, à rassurer les familles modestes, pour qui l’école représente le seul espoir d’ascension sociale ?
On a raison de défendre le collège unique, attaqué par la bande, de prôner une éducation démocratique et moderne, qui améliore l’égalité des chances et cherche à corriger les handicaps de départ. Mais pour atteindre ces justes objectifs, la tranquillité scolaire est une condition cardinale. Voilà un motif de réflexion essentiel pour une gauche qui veut relever les défis d’aujourd’hui en regardant les choses en face.
 
Laurent Joffrin
 
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11 décembre 2023 1 11 /12 /décembre /2023 10:58
 
La droite a défiguré le projet initial du gouvernement par ses amendements xénophobes. Du coup la discussion a dégénéré en un pugilat aux connotations antirépublicaines.
Désastreuse valse-hésitation sur le projet de loi immigration. Le gouvernement avait un texte, mais il court après la droite pour obtenir une majorité à l’Assemblée, laquelle court après le Rassemblement national pour tenter de récupérer ses électeurs perdus. Du coup, le projet est sans cesse renégocié, remanié, marchandé pour tenter de résoudre cette quadrature du cercle anti-immigration, sous les quolibets goguenards des lepénistes.
Une certitude à ce stade : les amendements de la droite sont inacceptables pour tout humaniste. Refus de toute régularisation, remise en cause du droit du sol, restriction du regroupement familial, quasi suppression de l’Aide médicale pour les sans-papiers : la droite républicaine écorne la tradition républicaine dans l’espoir d’amadouer ceux qui n’aiment pas la République ; elle souscrit à l’air du temps qui impute aux étrangers l’essentiel des maux qui affligent les Français, dans un syndrome du bouc émissaire. La gauche a raison de mener sur ce point une bataille culturelle en rappelant que la grande majorité des immigrés ne veulent rien d’autre que trouver leur modeste place au soleil dans la société française, qu’ils forment une bonne partie de ces « travailleurs de première ligne » qu’on louait tant pendant la pandémie de Covid et que s’ils respectent les lois et vivent en bonne intelligence avec le pays d’accueil, ils sont ici chez eux.
Pour autant, cette gauche voit-elle juste en rejetant tout uniment le projet gouvernemental dans sa version initiale ? Pas sûr. Elle réclame la régularisation de tous les sans-papiers et rejette une régularisation partielle. Cette abolition de toute distinction entre ceux qui remplissent les critères d’admission et les autres est-elle raisonnable ? On en doute. En revanche la légalisation des mêmes travailleurs dans les « métiers en tension », telle que le proposait le gouvernement, est un pas dans la bonne direction. Rejeter le projet d’emblée, c’est aussi récuser cette amélioration.
Quant à réclamer une bonne maîtrise de la langue et des valeurs de démocratie française aux candidats au séjour, est-ce une si mauvaise idée ? C’est le défaut d’intégration des immigrés plus que leur nombre qui pose problème. N’est-ce pas les aider que de leur demander un effort initial ? De même, prévoir l’expulsion de ceux qui violent délibérément les lois ou qui représentent un danger pour la sécurité du pays, est-ce contraire à la logique républicaine ? On en doute tout autant.
Au fond, le débat est vicié par les postures politiques des uns et des autres. Il y manque un débat national rationnel, qui pourrait se développer au sein d’une convention citoyenne et déboucher sur un projet d’ensemble qui conjugue accueil, intégration et fermeté sur les critères d’admission. Est-ce un rêve ?
 
Laurent Joffrin
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9 décembre 2023 6 09 /12 /décembre /2023 10:33
 
On déplore le manque de réactivité des adversaires de Marine Le Pen. Juste remarque qui oublie le plus important : lutter sérieusement contre les maux qui la font progresser.
On s’inquiète à juste titre de la « normalisation » du Rassemblement National. Un sondage Viavoice pour LeJournal.info l’avait déjà mise en lumière ; une enquête du Monde vient la confirmer. Entre autres résultats, les Français sont maintenant plus nombreux à penser que le RN peut légitimement participer à un gouvernement, qu’à rejeter cette angoissante hypothèse. Les commentateurs dénoncent « l’apathie » des adversaires du RN face à cette « dédiabolisation », rappelant fort justement ses contradictions, ses revirements et, surtout, le caractère antirépublicain de nombre de ses propositions. Œuvre pie s’il en est, précieuse pour éclairer l’opinion.
Mais c’est oublier l’essentiel : si le RN progresse régulièrement, ce n’est pas principalement parce que ses procureurs sont un peu mous du genou ou bien qu’ils négligent de réfuter ses thèses. D’ailleurs, quand le RN était « diabolisé », il progressait aussi. C’est que les problèmes qui favorisent l’ascension de Marine Le Pen ne sont pas résolus. Lesquels ? La « fracture sociale », jadis dénoncée par Jacques Chirac, est toujours béante ; l’insécurité, si elle n’atteint en rien les niveaux proclamés par l’extrême-droite, progresse en France, comme en témoigne l’augmentation des agressions contre les personnes ; la politique d’immigration, enfin, qui consiste surtout à concentrer les nouveaux venus dans des quartiers déshérités, où prospère une délinquance endémique et un trafic de drogue en pleine expansion.
Sur le premier point, des efforts incontestables ont été produits par les gouvernements successifs, de gauche ou du centre. Mais les résultats sont encore insuffisants et l’idée d’un « ruissellement » automatique des revenus du haut vers le bas continue d’exercer ses effets délétères. Sur le deuxième, l’insécurité, sa gravité a trop longtemps été niée et les investissements dans la justice ou la police récemment consentis viennent seulement entamer un nécessaire rattrapage.
Sur le troisième, enfin, entre les éructations de l’extrême-droite et le silence de la gauche, aucune politique cohérente d’accueil, mais aussi de régulation, n’a encore été formulée. Mieux accueillir, mais aussi mieux reconduire : c’est la seule voie praticable. Il y manque une description des voies et moyens, qu’on n’ose guère détailler, tant le sujet est émotionnel. Cela peut se comprendre : on navigue avec crainte entre les deux écueils de la fermeté excessive et du laissez-faire. Mais le silence n’est pas d’or en la matière : il laisse aux xénophobes le monopole de la parole sur ce dossier.
 
Laurent Joffrin
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27 novembre 2023 1 27 /11 /novembre /2023 13:41
Les mensonges de Crépol
Les uns n’osent pas dire qui sont les agresseurs, les autres déroulent leur catéchisme xénophobe. Les réactions au meurtre du jeune Thomas dans un bal populaire à Crépol dans l’Isère, met en lumière l’inanité des postures partisanes.
Naïveté des progressistes, perversité de l’extrême-droite. Avec une bonne intention – ne pas encourager un éventuel affrontement communautaire – la justice et une bonne partie de la presse ont volontairement tu les prénoms des suspects du crime de Crépol, laissant dans un pieux anonymat les assaillants de ce bal populaire où un jeune homme de 16 ans a été poignardé à mort. Mais comme tout se sait dans ce genre d’affaire très médiatisée, il s’avère que les prénoms en question désignent des garçons de culture musulmane, issus pour la plupart du « quartier sensible » de la Monnaie à Romans-sur-Isère. C’est un fait. Pourquoi l’avoir caché, sinon par une pusillanimité hors de propos ?
C’est en tout cas du nanan pour l’extrême-droite, qui double sa honteuse dénonciation de « l’immigration » (alors que les jeunes hommes en question sont français), d’un numéro bien rôdé sur « l’omerta » qui viserait à cacher aux bons Français la réalité des choses. À quoi bon édulcorer ce fait divers, qui est aussi un fait de société et qu’il est légitime de commenter ? On ne s’est pas privé de parler dans le cas de Nahel, ce jeune homme tué par un policier avant l’été. Mettre l’un en exergue et minimiser l’autre, c’est prêter le flanc à l’accusation de cécité volontaire.
On sait bien que la République, fautive en l’occurrence, n’a pas su éviter la sédimentation, au cœur des quartiers populaires, d’une couche sociale minoritaire mais inquiétante de jeunes issus de l’immigration englués dans une culture du trafic, de l’incivilité, de la transgression et de la violence. On en voit sans cesse la manifestation dans les règlements de compte marseillais, dans certains crimes commis récemment à Bordeaux, à Dijon ou ailleurs et, s’il était besoin d’une preuve, dans les émeutes de juin dernier qui ont secoué le pays par leur violence nihiliste.
Profitant de ces hésitations, l’extrême-droite déroule son dangereux bréviaire. Si ces suspects ont des prénoms musulmans, dit-elle, c’est bien que ces étrangers sont par nature dangereux et que l’immigration est le grand facteur de ces désordres. Et de mettre en scène ces « vrais Français », habitants d’un village de carte postale, joueurs de rugby, sport bien blanc (et non de football, « infesté par les racailles »), agressés par des « Français de papier » dont l’ADN serait celui de la violence et du « racisme antiblancs ».
Que dire, sinon que ce discours plus ou moins affiché exprime une xénophobie pure ? L’immigration coupable ? L’immense majorité des immigrés, à commencer par ceux des quartiers populaires, réprouvent cette violence. Dans ces cités, ils sont pris en otages par les narco-trafiquants, soumis à la loi des gangs et touchés au premier chef par les exactions des délinquants. Citoyens comme les autres, ils réclament la paix civile, déplorent l’inconduite des jeunes, espèrent la justice et, concrètement, la présence de la police en bas de chez eux. Incriminer « l’immigration », comme le font les Zemmour, Le Pen, et même Ciotti, c’est mettre dans le même sac tous ces immigrés, qui n’en peuvent mais, et veulent avant tout se faire une modeste place au soleil au sein de la société française. C’est enfin favoriser par des déclarations hostiles et intolérantes, le communautarisme qu’on prétend combattre et exprimer son racisme latent par des sophismes pervers.
La vérité, c’est qu’il nous manque une politique à la fois sociale et ferme, qui table sur la sanction et la prévention, qui assure la prédominance des valeurs républicaines auprès de ces jeunes marginalisés par la relégation économique, sociale et culturelle, une politique qui leur donne, surtout, un espoir tangible d’intégration. C’est-à-dire la politique qu’une gauche sociale et républicaine soucieuse de la paix civile, hors de tout déni et de toute complaisance, devrait définir et défendre.
 
Laurent Joffrin
Extrême droite : Ciotti, l’idiot inutile

 

par Dominique Albertini

publié aujourd'hui à 12h46
 

On pensait avoir tout constaté de la déchéance du parti Les Républicains. On n’y était pas : manquait encore d’avoir entendu l’inégalable Eric Ciotti, président du parti, refuser de condamner la descente d’un groupe de fascistes dans un quartier de Romans-sur-Isère, dans la soirée du samedi 25 novembre. Ces jeunes gens à l’impeccable coiffure venaient faire payer à tout un quartier le meurtre du jeune Thomas, tué le 19 novembre dans la commune proche de Crépol. L’hypothèse de la promenade digestive est fragile : beaucoup moins celle d’une expédition punitive destinée à «casser de l’Arabe», au nom d’une culpabilité collective des minorités ethniques.

Le lendemain dimanche, sur BFMTV, Ciotti se voit donc proposer de commenter et – ce serait logique pour un «grand parti gaulliste de gouvernement» – de condamner les actes et l’idéologie de ces nervis. Le président de LR refuse à plusieurs reprises. Il s’indigne, à fort juste titre, du meurtre du jeune Thomas. Le reste, il refuse même d’en parler. «Vous ne me ferez pas dire ça», s’entête-t-il sans honte.

On va se permettre des suggestions à l’excellent président de LR. Quitte à ne pas vouloir trop en faire, il pouvait dire, par exemple : «C’est le drame de Crépol qui mérite toute notre attention, mais les faits que vous évoquez sont tout à fait condamnables.» Ou encore : «Il s’agit d’une scandaleuse initiative, prise au nom d’une idéologie que je réprouve, mais vous me permettrez de réserver ma compassion à la famille de Thomas.» Mais non : il ne fallait même pas, semble-t-il, avoir un mot de réprobation pour les méfaits d’une escouade de fascistes.

 

Nous aussi, nous savons mesurer nos mots. Nous refusons d’affirmer qu’Eric Ciotti est un politicien sans foi ni loi, le porte-serviette de l’extrême droite, l’essuie-main d’Eric Zemmour, le tapis-brosse de Marine Le Pen et le visage du cynisme à courte vue.

Eric Ciotti aime-t-il les nazis ? Bien sûr que non. Il fait simplement ce qu’il fait de mieux : de la petite stratégie de plateau, censée lui valoir ses galons d’homme «d’ordre». Sans trop de pudeur, mais heureusement sans beaucoup plus de talent, il se croit habile d’emprunter à l’extrême droite ses accents les plus crasses. De convertir son parti à une radicalité qui n’a même pas le mérite de s’assumer comme telle, puisqu’elle continue de se camoufler derrière de rassurants mantras – «parti de gouvernement», «crédibilité», «responsabilité»…

Sous ces apprêts de plus en plus jaunis, Eric Ciotti est aussi celui qui a importé à droite l’idée du «grand remplacement», défendue pendant la dernière primaire présidentielle de LR. C’est-à-dire qu’il assume de distinguer, y compris parmi les citoyens français, les blancs et les non-blancs : s’il dit le contraire, c’est qu’il n’a rien compris à la théorie dont il parlait. C’est asséné entre deux refrains sur la «France éternelle» et la «priorité nationale» : face au RN et à Reconquête, ça va marcher, c’est sûr…

Pendant ce temps, personne ne comprend rien au positionnement de LR à l’Assemblée, personne ne saurait en nommer la queue d’une idée neuve et, au fond, tout le monde ou presque se moque bien de ce parti et de ce qu’il pourrait devenir. Dimanche sur BFM, Ciotti a simplement confirmé que sa mission historique est de noyer sa famille politique dans le déshonneur, en plus de l’échec électoral.

 

par Thomas Legrand

publié le 26 novembre 2023 à 15h56
 

Vincent Bolloré est un industriel consciencieux. Pour être certain de bien vendre le produit qu’il est en train de concevoir, il faut préparer le marché, c’est-à-dire la société. Et ce produit, sans doute l’œuvre de sa vie, ne se fabrique pas dans une usine mais dans des salles de rédactions. Ce produit, c’est la guerre civile. Comment préparer la société ? Il faut la terrifier et dire que sur cette terre, tout le monde déteste tout le monde et qu’il faut se battre, non pas pour changer les raisons économiques, sociales, politiques de ce qui arrive, mais pour ce que l’on est et contre ce que les autres sont. Ce qui s’est passé sur les antennes et les colonnes des médias bollorisés, s’agissant de l’affaire de Crépol où le jeune Thomas a été tué en marge d’une fête, résume la façon de faire des artisans méthodiques de la guerre civile censée venir.

Alors que les «bals tragiques» ont toujours existé, les journalistes de CNews, du Journal du Dimanche version Geoffroy Lejeune et d’Europe 1 n’ont pas beaucoup travaillé. C’est-à-dire que leur antenne, leurs colonnes, ne se sont pas vraiment remplies de reportages ni d’enquêtes. Le summum de l’investigation du JDD, racontée en page 2 comme une épopée à la Bob Woodward, a constitué à retrouver les prénoms des agresseurs avant qu’ils ne soient rendus public. En réalité, sur tous les sujets, le temps d’antenne et le nombre de colonnes consacrées au reportage et à l’investigation sont infimes par rapport aux commentaires des polémistes. Dans le JDD de ce dimanche 26 novembre, sur quatre pages consacrées à l’affaire de Crépol, une seule est le fait d’envoyés spéciaux, juste pour couvrir la marche silencieuse. La presse Bolloré n’est pas tant une presse d’extrême droite qu’une presse sans journalisme. L’unique page (p. 21) sur la situation en Israël et Palestine est écrite de Paris. Le secret, c’est d’éviter de faire des reportages car en plus cela permet de faire des économies sur l’info.

 

Journalisme assis et fabrique de la réalité

Résultat, de Cyril Hanouna sur C8 qui ne fait que commenter l’actualité avec ses chroniqueurs tétanisés par le comportement de chef de bande mafieux de leur star, à CNews qui multiplie les plateaux d’experts identitaires ou de «philosophes» déclinistes, en passant par le JDD, qui reprend tout ce beau monde pour coucher les analyses de la semaine sur le papier du dimanche, rien n’est fait pour décrire la réalité. Tout est fait, en revanche, pour décréter que la réalité décrite par les autres médias, ceux qui se donnent la peine d’aller sur place, est fabriquée par la bien-pensance et le politiquement correct. L’armée de chroniqueurs vulgaires et incultes de C8, de polémistes polarisateurs et hâbleurs de CNews et de journalistes assis du JDD, s’applique à dessiner ce que les Américains appellent une «big picture» de la société, telle que la seule solution soit l’avènement d’un régime autoritaire ou de la guerre civile… ou les deux.

Les faits divers sont des faits de société. Décider de les traiter comme tels c’est, normalement, aller sur le terrain, comprendre et documenter le déroulé des évènements, se rendre compte du contexte, de la situation sociale du lieu, de son histoire. La question du rapport entre les cités et les campagnes alentour est bien mieux racontée par les reporters qui ont le temps et les moyens d’aller sur place et d’éprouver, physiquement, sensoriellement, émotivement mais d’abord avec leurs méthodes rationnelles du métier de journaliste. Ils ne tentent pas, au premier chef, d’appréhender le fait divers pour ce qu’il pourrait apporter comme eau au moulin de l’orientation politique de leur journal. Il ne s’agit pas de dire qu’un reporter de Libération ou du Figaro regardera les faits sous le même angle, mais ils en donneront une épaisseur factuelle et contextuelle qui éclairera leur complexité.

Intégriste pour intégriste

La confrontation de jeunes issus de groupes sociaux ou éthiques différents, cela arrive tous les week-ends dans toute la France et ça ne décrit pas une situation globale identique. Ecouter les reporters des autres chaînes d’info ou des radios, publiques ou privées, c’est toujours, même quand c’est orienté, une source de dépolarisation utile. La presse Bolloré plaque son regard, avant tout xénophobe et anti-musulman, non seulement sur le choix de ses sujets, mais sur n’importe quel sujet : d’un bal tragique aux punaises de lits. Le comble c’est que cette presse, sans quasiment aucun journaliste de terrain, passe son temps à désigner le reste de la profession comme étant celle d’une gauche déracinée, hors sol, germanopratine, enfermée dans sa bulle boboïsée. Vincent Bolloré est le promoteur de la guerre de civilisation. Il partage ce projet avec les islamistes radicaux qui doivent adorer l’effet qu’ils escomptaient bien produire, se réaliser avec la complicité d’un catholique, comme eux, intégriste. Vincent Bolloré est un danger identitaire pour la France.

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