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12 janvier 2023 4 12 /01 /janvier /2023 16:32

Israël : les fanatiques au pouvoir

Le nouveau gouvernement israélien ? C’est la cour des miracles. Pour revenir au pouvoir quel qu’en soit le prix, Benyamin Netanyahou a passé alliance avec tout ce que la droite israélienne compte d’extrémistes exaltés : suprémacistes juifs, rabbins illuminés, religieux fanatiques, racistes à peine déguisés, partisans du « Grand Israël » et de la colonisation à outrance.

Premier projet de cet aréopage d’exagérés : retirer à la Cour Suprême le droit de bloquer les lois qui iraient çà l’encontre des valeurs fondatrices d’Israël. Une majorité simple suffira désormais à la Knesset pour amender la constitution dans le sens qui plaira à la nouvelle majorité. Devant cette atteinte manifeste aux principes de l’état de droit, lequel donne aux juges suprêmes le devoir et le pouvoir de préserver les principes démocratiques, l’opposition cherche à mobiliser la société civile et appelle à manifester. Aussitôt, Zvika Fogel, député du parti suprémaciste Otzma Yehudit (Force Juive), membre de la majorité, a demandé l’arrestation des quatre principaux leaders de l’opposition, dont Benny Gantz et Yair Lapid, anciens ministres et premiers ministres !

La bataille va donc se poursuivre, âpre, amère et peut-être violente. Ce glissement à l’extrême-droite de la classe politique – et de l’électorat israélien – pose désormais une question fondamentale : où sont passés les idéaux du sionisme ? Ben Gourion et les fondateurs de l’État voulaient une démocratie sociale exemplaire. Le Likoud, arrivé au pouvoir dans une seconde époque, prônait une politique conservatrice et sécuritaire, mais restait dans les limites de l’état de droit et d’une certaine laïcité. L’arrivée au pouvoir des partis religieux dans la roue de Netanyahou ouvre une troisième phase, qui inquiète – ou indigne – les défenseurs de la démocratie israélienne, dans le pays et à l’extérieur. Dans ce scénario, Israël se changerait en petit État nationaliste, identitaire et illibéral, niant tout droit des Palestiniens à l’autodétermination, foulant aux pieds ses principes d’origine et effaçant jusqu’au souvenir de Ben Gourion, Itzhak Rabin ou Shimon Peres…

 

Laurent Joffrin

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11 janvier 2023 3 11 /01 /janvier /2023 03:40

La (longue) citation en exergue, empruntée au sonnet 66 de Shakespeare, donne le ton : « (…) Lassée de voir qu’un homme intègre doit mendier / quand à côté de lui des nullités notoires / se vautrent dans le luxe et de l’amour du public ». Si l’énonciation shakespearienne au masculin passe au féminin chez Salvayre, demeure le décapage des vanités fausses et gloires baudruches. C’est à ce « continent » que s’attaque Lydie Salvayre « avec l’audace d’un Christophe Colomb » pour donner les clés de la réussite la plus éclatante. Comment mentir, écraser, monter, paraître, instrumentaliser et « être au top » ? vous saurez tout en lisant cet Irréfutable essai de successologie, que l’on peine à qualifier tant il est à la fois une parodie des manuels de bien-être et développement personnel — comme autant de déclinaisons d’un prêt à penser confortable — et une fresque décapante de notre monde comme il déraille.

L’essai irréfutable part d’un constat imparable : la réussite est la notion cardinale de notre présent, elle a supplanté l’art, la politique et les religions. Le succès permet d’échapper à tout — morale, critique, besoins — il est une « transsubstantiation », le Graal d’une époque soumise à une « transformation copernicienne des esprits », certes récente mais emportant tout système antérieur des valeurs ; nul n’est désormais besoin d’avoir du talent, contrairement aux préceptes classiques. Réussir, c’est devenir l’un des êtres d’influence dont Lydia Salvayre nous offre une série de portraits (avec « une profonde et sincère philanthropie »), l’une des divinités de notre nouvelle Olympe.

L’influenceuse bookstagrammeuse d’abord, au « potentiel érotique » inversement proportionnel à l’intelligence, qui enfonce les portes ouvertes des bons sentiments tout en plaçant produits sur produits et qui finit par publier un livre que ses followers s’arrachent. Dans cet opus voué à devenir un best-seller et à l’instar de Mallarmé (qui, Lydia Salvayre le rappelle avec à propos, « collabora activement à la première revue lifestyle française La Dernière Mode »), la star des réseaux partage ses secrets de beauté/réussite (deux volets indissociables, l’un crée l’autre). Et parfois, en story, notre bookstagrammeuse va jusqu’à parler livres, en Sainte-Beuve 2.0.

Passons sur l’homme influent — très utile pour comprendre comment la successologie, véritable « art », a remplacé le terme si absurdement négatif d’arrivisme — pour nous arrêter sur le portrait à facettes de l’écrivain. En effet le syntagme (au masculin de généralité) recouvre au moins huit espèces : l’écrivain confirmé, l’écrivain pamphlétaire, l’écrivain débutant, l’écrivain transfuge (ou intercalaire), l’écrivain engagé (ou à mèche), l’écrivain-homme politique, l’écrivaine féministe et l’écrivain stupide. Chaque croquis révèle un pan de la République des Lettres, visant juste (et féroce), jusqu’à l’auto-critique puisque le « je » de l’Essai se range dans l’une de ces catégories — on vous laisse découvrir laquelle — et qu’il ose même critiquer les critiques, à ses risques et périls et « contre <s>on intérêt, mais pour l’éclairement et l’instruction de «<s>es lecteurs fidèles ».

Après un portrait au vitriol des trois types de critiques, Lydie Salvayre énonce la règle d’or du succès : quel que soit le domaine, il ne s’agit pas d’être mais de paraître, et pour cela de savoir choisir ses amis, user du mensonge comme de la brosse à lustrer et reluire, être un expert des nouveaux liens que sont les réseaux sociaux. Tout autant caricature du care et des manuels de bien-être/bien-vivre/réussir/challenger/mourir — jusqu’à en épouser la forme avec maximes en gras, listes pour aller directement aux conseils clés — qu’hybride contemporain des Caractères et des Maximes, œuvres de ces moralistes qui, selon le mot de Nietzsche, ont déniaisé l’humanité, cet Irréfutable essai de successologie est une pochade cinglante dans laquelle chacun en prend pour son grade et qui invite, de fait, à « prendre le maquis ».

Lydie Salvayre, Irréfutable essai de successologie, éditions du Seuil, « Cadre rouge », janvier 2023, 176 p., 17 € 50

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6 janvier 2023 5 06 /01 /janvier /2023 10:23

Du Pain ! Le gouvernement s’est empressé de trouver des solutions pour les boulangers. Les 33 000 artisans du pain vont recevoir une lettre du ministre de l’Economie Bruno Le Maire qui détaillera toutes les aides auxquelles ils ont droit pour passer la crise. Ils vont pouvoir dénoncer, mesure exceptionnelle, les contrats abusifs passés avec certains fournisseurs. Bruno Le Maire sait la portée symbolique, et même le potentiel insurrectionnel que recèle une variation trop erratique du prix du pain. Le pain est l’aliment étalon, le mot générique de la capacité à vivre. On «gagne son pain», on «partage le pain» et depuis l’Evangile selon Saint Matthieu – «Prenez, mangez, ceci est mon corps» – le pain est même une nourriture sacrée. La modernité et la diversification gigantesque de l’offre alimentaire, au moins pour les pays développés, n’ont pas entamé la place politique et identitaire (en France) du pain. «S’ils n’ont plus de pain, qu’ils mangent de la brioche !» Ce mot apocryphe de Marie-Antoinette est considéré comme le point de départ de la Révolution. C’est-à-dire de ce que nous sommes collectivement.

Le «pain de l’égalité» en 1793

Le pouvoir s’est toujours intéressé au prix du pain et au marché des ingrédients qui compose cet aliment de base. Le Livre des métiers, paru en 1268, établit les premières règles qui encadrent la fabrication du pain : on y distingue le pain blanc et le pain noir, de qualité moindre mais moins cher. Les prix sont fixés. Et attention à l’autorité qui voudrait libéraliser le marché du pain ou de la farine. On sait maintenant que les émeutes de 1775 sont le fruit des mesures de liberté des prix des grains et céréales. La Convention impose en 1793 le pain unique, le «pain de l’égalité», principalement à base de froment. Ce serait aujourd’hui un pain céréales, vendu plus cher que le pain blanc, dans les boulangeries branchées des centres-villes. Il était composé d’un mélange de trois quarts de froment et d’un quart de seigle. Un boulanger qui ne proposait pas ce pain «complet» était passible de prison.

 

Depuis, le prix du pain a toujours été au moins encadré, formellement ou non. Bloqué après la guerre jusqu’en 1978. Et sévèrement surveillé par diverses dispositions jusqu’en 1987. Aujourd’hui il est libre mais ne varie pas beaucoup en boulangerie. Michel-Edouard Leclerc avait fait scandale en proposant une baguette à moins de 30 centimes en début d’année dernière. Mais au-delà du pain, c’est le boulanger qui est devenu un symbole et un repère. Alors que dans la réalité quotidienne il y a plus de pain vendu en grande surface qu’en boulangerie, cet artisan, sa place dans les villes et les villages, est l’un des marqueurs de l’art de vivre à la française. Il y a le boulanger – l’artisan – dont on sait qu’il se lève à 3 heures du matin. On peut parfois l’apercevoir à l’ouverture du magasin, la gueule enfarinée, fatigué. Il est l’un des derniers artisans qui fournit un produit dont on connaît et comprend encore la provenance. Il y a le boulanger – le commerçant –, parfois l’unique «bonjour» de la journée pour quelques vieux esseulés, qui reste encore une figure immuable.

Pain au chocolat

La boulangerie rythme nos vies, le pain au chocolat des enfants (la chocolatine dans le Sud-Ouest) est la récompense des premières années de scolarité. Dimanche prochain, c’est la galette, tradition chrétienne devenue habitude gourmande à partager. La boulangerie et ses produits sont des éléments rassurants, la survivance d’un monde de contact humain, de proximité, de qualité simple et abordable, bref de tout ce qui tend à disparaître. Voilà pourquoi il faut sauver les boulangeries, les chérir. Hors de question de se passer du pain chaud et de l’inimitable «en vous remerciant !» strident de la boulangère.

par Thomas Legrand

publié le 5 janvier 2023 à 8h00
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6 janvier 2023 5 06 /01 /janvier /2023 10:20

Chaque jour pendant trois mois, fin 2020, l’écrivain Yannick Haenel, lauréat du prix Médicis pour Tiens ferme ta couronne, a assisté au procès des attentats qui ont décimé la rédaction de Charlie Hebdo, le 7 janvier 2015, tuant douze personnes suivi de cinq autres peu après, à Montrouge et à l’Hyper Cacher de Montreuil. Chaque nuit, il a couché par écrit ces témoignages pour les restituer le lendemain sur le site et dans les pages du journal satirique. Huit ans et deux livres plus tard – Janvier 2015. Le procès avec le dessinateur François Boucq et Notre solitude (éditions Les Echappés), le procès terminé, quelle mémoire collective en reste-t-il ? De la confrontation aux paroles et à l’innommable, l’auteur, devenu chroniqueur pour Charlie peu après l’attentat, a tenté de tirer une ligne entre les rescapés et les morts – Charb, Cabu, Wolinski, Tignous, Elsa Cayat, Bernard Maris, Honoré et les autres – et de faire émerger, en parallèle de la vérité judiciaire, soldée par la condamnation de tous les accusés, une certaine vérité de la mémoire. Plus qu’à commémorer, il appelle à se remémorer ces noms, en continuant à penser, par le dessin et l’écriture, les fractures de la société française.

Quel sens revêt pour vous la commémoration, chaque année, de ces attentats ?

 

Même si je n’en attends rien et que je ne participe pas aux commémorations, ce rendez-vous avec un crime politique majeur est nécessaire pour ne pas oublier. Ma manière d’y être fidèle est de continuer à lire Charlie, et d’y écrire. Je ne lisais pas Charlie avant, mais ces jours de janvier – puis novembre – 2015 sont historiques. Il est bon de continuer à y penser et de se confronter intellectuellement à ce trou abyssal, car au fond, ces crimes font plus que tuer les gens. Ils touchent un point irréconciliable de la société française. Tout ce qui n’est pas traité politiquement se transforme en crime ou en tyrannie à un moment donné, c’est la leçon de l’histoire. Commémorer sert à remettre ces questions sur le tapis, sans cesse. Et c’est de cela que témoigne Charlie.

Que représente cet attentat dans la mémoire collective, huit ans après ?

Ce nom, devenu un symbole après les attentats, est le lieu de beaucoup d’ambiguïtés. Peu de gens lisent et savent ce qui s’écrit à Charlie qui pâtit d’une image, même dans une partie du milieu intellectuel, presque réactionnaire. Mais la lutte contre le fanatisme et le racisme par le rire, historique à gauche, n’a rien à voir avec l’islamophobie. L’héritage de ces journées, qui avait fédéré la France, s’est étiolé. J’en veux pour preuve l’absence relative de réaction collective forte suite à la tentative d’assassinat de Salman Rushdie. C’est dû sans doute, en France, à une peur croissante de diviser encore plus politiquement la société sur la question de l’islam radical. L’héritage des attentats, qui aurait dû faire fleurir la réflexion sur le fanatisme et ce qui nous relie, a failli. Les procès de Charlie, du 13 Novembre ou de Nice – très peu suivi – semblent s’accompagner d’une volonté d’oubli, organisée par la société elle-même.

Le procès, que vous avez chroniqué jour après jour pour Charlie, a-t-il permis de mieux comprendre ce qui s’était passé ?

En un sens, oui. Cette expérience a été pour moi vertigineuse. Avant lui, j’écrivais dans Charlie par acquiescement ému, reconnaissance de ce qui était arrivé à ces journalistes. Le procès a déplié ce que ces crimes avaient de politique – car c’est ce qu’ils étaient. En éprouvant cette justice et en écoutant les nombreux témoignages, j’ai pu mesurer ce qui s’était passé, tant sur la scène des crimes qu’en matière de malentendus irréconciliables, qui continuent de déchirer la société française, de la petite délinquance de banlieue au grand banditisme instrumentalisé au plan international. Le procès a été une longue tentative de compréhension du mal.

Comment, en tant qu’écrivain, avez-vous contribué à cette vérité de la mémoire, en parallèle de la vérité judiciaire ?

Je suis devenu le témoin de tous les témoins, et ça a changé ma vie. Publiant chaque matin sur le site du journal, je passais mes nuits à écrire, à chaud, et j’étais lu par ceux-là mêmes, mes camarades, qui témoignaient. Ce que j’écrivais n’allait pas toujours dans le sens de ce que les journalistes avaient envie de penser. Leur quête de la vérité était percutée par le dégoût devant le festival des dissimulations – attendues – des accusés. Je les décrivais avec sévérité, et parfois avec empathie. Par exemple j’ai été choqué dès les premières minutes par ces cages en Plexiglas dans lesquelles ces présumés innocents étaient enfermés, exhibés. Elles me semblaient inhumaines et injustes.

Quasi-partie civile comme membre du journal, je me suis jeté à corps perdu dans la retranscription la plus exhaustive possible des paroles, tentant en parallèle de méditer à leur sens. J’étais obsédé par ces paroles fondamentales et contradictoires qui font la beauté de la justice, et j’avais terriblement peur qu’elles soient oubliées donc je notais tout. Il y avait une forme de beauté à se retrouver tous là, au cœur d’un déchiffrement multiple, d’une glose permanente, sans excuser mais pour renouer les fils. J’ai tenté de réunir les vivants et les morts. La justice est le seul lieu, avec le langage, où les deux s’enchevêtrent et sont coprésents. On invoque les disparus, or parler des morts les rend immortels. Ils sont comme rendus à la vie vivante de la mémoire. Comme dans l’amour, ou la poésie.

L’essence de l’écriture, n’est-ce pas aussi cette défense de la parole et de la pensée, contre le nihilisme ?

Les enjeux que ce procès a suscités relèvent de l’herméneutique, d’un déchiffrement passionné de l’existence, d’une plongée dans ce qui peut se dire de plus complexe et innommable. Je me rappelle du témoignage de Zarie Sibony, la caissière de l’Hyper Cacher, qui a duré le même temps qu’a duré la prise d’otages. Cette correspondance m’a frappé, comme si son témoignage remplissait le néant qui était à l’œuvre ce jour-là. Il ramenait à nous la proximité avec la mort et ces revendications injustifiables, tel Job dans la Bible, qui est «celui qui est venu pour nous dire». Il y avait là une épaisseur métaphysique. Ceux qui ont osé venir parler l’ont fait pour nous tous.

Comment comprendre justement ce «nous» mémoriel, contenu dans le titre de votre livre Notre solitude ?

La communauté de celles et ceux qui ont participé au procès est aussi celle, plus secrètement, de la société française qui a été attaquée dans son être profond. Je suis mélancolique de voir que cette communauté n’a rien d’autre à partager que cette solitude, comme si le lien ne se faisait pas vraiment. La simple addition des solitudes me semble tragique.

Cette mémoire a-t-elle permis de préserver davantage la liberté d’expression aujourd’hui ?

Je n’aime pas cette expression qui me semble trop facile et faible conceptuellement, car elle peut s’appliquer tant à Elon Musk, Donald Trump qu’aux intellectuels iraniens bâillonnés. En étant instrumentalisée par toutes sortes de personnes qui en font un alibi, la liberté d’expression ne fait que faiblir. Charlie l’utilise de façon circonscrite pour désigner l’ironisation des valeurs, notamment religieuses, qui relève davantage de la laïcité. La confusion sur ce point s’est aggravée à mon sens. Dans les écoles, les professeurs craignent l’enseignement civique, surtout depuis l’assassinat de Samuel Paty, que nous avons vécu durant le procès.

Pourquoi avoir rejoint Charlie Hebdo comme chroniqueur après la tuerie ?

Dans cette rédaction, joyeuse et mélancolique, une défense tenace des valeurs de gauche se perpétue, envers et contre tout : l’écologie, la critique du libéralisme, une manière de rire du fanatisme. J’aime Charlie de cette manière, nietzschéenne, comme quelque chose qu’on ne peut pas prendre au sérieux si l’on n’en a pas d’abord ri. Ces journalistes ne sont pas une bande d’anticléricaux n’attendant que de bouffer du curé. Ma position y est d’ailleurs paradoxale, car je suis traversé par le sacré. Charlie est un miroir crispé de ce qui fâche au sein de la société française.

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22 décembre 2022 4 22 /12 /décembre /2022 18:30

par Thomas Legrand

publié aujourd'hui à 8h30
 

«Il fallait rétablir l’ordre, l’ordre a été rétabli.» Mercredi 21 décembre, dans la matinale de RTL, Didier Lallement, ancien préfet de police de Paris et aujourd’hui secrétaire général de la Mer, s’est félicité de sa gestion du mouvement des gilets jaunes. Cette phrase, un classique de la vulgate d’autorité, indique, par sa tournure et l’aplomb avec laquelle elle est prononcée, que les éborgnés, les estropiés en nombre, qui constituent le bilan peu glorieux de cette crise, passent au second plan. Ce qui compte c’est l’ordre. L’ordre comme but et non comme moyen. Cette dérive est le résultat d’une incapacité, de la part de la police et de ses chefs, d’adapter la doctrine du maintien de l’ordre aux nouvelles formes de manifestations, plus erratiques, moins prévisibles.

Pression hiérarchique

La faiblesse des corps intermédiaires (syndicats, partis politiques), ces instruments de raffinage de la colère populaire brute, s’était cruellement fait ressentir en 2018. Dès lors, le cadre classique des manifestations avec déclaration en préfecture, parcours négocié entre les pouvoirs publics et les organisateurs, canalisation du cortège par un service d’ordre syndical structuré, n’est plus de mise. Le maintien de l’ordre, dans ces conditions est plus compliqué. La doctrine classique, de la mise à distance des manifestants par le simple lacrymogène ou le canon à eau ne suffit plus. D’autres pays, comme l’Allemagne, ont su faire évoluer leur doctrine pour éviter d’en arriver à cette course aux armements, cette «robocopisation» policière française qui installe la moindre manifestation dans une ambiance, a priori, d’affrontement inévitable. L’info-continue et le commentaire permanent des réseaux sociaux empêchent l’autonomie de la prise de décision de terrain.

 

Un officier de gendarmerie ou des CRS peut décider de laisser une poubelle brûler en fin de manif, jugeant que faire charger ses hommes pour une poubelle risquerait de créer plus de trouble à l’ordre public que de laisser ce feu bénin s’éteindre de lui-même. La tolérance à un minimum de bordel, inhérent à une manifestation populaire, n’existe plus à partir du moment où la poubelle est aussi en feu, en direct et sous tous les angles, sur toutes les chaînes d’infos, donc dans tous les ministères. La pression hiérarchique qui s’abat sur les policiers de terrain, depuis les bureaux ministériels dans lesquels plusieurs écrans diffusent les trois chaînes d’infos continues, sera telle que les CRS finiront par charger, ou par tirer des flashballs pour sauver la poubelle. La police se retrouvera en position de tir, geste symbolique terrible qui rompt avec l’idée de l’ordre républicain, selon laquelle on ne tire pas sur la foule.

La pente autoritaire

Cette rupture alimentera inévitablement l’agressivité des manifestants, leur acrimonie envers les forces de l’ordre et donc la violence. Le cycle est ainsi alimenté. L’idée n’est plus de chercher la désescalade, ni de contenir la violence, mais de la contrer par des actes dissuasifs qui donnent à la scène une allure de guerre civile, entre policiers sur-harnachés et surarmées et manifestants équipés pour la bataille, chacun se filmant, chacun se masquant. Les propos du préfet Lallement, comme ceux du ministre de l’Intérieur, Gerald Darmanin, ne font qu’accompagner l’évolution qui a transformé les «gardiens de la paix» en «forces de l’ordre». Les mots parlent d’eux-mêmes. Un schéma national du maintien de l’ordre a pourtant été publié en 2021. Une prise de conscience semblait avoir été entamée. On pouvait y lire que les stratégies de nasse seraient encadrées, qu’une plus grande transparence de l’action de la police serait envisagée. Mais il n’était toujours pas question de supprimer les LBD.

A entendre aujourd’hui le préfet Lallement, on est en droit de craindre qu’aucune remise en cause, aucun questionnement sur la doctrine de maintien de l’ordre n’est sérieusement envisagé. L’ordre reste le but en lieu et place de la paix. Et quand un moyen devient le but, c’est que le politique, affaibli, glisse dangereusement sur la pente autoritaire. Il n’est pas question de dire ici que nous sommes sous l’empire d’un pouvoir autoritaire, simplement de s’inquiéter de la pente, de l’habitude prise… en prévision de ce qu’il adviendrait avec d’autres majorités, pour qui l’ordre est intrinsèquement le but suprême.

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6 décembre 2022 2 06 /12 /décembre /2022 15:24
ANTIRACISME : MACRON SE MOQUE DU MONDE
«L'histoire alerte le présent» s'est exclamé Emmanuel Macron sur les réseau sociaux, évoquant «l'escalade de haine» et alertant sur la «montée de la xénophobie et de l’antisémitisme». Le président a appelé à tendre «l’oreille aux résurgences du racisme». Un discours grandiloquent à l'occasion d'une visite au Camp des Milles à Aix en Provence, un lieu qui a servi de camp d'internement des étrangers avant la seconde guerre mondiale, puis de camp pour les «indésirables» sous Vichy, et enfin de camp visant à déporter les juifs dans le cadre du génocide nazi. De qui se moque Macron ? Comment peut-il fait un rappel historique contre le racisme ? Pour mémoire, voici son palmarès :
➡️Novembre 2018 : Macron déclare que Pétain était un «grand soldat », réhabilitant le dictateur collaborationniste, responsable de la rafle et de la déportation de dizaines de milliers de juifs, et de la torture et de l'exécution de milliers de résistants.
➡️30 octobre 2019 : Macron invite dans son avion personnel des journalistes d’extrême droite : il accorde à l’hebdomadaire Valeurs Actuelles une interview exclusive. Lors de la discussion, il se lâche complètement, et sort des réflexions clairement Lepénistes. L’Élysée tente de rattraper le coup, mais les faits sont là : Macron reprend les idées de l’extrême droite, et choisit de leur offrir un coup de projecteur phénoménal.
➡️Novembre 2019 : l’ancien dirigeant de l’Action Française Elie Hatem, nostalgique de Pétain et de la collaboration, adepte de Charles Maurras et de «l’antisémitisme d’État» est reçu en grande pompe à l’Élysée. Le militant pétainiste fait même un selfie avec le président et sa femme.
➡️11 février 2020 : Macron intervient devant les députés de son pari. Il reprend tout le lexique du Front National, «immigration», «insécurité», «séparatisme». Pour appuyer la démonstration, il reprend à son compte une théorie de Charles Maurras, militant royaliste et pétainiste et dirigeant de l’Action Française : la distinction entre «pays légal» et «pays réel». Une référence à peine voilée à l’extrême droite la plus réactionnaire.
➡️1er Mai 2020 : Macron appelle pendant 45 minutes le chroniqueur d’extrême droite Zemmour, auteur de multiples discours racistes et condamné pour «provocation à la haine raciale», pour le «soutenir». Macron n’a jamais appelé un soignants malades du COVID faute de protection, ni une victime de violences policières, ni une personnes subissant la brutalité de ses politiques. Non, le président choisit de « soutenir » un idéologue fasciste, parce qu’il a été insulté dans la rue.
➡️ Durant la campagne présidentielle 2022, le Ministre de l’Intérieur trouve Marine Le Pen «un peu molle» vis à vis des musulmans.
➡️ Après les législatives, le Ministre de la Justice de Macron appelle à «avancer ensemble» avec le Rassemblement National.
➡️ Des députés assument de «discuter» avec l’extrême droite pour trouver des majorités. Ce qui a été fait : les macronistes et l’extrême droite ont voté ensemble régulièrement, par exemple pour empêcher la hausse des salaires, la taxations des grandes fortunes ou pour imposer des mesures sécuritaires… Ils voteront ensemble les mesures anti-immigration du gouvernement.
➡️En septembre 2022, la présidente de l’Assemblée Nationale elle-même sanctionnait une députée de sa propre majorité parce qu’elle avait dénoncé la xénophobie du RN !
➡️ Les députés de la majorité ont tranquillement joué au foot avec ceux du RN, devant les médias, officialisant la normalisation du parti.
➡️Octobre 2022, Macron se précipite à Rome pour féliciter la gagnante des élections italiennes : la néofasciste Giorgia Meloni, nostalgique de Mussolini.
➡️Novembre 2022, le ministre de l'Intérieur surfant sur un fait divers atroce, appelait à «rendre la vie impossible» pour les migrants.
Les managers autoritaires qui gouvernent instrumentalisent et salissent tout, sans aucune retenue. Y compris le combat contre le racisme. En utilisant le double discours permanent, le pouvoir organise une confusion politique totale et le nihilisme, terreau fertile au retour du pire.
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2 décembre 2022 5 02 /12 /décembre /2022 19:41

Onfray-Houellebecq : philosophie de l'incontinence

 

Le Figaro s’esbaudit, France Inter s’indigne, la fachosphère est au bord de l’orgasme, Eugénie Bastié, jeune réac qu’on a vue plus subtile, crie au génie :  dans sa revue populiste-chic, Michel Onfray dialogue avec Michel Houellebecq.

Lecture éprouvante, à vrai dire : dans le style café du commerce pour crânes rasés, les deux gourous de l’extrême-droite enfilent les perles brunes sur plus de trente pages, alignant les clichés les plus éculés de la pensée antimoderne, tels qu’on pouvait les lire chez Joseph Maistre dans une langue autrement choisie, chez Bainville ou Maurras avec une autre profondeur historique, chez Alain de Benoist avec une érudition nettement plus maligne et qu’on retrouve chaque semaine dans Valeurs Actuelles. Rendez-nous Finkielkraut !

Fil conducteur de l’entretien, rabâché phrase après phrase : les démocraties sont en pleine décadence, la liberté conduit à la dissolution des identités, l’individualisme a tué tout esprit collectif, la civilisation occidentale rampe dans la veulerie et l’aveuglement, il est temps de retrouver la virilité d’antan, l’autorité salutaire, les traditions salvatrices. Les démocraties produisent des individus décérébrés, abîmés dans un hédonisme émollient, shootés à l’écologie et au wokisme, incapables de mourir pour leur pays ou leurs valeurs. L’Europe asservit les peuples, annule toute souveraineté nationale et enferme la civilisation chrétienne dans un athéisme consumériste qui annihile sa capacité de résistance aux assauts de l’islam, religion conquérante et masculine qui donne un sens à la vie et va inéluctablement prendre le pouvoir.

Il fallait fusiller De Gaulle en 1962, dit Houellebecq, ce qu’Onfray trouve un peu excessif, ou rétablir la peine de mort, ce que le même Onfray discute avec gravité. Les deux se retrouvent pour vouer aux gémonies l’Union européenne, dont il faut sortir au plus vite. « Nous allons vers la guerre civile » (contre les musulmans), dit Houellebecq. « Elle a déjà commencé » répond Onfray. Le reste à l’avenant.  

Pendant ce temps-là, dans la vraie vie, une démocratie pro-européenne « décadente » tient en échec l’invasion virile d’une Russie beaucoup plus puissante ; les Ukrainiens, en principe gagnés à l’hédonisme européen, se battent avec plus de courage que les soldats russes appuyés sur la tradition et l’identité. De cette réfutation par le fait, il n’est évidemment pas question dans ce dialogue au-delà de la droite, sinon pour suggérer que Poutine n’a pas tout à fait tort de vouloir rétablir l’empire russe.

Houellebecq, dans Soumission, avait prévu la victoire d’un candidat musulman en 2022. Oups… Il n’y a pas eu de candidat musulman, pas plus que de parti pour le soutenir.       Mais qu’importe la réalité aux yeux de ces adeptes de l’incontinence verbale : l’essentiel est d’ânonner le catéchisme zemmourien, assaisonné de quelques provocations supplémentaires destinées à faire le buzz. On garde le meilleur pour la fin : les deux compères font un éloge ému de la Grande-Bretagne, seul pays à s’être extrait du piège européen. Chacun peut en effet le constater : le Brexit est une brillante réussite…

L.JOFFRIN

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1 décembre 2022 4 01 /12 /décembre /2022 16:14
UN AUTOMNE EN MACRONIE
L'opération de destruction en cours va tellement vite et les scandales sont tellement nombreux qu'on a vite fait de les oubliers, d'être sidéré. Rappel de l'ultra-violence du gouvernement ces dernières semaines :
mortalité infantile en hausse et tri des enfants à l'hôpital sur fond d'épidémie de bronchiolite
49-3 utilisé 7 fois en 42 jours pour passer sans vote au Parlement
Explosion de l'inflation : la plupart des denrées vitales ont pris entre 10 et 20% en quelques mois
Annonce d'un recul de l'âge de la Retraite à 65 ans, probablement par 49-3 dans les prochains jours
Réduction de 25% de la durée d'indemnisation des chômeurs
Affaires MC Kinsey, Kohler, Cayeux ...
Crimes policiers toujours plus nombreux
15 milliards d'euros en plus pour la police
Loi anti-squat et anti-réfugiés
Salles de classes non chauffées dans les écoles : 12°C dans certaines maternelles
Vers des pénuries d'électricité cet hiver
Ils auront bientôt tout saccagé. Stop ou encore ?
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30 novembre 2022 3 30 /11 /novembre /2022 00:52
«ANTIFA», LA FNAC RÉTROPÉDALE : ITINÉRAIRE D'UN (NOUVEL) EMBALLEMENT D’EXTRÊME DROITE
C'est le but contre son camp de la semaine. Il y a trois jours, le député d'extrême droite Grégoire de Fournas diffamait le jeu « Antifa » sur twitter. Peu après, un syndicat policier, d'extrême droite lui aussi, invectivait la FNAC qui commercialisait le jeu. La chaine Cnews s'emparait de l'affaire. Quelques heures plus tard, il était retiré des rayons : la FNAC se soumettait. 48H de polémiques et de bad buzz plus tard, l'entreprise annonce qu'elle remet en vente le jeu, le député avoue qu'il a raconté n'importe quoi, et le syndicat policier prétend qu'il est « apolitique » pour éviter de se ridiculiser. Et en prime, le jeu « Antifa » a été pris d'assaut : il est en rupture de stock suite à cette publicité inattendue. Tout est bien qui finit bien ? Pas vraiment. Analyse.
⚫La dérive de la FNAC
L'entreprise a publié un communiqué vaseux mardi 29 novembre, des explications auxquelles personnes ne peut croire. Elle prétend qu'elle ne « connaissait pas le contenu » du jeu, qu'elle l'a retiré « à titre de précaution », et qu'elle l'a finalement remis en rayon car il ne comporte rien « d'interdit par la loi ». Pourtant il y a deux jours, les communicants de la FNAC parlaient de « jeu » entre guillemets, retiré des rayons « dans les prochaines heures » après le signalement d'un syndicat policier. La FNAC s'est soumise à des fascistes et des policiers mythomanes et se retrouve obligée de rétropédaler, pour maintenir une image pas trop déplorable. Mais cet événement est révélateur à plus d'un titre, sur la fascisation de la société.
Les fondateurs de la firme, après la guerre, étaient Max Théret et André Essel. Deux anciens résistants, militants marxistes qui ont participé à la création des Jeunesses socialistes révolutionnaires. Ils ont fondé la FNAC pour « démocratiser les produits culturels ». C'était donc, littéralement, des « antifas ». 70 ans plus tard, l'entreprise vend des livres d'extrême droite mais est prêts à censurer un jeu antifasciste à la moindre injonction. Les temps changent.
⚫Comment l'extrême droite impose ses obsessions
Un bouffon raciste comme Grégoire de Fournas devrait être couvert de honte, oublié dans les poubelles de l'histoire, évidemment pas pris au sérieux, surtout après avoir hurlé « qu'il retourne en Afrique » en plein Parlement . Et pourtant. C'est lui qui a lancé une campagne qui a porté ses fruits.
Cet emballement est révélateur. En France, l'extrême droite dispose de puissants relais, notamment des chaînes de télé, qui lui permettent de dicter son agenda. On le voit tous les jours : les mouvements sociaux ne sont traités que sous l'angle d'une « menace d'ultra-gauche », on parle de « wokisme » ou d'islamogauchisme, la fachosphère crée ses propres « polémiques » : une séance de karting en prison, un fait divers, des fake news sur un couple délogé par des squatteurs ... « L'insécurité » et l'Islam sont devenus des obsessions nationales, et la police une nouvelle religion d'Etat. En général, ces emballements finissent par se dégonfler. On le voit avec l'affaire de la FNAC. Les mensonges finissent par être démentis. Mais le mal est fait. Ce qui a été imprimé dans les millions de cerveaux, c'est le lexique et les idées d'extrême droite. A la longue, ça fonctionne.
⚫Comment l'antifascisme est-il devenu une insulte ?
Après-guerre, tout le monde était antifasciste, ou du moins, après l'épisode tragique du nazisme et du pétainisme, il était très difficile d'assumer encore des idées d'extrême droite. Dans les années 1970, quand le FN se lance en politique, il récolte moins de 1% des voix. La médiatisation de Jean-Marie Le Pen à la télé dans les années 1980 et les trahisons répétées de la gauche vont le faire monter de façon fulgurante. Mais en 2002, des millions de personnes sont dans la rues contre Le Pen. Même Chirac refuse de débattre avec lui au second tour. Il est encore admis, y compris par les syndicats, qu'il faut empêcher les racistes de s'exprimer, et attaquer leurs meetings. L'antifascisme est encore ultra-majoritaire, consensuel. Dix ans de Sarkozysme et de Hollandisme vont banaliser l'extrême droite comme jamais. En 2013, des centaines de milliers d'homophobes manifestent contre le mariage entre personne du même sexe. Il y a peu de réactions après la mort du jeune Clément Méric, tabassé par une brute néo-nazie. Pire, une partie des médias reprend les mensonges de l'extrême droite, transformant la victime en coupable. Le mot « antifa » prend peu à peu un sens péjoratif, il devient synonyme de « groupuscule violent », de « mal », de « danger ». A présent, s'opposer au racisme est même qualifié de « séparatisme ». C'est un vrai tour de force, une vraie inversion des valeurs. Car en principe, celles et ceux qui ne sont pas fascistes sont, par définition, antifascistes.
En 2022, les nostalgique du pétainisme disposent de puissantes chaines de télé, de généreux mécènes et des dizaines d'élus ai Parlement. C'est ainsi qu'ils peuvent, avec leurs relais policiers, faire censurer un jeu, une expression, diaboliser leur opposition.
Nous sommes donc tombés lentement mais sûrement dans l'obscurité. En 50 ans, l'extrême droite a conquis l'hégémonie culturelle, colonisé les médias, imposé ses idées dans tout le champ politique. Mais il ne tient qu'à nous de contre attaquer. Ce n'est pas à notre camp d'avoir peur ni d'avoir honte. Nous n'avons pas à nous excuser ni à adapter nos discours et nos pratiques aux attentes de nos ennemis. L'avenir est à nous, pas aux promoteurs de régimes mortifères ni aux adeptes de la violence raciste et autoritaire.
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28 novembre 2022 1 28 /11 /novembre /2022 23:31
MEGABASSINES : JUSTICE D'EXCEPTION
– Les autorités en guerre contre la défense de l'eau –
Le 29 octobre dernier, des milliers de personnes convergeaient à Sainte-Soline dans les Deux-Sèvres, contre un projet absurde, nuisible et coûteux. Une immense mégabassine, lac artificiel couvert de plastique sur plusieurs hectares, destinés à pomper l'eau de la nappe phréatique, un bien commun, pour une poignée de gros agriculteurs utilisant des pesticides. Alors que les épisodes de sécheresses se multiplient, ce projet scandaleux n'a pas été abandonné. Au contraire, la manifestation avait subit une répression féroce : 6 hélicoptères volant simultanément, 2500 gendarmes, des milliers de grenades tirées, des blessés graves. Cela n'était pas assez pour le gouvernement. Il fallait poursuivre la répression sur le plan judiciaire. Un procès avait lieu ce lundi 28 novembre à Niort. Une farce aussi grotesque qu'inquiétante.
🔵Une parodie de procès
L'audience devait démarrer à 14H, mais les avocats des 5 manifestants demandent un report : certains avocats sont absents, et l'un de prévenus, Robin n'a pu se déplacer. Il avait été gravement blessé par un tir de LBD dans la tête et arrêté à l’hôpital par les gendarmes. Robin a des séquelles, et ne pouvait donc pas assister au procès. Pourtant, le juge refuse le report : il veut juger un homme en son absence, absence causée par les blessures infligées par les forces de l'ordre. Du délire. Dans la salle, le juge donne « 5 minutes » à un avocat pour appeler ses confrères absents. Puis, comme un cadeau, juge finalement une autre affaire en attendant. Mais il s'acharne : il veut juger aujourd'hui.
Le déni de justice est total. Les prévenus et les avocats présents quittent la salle. Le jugement a donc lieu dans une salle vide, sans les accusés, entre magistrats ! Le juge mène une audience à charge, montre les images de « violences » des manifestants sans jamais parler des blessés causés par les gendarmes. Pire, aucun fait n'est reproché aux prévenus. C'est un « contexte » qui est évoqué : ils n'avaient pas à participer à la manifestation interdite. D'ailleurs, ils sont poursuivis pour « participation à un groupement en vu de commettre des violences ou dégradations de biens », pas pour un acte concret. On juge une intention : 5 personnes parmi 8000 autres, sans aucune preuve, condamnés pour l'exemple.
Des prises de paroles et un contre-procès ont donc eu lieu devant le tribunal. Pas question d'accorder moindre crédit à une cour prête à juger un absent blessé et des prévenus dont tous les avocats ne sont pas présents.
Dans la salle, le procureur demande une peine « d'avertissement » : 4 mois de prison avec sursis et une interdiction de séjour sur le territoire des Deux-Sèvres de 5 ans. Une condamnation politique : priver l'accès à des écologistes d'un territoire où se joue une lutte pour l'eau, pour de longues années
À audience expéditive, jugement expéditif, le juge rend sa décision dans la foulée. Ils suit les réquisitions du procureur. Pour deux prévenus 2 mois de sursis et 3 ans d’interdiction de séjour dans le département pendant 3 ans et 3 mois sursis pour les deux autres dont celui qui a été blessé
🔵Circulaire
Ce procès inique fait suite à une circulaire du gouvernement. Le Ministre de la justice Dupond-Moretti a expressément demandé au début du mois aux procureurs une « réponse pénale systématique et rapide » contre les anti-bassines. Indépendance de la justice vous dites ?
La circulaire envoyée le 9 novembre donnait des consignes aux magistrats concernant « le traitement judiciaire des infractions commises dans le cadre des contestations de projets d’aménagement du territoire ». Une guerre assumée pour les luttes écologistes. Le ministre demandait une « réponse pénale systématique et réactive » face aux « troubles graves à l’ordre public » et aux « atteintes aux forces de sécurité » lors des manifestations. Il réclamait l'usage systématique de comparutions immédiates, des procédures expéditives dans lesquelles les arrêtés ne peuvent préparer leur défense.
Il conseillait également, des « interdictions de paraître ou de participer aux manifestations » et des « interdiction de séjour dont la violation est sanctionnée d’une peine de deux ans d’emprisonnement. », et de mener des investigations poussées sur les opposants. Il paraît que la justice manque de moyens pour enquêter. Visiblement, pour persécuter les opposants, les moyens sont là.
🔵Ce procès de Niort est donc symbolique. En bons laquais les magistrats ont obéi à leur ministre. Mais cela n'entame en rien la détermination commune. Personne n'a été dupe du fonctionnement judiciaire. manifestants jugés comptent faire appel, et des dizaines de personnes étaient rassemblées en ce lundi frisquet pour les soutenir. La lutte continue.
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