La vérité du pouvoir de Macron est ensuite dans le triptyque suivant : contrôler, discriminer, réprimer. Ces trois actions propres à l’exercice d’un pouvoir autoritaire ont comme particularité, dans nos démocraties post-libérales, d’avancer masquées. Le masque du contrôle de masse sera l’application ludique sur un smartphone et la liberté illusoire qu’elle procure. Au passage elle fait perdre un droit fondamental – celui d’aller et venir - pour une liberté consentie par le législateur. Le masque de la discrimination sera le bon sens de la majorité et la tyrannie de l’égalité. Et celui de la répression sera l’exclusion des minoritaires. Comme l’objet du délit est l’infraction à la protection d’autrui face à une maladie potentiellement mortelle, la criminalisation des non-vaccinés est déjà là. Le non-vacciné devient à lui seul la maladie. Il sera le contagieux, le paria. En un mot : le Mal.
Enfin, la vérité ultime du pouvoir de Macron, peut-être son rêve le plus fou, son fantasme de démiurge – qui est en passe de se réaliser si la rue n’est pas en mesure de l’arrêter– est que les citoyens deviennent eux-mêmes les acteurs du contrôle, de la discrimination et pourquoi pas de la répression.
Macron, depuis le début de son mandat, est redoutable dans sa capacité à mettre en place les leviers de la servitude volontaire et de la division. Il a fait la guerre aux Gilets jaunes et aux plus pauvres, avec la violence que l’on sait, une violence inouïe - nous n'oublierons jamais cela. Une violence moins visible résulte de l’exercice de son pouvoir : instiller la confusion, provoquer la division, fragmenter la société en multipliant les conflits. Et quoi de mieux, pour exceller dans cet art, que de faire du peuple l’agent de sa servitude? Il reviendra aux cafetiers de trier leurs clients, aux patrons de fliquer leurs employés, aux soignants non vaccinés de démissionner alors que l'hôpital est exsangue, et aux proviseurs de tenir registre des élèves non-vaccinés afin de les mettre à distance chaque fois qu’un cas positif sera signalé dans une classe. Au passage, le passe sanitaire fonctionnera comme un destructeur de socialité en une période où nous n’avons jamais eu autant besoin de retisser des liens.
Il y a quelques mois encore, tout le monde s’accordait sur le fait qu’il était hors de question de dévoiler à un employeur ou à qui que ce soit, la situation vaccinale d’une personne. Aujourd’hui Macron, son gouvernement, le parlement, tous appuyés par le Conseil constitutionnel, instituent le viol permanent du secret médical. Aujourd’hui des milliers de salariés refusant de se vacciner, seront soumis non seulement à l’épée de Damoclès d’une suspension de contrat et d’un possible licenciement, mais aussi au jugement de leur hiérarchie et de leurs collègues, et possiblement à la vindicte publique dont on sait qu’elle fait des ravages sur les réseaux sociaux.
Macron, c’est la guerre permanente, la guerre injectée comme un virus mortel au sein du corps social. Le président-Jupiter brûle tout sur son passage. La répression du mouvement des Gilets jaunes et l’instrumentalisation de la crise sanitaire constitueront assurément les séquences politiques les plus marquantes de sa présidence.
Les derniers mois de ce quinquennat calamiteux pourraient être les plus dangereux pour nos libertés et ce qui subsiste d’une bien fragile paix civile. Les colères accumulées pendant l'un des plus puissants mouvements sociaux depuis l’après-guerre et la violence de la gestion politique de la pandémie sont sur le point de fusionner et pourraient provoquer une redoutable explosion sociale, spontanée et immaitrisable.
Pascal Maillard
On ne pourra pas continuer longtemps à « sauver la République » tous les cinq ans et avoisiner les 60% d’abstention le reste du temps. Nul besoin d’être anarchiste pour saisir que le rejet du suffrage ne dit pas rien. Il dit même tout l’inverse : en l’espace d’un demi-siècle, le taux d’abstention – aux législatives et aux municipales – a doublé. C’est, on le sait, chez les ouvriers qu’il culmine : les gueules cassées du libre-échange de droite comme de gauche. Le dégoût populaire l’emporte en des proportions telles que les scrutins finiront pas ressembler à des télé-crochets : un podium pour une poignée de votants. Ultime étape de la « démocratie » parlementaire sous ère néolibérale : l’Assemblée représentera un peuple qui n’entend plus qu’on le représente. Planter des écluses entre les ruines, c’est un peu court.
Que nous ne vivions pas en démocratie (il faut être éditorialiste pour prétendre le contraire) n’implique pas que nous vivions en dictature (il faut être éditorialiste pour croire que compter jusqu’à deux relève de la pensée) : car entre le pouvoir au peuple et la mise au cachot du moindre opposant, il est quelques échelons. Comme, par exemple, l’oligarchie capitaliste qui nous régente. Le régime macroniste mérite de s’écrouler en un bruit d’arbre mort ; c’est là une simple question d’hygiène – une toilette de chat, disons. Car l’essentiel est ailleurs : faire de la politique. C’est-à-dire sortir enfin du cadre.
En 2017, il fallait disposer d’une singulière candeur pour imaginer que le héraut du bloc bourgeois fût à même de « faire barrage » à la candidate fascisante-républicaine. En 2022, la candeur aura tout de la complicité active. Car, entre-temps, il y a eu deux ou trois choses – l’actualité chassant celle de la veille, sans doute n’est-il pas vain d’y revenir. Nous avons vu les mains arrachées d’Antoine, Frédéric, Ayhan, Gabriel ou Sébastien ; vu l’éborgnement de Jérôme, Gwendal, David, Patrick, Vanessa, Eddy, Franck, Alexandre ou Manuel ; vu la mâchoire éclatée de Sébastien, les os brisés de Laurence, le visage meurtri du petit Lilian et la plainte de sa mère classée sans suite ; vu la tête fracassée de Zineb Redouane et son assassin de policier couler des jours heureux ; vu des adolescents de Mantes-la-Jolie alignés contre un mur, genoux à terre, par ce qui n’était pas un régiment de soudards en opération impériale mais seulement les-dépositaires-de-l’autorité-publique, hilares pour l’occasion ; vu les trois gendarmes à l’origine de la mort d’Adama Traoré demeurés impunis ; vu les professeurs, les soignantes, les pompiers, les étudiants, les avocats, les photographes et les journalistes de terrain se faire matraquer et gazer. Le régime macroniste a cogné dans un débridé tel qu’il émut jusqu’à Erdoğan – L’Obs nous avait toutefois prévenu dès le mois d’avril 2017 : Macron incarne « à la fois un projet, un élan, un espoir de renouvellement ».
Nous avons vu Castaner et Darmanin, col éclatant, cravate sans pli, morgue de truands, nier l’entier des violences policières ; vu un chargé de mission de l’Élysée faire le coup de poing en manifestation ; vu Blanquer déclarer que les recherches intersectionnelles (qu’être une femme de ménage arabe entrave le champ des possibles, seul un ministre de l’Éducation nationale, doctorant en droit et fils d’avocat, ne peut l’entendre) ont partie liée avec le terrorisme islamiste ; vu Macron citer Maurras dans le texte – qui, on s’en souvient, appelait à fusiller Léon Blum d’une balle dans le dos – puis, huit mois plus tard, s’élever contre le « séparatisme islamiste », c’est-à-dire déclarer ouverte la chasse nationale aux musulmans, aux musulmanes et à tout ce qui s’apparente à quelque manifestation publique de foi islamique ; vu l’intellectuel organique du milliardaire Bolloré (plus connu sous le nom de Zemmour et le titre de multirécidiviste du paysage audiovisuel français) féliciter Darmanin au grand jour sur la portée « tout à fait positive » du projet de loi qui s’ensuivit.
Nous avons vu la construction quotidienne d’un ennemi intérieur à travers l’élaboration de ce projet – adopté en première lecture à l’Assemblée le mois dernier. Cet acte d’isoler, de séparer, de ségréguer au nom de l’inclusion dans la République atteste du refus historique de partager avec les descendants de l’immigration postcoloniale le même espace politique d’existence : chaque pan de ce texte en porte la marque. Il faut d’ailleurs voir Schiappa dans ses basses œuvres : « Je veux être claire : ce n’est pas moi qui risque l’excision, le mariage forcé ou la polygamie, car ce ne sont pas les coutumes qui existent dans la culture dans laquelle j’évolue. » C’est en ces termes que, dans un entretien au Point, la ministre déléguée auprès du ministre de l’Intérieur en a justifié le volet « féministe ». Un volet qui prévoit de lutter contre la polygamie, les mariages contraints et la délivrance de certificats de virginité – mauvaise pioche : le corpus législatif français le réprime et l’interdit déjà. Le macronisme prend les mots et leur arrache la peau : « révolution », « progrès », et maintenant « féminisme ». Pourfendre la lapidation imaginaire des femmes parfumées et trouver « si délicat » Darmanin, trafiquant bien réel en relation sexuelle : la signature Schiappa. Mettre au ban les femmes musulmanes du groupe des femmes au motif que les violences patriarcales qu’elles subissent bel et bien seraient propres à une culture, à une religion, et non à la transversalité du patriarcat lui-même : la signature Schiappa. Arguer d’une prétendue politique de protection gouvernementale pour mieux justifier le traitement inégalitaire de certaines femmes au nom des droits des femmes : la signature Schiappa.
Nous avons vu les efforts déployés par la camarilla gouvernementale pour construire de toutes pièces, encore et toujours, inlassablement, ce continuum de complicités allant de ce quelque chose que serait l’islam à cette autre chose que seraient les crimes et les massacres terroristes, en tout point atroces. Fût-ce au prix d’attenter à l’État de droit par la remise en cause des libertés fondamentales. Le principe de laïcité – voué, notamment, à garantir la neutralité du service public – se verra appliquer aux agents servant l’État bien que n’étant pas fonctionnaires. Quant aux associations régies par la loi de 1901, elles devront, elles, signer un « contrat d’engagement républicain » afin de pouvoir bénéficier de financements publics. À croire, au fond, que le groupe majoritaire est prêt à se priver de droits pourvu que les groupes minoritaires n’en bénéficient pas – à moins que nos « représentants » n’aient que faire de cette « démocratie » dont ils détricotent pas à pas les mailles essentielles, certains que, suivant la loi bien connue du plus fort, ils survivront aux troubles qu’ils vont semant. Une difficulté, pourtant, a surgi face à eux : car comment, dans le cadre d’un projet de loi se devant d’être général, parvenir à ne cibler qu’une partie spécifique de la population ? Comment affirmer, en discours, que tout un chacun est concerné, quand, en actes, ce ne sont que quelque-uns que l’on sait ciblés ? Il leur fallut troubler les eaux. Les représentants des autres cultes et des associations de parents d’élèves se sont alors plaints d’être injustement amalgamés… Amalgamés à qui ? À la minorité musulmane, bien sûr. Cela au point que, de tribunes bancales en discours plaintifs, la seule revendication déployée par les membres de cette frange éprouvée par quelques dégâts collatéraux a consisté à réclamer de ne pas être traitée comme ces musulmans qu’ils ne sont pas. « Erreur indifférentiste », s’est égosillée sans tarder la feuille de chou du fascisme gaulois – Valeurs actuelles, oui, où le gouvernement défile comme on va à confesse.
Tout ceci, nous l’avons vu. Comme nous avons vu la ferveur maccarthyste de Vidal, désireuse d’auditer le CNRS après que Macron avait confié dans l’isoloir, l’an passé : « Le monde universitaire a été coupable. Il a encouragé l’ethnicisation de la question sociale en pensant que c’était un bon filon. Or, le débouché ne peut être que sécessionniste. » Voici donc que le pays entier se met en tête de traquer l’« islamo-gauchisme » – du Figaro à CNews, on apprend qu’une « large majorité » des Français croit, tout pareil à Madame la ministre, que l’alliance politique entre charia et communisme des Conseils « gangrène la société et l’université ». On en rirait, si des travaux de recherche, des intellectuels et des militants ne se trouvaient pas cloués au pilori. Faut-il rappeler que les airs d’hégémonie prêtés à cet ensemble disparate de réflexions tiennent de la chimère et, plus encore, du cas d’école de complotisme ? Une étude établie sur une quinzaine de revues de sciences sociales rapporte ainsi : de 1960 à 2000, la question raciale n’occupe que 2% des publications ; de 2015 à 2020, 3%. On a bien lu.
Convier la force publique à ouvrir tous les boutons de sa chemise, monopoliser l’attention collective sur la minorité musulmane quand le pays compte dix millions de pauvres et saturer le champ médiatique de signifiants identitaires au lendemain du soulèvement social des gilets jaunes : il faut l’agilité d’esprit d’Amélie de Montchalin pour jurer que ça s’appelle « combattre le RN ». En manière d’obstruction, le régime macroniste a seulement préparé le terrain au parti de « la France en ordre ». Sa digue a tout d’un tapis roulant ; par suite : non sans une certaine joie, Le Pen fait savoir qu’elle aurait « pu signer » le livre de Darmanin (Le Séparatisme islamiste. Manifeste pour la laïcité), lequel Darmanin reproche à Le Pen (toutefois étourdie de se trouver ainsi doublée sur sa droite) d’être trop « dans la mollesse » et « pas assez dure » sitôt qu’il est affaire d’islam. Lutter contre les-ennemis-de-la-République en trouvant que les-ennemis-de-la-République manquent de fermeté : personne n’aurait pu l’inventer. C’était sans compter l’ingéniosité du gros potage « progressiste » qui remplit les têtes du pouvoir : pas vraiment de gauche, pas vraiment de droite, un peu d’« âme des peuples », un peu de « quête de transcendance » – et puis, surtout, ce qu’il faut de fric. Voilà qui flanque à la résistance une drôle de mine.
« Comme il est suave, Emmanuel. Et sexy », apprenait-on dans les colonnes du Monde en 2016. « Emmanuel Macron incarne la plus incroyable aventure politique de la Ve République », renchérissait L’Express quelques mois plus tard. Tout Paris eut pareillement des vapeurs ; on connaît la suite : « vote utile » et victoire sans socle [1] du candidat des cadres supérieurs et de la mondialisation chanceuse, puis des blindés dans les rues et le sang de ceux « qui ne sont rien » sur le goudron – les dents, les yeux, les mains, les mâchoires. Les crétins ont pour eux d’avancer sans pudeur : ils se plantent devant les phares et crient : « Alors, c’est Le Pen que vous voulez ! » Nous la voulons si peu que nous ne voulons plus de celui qui lui déblaie la route. Mais le chantage à la République ne tient plus : le RN se targue, chaque jour passant, d’être le principal défenseur de l’institution en question. Quand la presque totalité de l’espace politique s’agrège religieusement autour d’une seule et même notion, il est temps de prendre acte de sa déroute.
On ne pourra pas continuer longtemps à « sauver la République » tous les cinq ans et avoisiner les 60% d’abstention le reste du temps. Nul besoin d’être anarchiste pour saisir que le rejet du suffrage ne dit pas rien. Il dit même tout l’inverse : en l’espace d’un demi-siècle, le taux d’abstention – aux législatives et aux municipales – a doublé. C’est, on le sait, chez les ouvriers qu’il culmine : les gueules cassées du libre-échange de droite comme de gauche. Le dégoût populaire l’emporte en des proportions telles que les scrutins finiront pas ressembler à des télé-crochets : un podium pour une poignée de votants. Ultime étape de la « démocratie » parlementaire sous ère néolibérale : l’Assemblée représentera un peuple qui n’entend plus qu’on le représente. Planter des écluses entre les ruines, c’est un peu court.
Que nous ne vivions pas en démocratie (il faut être éditorialiste pour prétendre le contraire) n’implique pas que nous vivions en dictature (il faut être éditorialiste pour croire que compter jusqu’à deux relève de la pensée) : car entre le pouvoir au peuple et la mise au cachot du moindre opposant, il est quelques échelons. Comme, par exemple, l’oligarchie capitaliste qui nous régente. Le régime macroniste mérite de s’écrouler en un bruit d’arbre mort ; c’est là une simple question d’hygiène – une toilette de chat, disons. Car l’essentiel est ailleurs : faire de la politique. C’est-à-dire sortir enfin du cadre.
Longtemps, notre beau pays tempéré l’a cajolé en toute décontraction. Le Soleil était le petit prince des étés attendus et fêtés. Ce lion paresseux et débonnaire laissait doucement onduler sa crinière caressée par la brise de mer, tout à sa satisfaction de régner sans s’appesantir. Il était le pourvoyeur de bonheurs décolletés et d’ardeurs embuées. Il faisait mûrir melons dodus et abricots fendus, avant que ses cerises nous fassent des pendants d’oreilles. Il était certitude d’épis moissonnés et de farines légères au porte-monnaie. C’était avant que Poutine s’acharne à faucher en Ukraine le blé des libertés.
«Soleil», le mot laissait envisager vacances et insouciance, beaux jours et amours débutantes, marques de maillot et nuques rafraîchies avant d’entrer dans l’eau. C’est fini, l’astre du jour est désormais une pandémie d’une nature autrement sérieuse que le Covid-19. Ses canicules sont autant de vagues qui cognent contre les parapets branlants élevés à la diable par une humanité imprévoyante et prise de court. La malignité du bon bougre devenu satrape fourchu tient au fait que la périodicité de ses agressions n’est pas réglée comme le lunaire horaire des marées. Il peut frapper l’hiver, au point qu’on se réjouisse bêtement de la douceur infusée dans la tristesse des ciels. Mais quand il cogne au solstice de juin, la panique met la main au collet d’un Hexagone qui commence à admettre que la note va être salée quand l’acier des rails surchauffe et que les TGV, fierté nationale et aménageurs du territoire, doivent ralentir.
Les Hercule technicistes qui font la gloire de l’Occident voient leur optimisme transpirer à grosses gouttes. Et les développeurs durables dont je suis ne se portent pas mieux. Ils pariaient sur le génie créatif des bipèdes omnivores. Ils ne sont plus certains que la mutation pourra réussir. Car ce brave Soleil, bel ami à Ray Ban, Tom Cruise des années 80 dépensières, flambeuses et bronzées a giorno est en train de se révéler Top Gun destructeur, sinon adhérent suicidaire à l’ordre du Temple solaire. En face, se rengorgent les prophètes de malheur et les caïds du «j’vous l’avais bien dit !». En France, ils bouclent gris ou blond et préfèrent l’autocratisme décroissant au procédé électif. Il y a Aymeric Caron, 50 ans, procureur médiatique devenu député Nupes qui veut réserver le permis de voter aux éveillés ou Arthur Germain, 21 ans, fils d’Anne Hidalgo et capital nageur de Seine maternelle, qui met les bulletins à la poubelle.
Mais il est compliqué dans une société caféinée à l’instantané d’anticiper au long cours et de sortir du présentéisme. Le retour de la notion de planification est le signe que celle-ci avait… disparu. Surtout, la civilisation de l’accès pense que les compteurs peuvent toujours se remettre à zéro pour permettre aux éternels branleurs que nous sommes de recommencer la partie à l’infini. Sans compter que personne ne voit pourquoi le métavers ne pourrait être climatisé afin qu’y clignote l’autonomie ludique et dissociée.
Longtemps, le Soleil ne fut qu’un contestataire sympathique, qui pouvait juste pourrir la saison par sa défection ou planter des plumes dans le croupion des automnes indiens. La puissance et la gloire appartenaient à Louis XIV, le Roi-Soleil initial, et à ses descendants. L’Etat, c’était eux et ce fut nous aussi, tant la démocratie a rayonné jusqu’à ce qu’elle paraisse prête à s’éclipser, entre dégoût, désintérêt ou incurie des citoyens consommateurs. Plus négligents que fatigués, ils sont trop habitués à être livrés en temps et en heure sans jamais lever leurs fesses du sofa, pour faire autre chose que taper sur l’écran noir de leur convoitise et de leur indolence.
Il est presque mort le Soleil de la raison délibérative et de la délégation de pouvoir. La violence des débats, entre pugilats outrageux et hallalis funestes, n’est que le cri d’un mourant, si ce n’est la plainte d’un membre fantôme, abstention valant auto-amputation. Et cela ne va pas s’arranger si les humains qui pensaient en avoir fini avec les humeurs du ciel en redeviennent tributaires. Que se serait-il passé si dimanche 19 avait ressemblé à samedi 18, et si la canicule avait continué à crisper sa poigne de fer sur l’ensemble du pays ? Qui serait sorti sous le cagnard pour se traîner jusqu’à l’isoloir ? Les vieux croûtons de Macron ou les méchants jeunes de Mélenchon ? Est-ce que la sinistre déclaration de catastrophe naturelle aurait obligé à reporter le scrutin ?
Ironie de l’histoire, les Roi-Soleil républicains deviennent accessoires à l’heure où le Soleil roi impose son imperium, en Néron incendiaire. Ce chef du système qui porte son nom était censé donner la même couleur aux gens, simplement. Désormais, il les consigne à l’ombre et les cloître dans leur invisibilité numérique, loin des pales du ventilo démocratique qui ne semble plus brasser que du vide.
Luc le Vaillant
10 Avril 2022. Aujourd'hui je rentre en résistance. Jamais je ne pourrais voter au deuxième tour de l'élection présidentielle. Choisir entre la peste et le choléra, ce n'est pas possible.
13 Avril 2022. Ca y'est nous sommes en campagne pour le deuxième tour des élections présidentielles. C'est le moment des ralliements de dernière minute, des tractations pour espèrer un morceau du fromage, un ministère, une place de conseiller, de député; être dans l'équipe gagnante. Oubliées les insultes et positions d'opposition de la semaine dernière. Tout le monde veut en être, de cette nouvelle épopée de notre Jupiter de pacotille.
C'est le moment de choisir entre le fascisme d'état et le néolibéralisme esclavagiste.
Certes, l’époque est d’une violence telle que, dans tous les domaines, on semble réduit à des choix négatifs, à l’effort pour empêcher des catastrophes. Mais justement la catastrophe, ce n’est pas un risque, en un peu plus grand. C’est pire qu’un risque. C’est d’une autre nature, cela change tout. Luttons donc contre le pire, dans chaque domaine, pour l’éviter, dans tous les domaines. C’est le choix qui rend tous les autres possibles.
Le 1er mai 2002, il y a 20 ans, la place de la République était saturée de manifestants. Dans les 800 000 manifestants. J'étais prêt de la camionnette des jeunesses communistes et de celle de SOS Racisme, le 2ème tour des présidentielles opposait Jean-Marie Le Pen à Jacques Chirac.
Qu'en reste-t-il ? ...
2018 - 2019, fichage Hopsyweb des personnes admises en hospitalisations psychiatriques sans consentement tous cas de figure, 2019, croisement de ce fichage avec celui des fichés S pour cause de liens avec des visées terroristes ; stigmatisation néo - sarkozyste des personnes suivies ou ayant été suivies en milieu psychiatrique ; chasse aux sorcières parmi les personnels soignants ; les mouvement d'usagers alignés et neutralisés avec distribution de subsides, quelques carrières ouvertes, mais tout de même la parole se libère via l'internet ; carence constatée de la "démocratie sanitaire" à partir des confinements successifs ; carcéralisation des prises en charge ; réforme en traînant des pieds des décisions de maintien en isolement - contention en psychiatrie ; population handicapée placée résolument non prioritaire en réanimation durant les flambées de la pandémie de Covid 19 ; un peu plus de chasses aux fous et aux marginaux à travers le pays ; manifestants estropiés, éborgnés = > interdiction de fait de manifester ...
"Votez correct braves gens pour qui tiendra la matraque ces prochaines années..." ...
Allons bon !
André Bitton
Dans la soirée, une partie du paysage des années à venir sera connu, selon les alternatives dont les urnes auront décidé. D’un côté, le choix contraint – qu’on décide ou non de s’y plier – entre un néolibéralisme autoritaire et un nationalisme xénophobe, entre le mépris social érigé en programme de gouvernement et une phobie raciste comme fondement idéologique.
Ce qui adviendra dimanche ne nous empêchera pas de continuer d’aimer, de produire, de lutter, de respirer, mais nous le ferons plus ou moins bien ou plus ou moins mal, selon la façon dont le contexte aura changé.
Dimanche, je voterai comme un gouverné, c’est-à-dire comme on ruse ou comme on occupe une place, en n’oubliant pas que le pire n’est jamais sûr. Les chances sont minuscules d’échapper à la tenaille annoncée, pour les années ouvertes par la séquence électorale des Présidentielles et des Législatives, entre d’une part l’extension programmée du domaine du calcul économique à toutes les dimensions de nos vies avec un renforcement de l’État policier pour les récalcitrant.e.s, d’autre part la consécration d’un racisme d’État en lieu et place de politique.
Qu’attendre des élections ? La préparation d’un champ de bataille, les conditions concrètes de l’exercice même de la politique pour toutes celles et ceux qui s’engagent, loin des ministères, sur des fronts qui nous importent : le droit au logement, l’urgence écologique, la préservation des biens communs, l’accueil des étranger.e.s, l’accès aux soins et à l’éducation, l’économie de productions culturelles qui ne sacrifie rien de leur exigence.
Ceux qui font tout sont priés de laisser parler ceux qui profitent de tout
Concernant l'élection présidentielle :
Nous n’attendons rien : nous n’attendons pas qu’ils finissent de rendre inaccessibles les savoirs, de polluer les rivières, de capturer les champs, de tout fermer nos endroits, de la poste à la place. Nous savons comment la police, au lieu de servir et de protéger, est la chienne de garde obéissant au doigt du maître, mordant qui on lui dit, autant de fois qu’on lui dit ; nous savons qu’en son sein des hommes de bonne volonté se tuent de le comprendre. Nous savons que les ruines et les faillites du bien commun font leurs fortunes. Nous avons vu les mendiantes sur les docks, face aux yachts. Nous avons vu les ministres bafouer la justice et la loi, nous avons vu les campements incendiés et les gardes impassibles. Nous n’attendons plus.
C’est pourquoi nous n’attendons rien. Celles et ceux d’entre nous qui ont le goût du vote iront voter pour le programme où les engagements vont vers les besoins communs de ceux qui savent être frères. Ce programme existe, et nous n’avons pas besoin d’être en amour pour un candidat pour le dire : aider la jeunesse à devenir adulte, cultiver ce nous que nous formons avec nos origines multiples et notre présence commune, prendre soin des malades, protéger les faibles et contenir l’égoïsme qui guette les forts, pour que la richesse soit en partage. Les autres d’entre nous que ce jeu ne convainc pas continueront à ne pas attendre : à se lever chaque matin en se souvenant de ces mêmes besoins communs : le partage, le savoir, le soin, le jardin, la justice et le repos. Agir pour cela, le réaliser un peu, chaque jour : voilà de quoi occuper des siècles de présent, et les humains que nous sommes. Sans attendre.
Fanny Taillandier
Mais la guerre n’est pas qu’un jeu de nations. Elle engage des peuples, des personnes ordinaires, de mouvements civils qui s’y opposent ou qui s’y joignent. Elle est faite d’affects, d’espoirs politiques, de peurs et de désorientations tant l’effondrement de leur monde engagé depuis tant de temps prend aujourd’hui une forme sinistrement concrète. Elle est aussi affaire de positions : assumer en raison où l’on apporte son soutien. Enfin, elle appelle à réfléchir les racines profondes de ces tentations guerrières. Force est de reconnaître que la guerre économique à coup de politiques étrangères tantôt grossières tantôt obscures devient aujourd’hui une guerre physique dont il n’y a guère à attendre d’apaisement durable. Dans ses jours les plus dramatiques, la nuit est la plus profonde avant l’aube.
Alors que nous entrons dans une vie toujours plus diminuée, il nous faut élire un gouvernant. Et à ceux avec qui je m’entretiens, généralement dépourvus de convictions pour l’un ou l’autre candidat, manifestent de façon triomphante leur attachement à exercer ce qu’ils tiennent pour une « responsabilité de citoyen ». D’un ton généralement moralisateur, ils ressassent les mêmes propos élections après élections : choisir le candidat le moins pire.
Dans ce geste d’éviter le pire, on se trouve toujours déjà battu. On s’arrange mieux avec les angoisses qu’avec les solides convictions. Être convaincu, c’est être un idiot en liberté dans un monde verrouillé. J’aurais aimé m’engager avec feu dans cette campagne présidentielles si quelques promesses d’un monde neuf étaient énoncées. Romain Huet
Avec l'entre-deux tours, en France, nous avons eu un aperçu du comportement du pouvoir quand il est pris de panique devant l'hypothèse d'un peu de démocratie parlementaire, qui romprait avec le régime quasi monarchique qu'on a vu à l’œuvre. “Mais rassurez-vous, on parlera plus tard de vos petits problèmes, c'est promis, mais en attendant, tuez-vous toujours plus au boulot pour les actionnaires et les milliardaires et après vos journées, rentrez vite chez vous pour ne pas risquer de saturer les urgences et plus vite que ça ! (et si vous avez l'idée saugrenue de passer une nuit entassé dans le couloir des urgences alors que finalement vous n'aviez rien d'assez grave, vous passerez à la caisse en sortant, salauds de pauvres !). Pas de remplaçant à l'école pour les jours de canicule qui surchauffe les pré-fabriqués de votre gosse ? Pareil, démerdez-vous, fallait prévoir un plan B ! Les instits pourront toujours apporter un ventilateur perso s'ils en ont un… Surtout, il faut pas fâcher les riches avec des dépenses à la con, sinon, ils vont vous abandonner à votre misérable sort de larbins de la start-up nation ! Mais dimanche, venez votez pour la renaissance en marche sinon dès lundi c'est le chaos islamo-gauchiste-zadiste-
Pourquoi la sphère médiatique accepte-t-elle aussi facilement qu’un gouvernement battu aux élections nommé par un président élu par défaut se dispense de vote de confiance de l’Assemblée et traite de «puérils» ceux qui déposent une motion de censure ? Pourquoi la Nupes est-elle seule à voter une motion de censure quand c’est le seul choix fidèle aux votes des électeurs qui ont battu le parti macroniste ? Ou voit-on pareil cas en Europe ? Mme Merkel a négocié six mois pour faire une coalition ! LREM devait faire de même avec LR. Ils auraient la majorité absolue… Mais non, ils jouent au plus fin : ces gens-là vont créer un désordre permanent.
La majorité vous accuse, au contraire, de créer du «désordre» avec votre volonté de faire tomber le gouvernement…
Propagande ! Son gouvernement est-il légitime ? Nous sommes arrivés en tête du premier tour [des législatives]. Mme Borne n’a ni majorité électorale ni parlementaire. C’est un fait. Le déni de réalité va tuer la démocratie. Le paysage des partis a volé en éclats, l’abstention est abyssale, le système institutionnel est en panne. On voit comment les néolibéraux sont voués à l’autoritarisme. Dire «le désordre, c’est la Nupes», c’est juste dire que toute opposition est désormais un ennemi de l’intérieur. Ce sera pire bientôt. Voyez la pente : Macron est soutenu par la droite comme la corde soutient le pendu. A chaque texte, LR en rajoutera à droite car, eux, vont courir après le RN. Nous avons été élus avec un programme. Et pas avec le mandat de le négocier avec eux par exemple sur la retraite à 65 ans.