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22 octobre 2022 6 22 /10 /octobre /2022 08:24

Démission de Liz Truss : la chute des dogmes

On parle d’incompétence, d’irresponsabilité ou d’arrogance. Non. La chute express du gouvernement Truss, le plus éphémère de toute l’histoire moderne du Royaume-Uni, a deux causes, très politiques, et même idéologiques : le dogmatisme libéral, le dogmatisme souverainiste.

Émule anachronique de Margaret Thatcher, Liz Truss est tombée parce que les médications libérales qu’elle voulait administrer à l’économie britannique sont totalement dépassées, si tant est qu’elles aient eu un jour une pertinence. Au moment où les classes populaires sont frappées par l’inflation, la crise énergétique et le risque de pénurie alimentaire, l’idée de voler en priorité au secours des plus riches en leur accordant les plus fortes baisses d’impôt pratiquées depuis quarante ans est apparue pour ce qu’elle était : une mesure baroque, scandaleusement injuste et fondée sur les seuls dogmes en vigueur au sein de la base du Parti conservateur, totalement décalée par rapport à l’état de la société. En creusant le déficit sans qu’un début de financement ait été indiqué, en pariant sur un « ruissellement » toujours aussi mythique qui devait relancer la croissance, le « mini-budget » de Liz Truss a été vue par les financiers comme une maxi-bourde qu’ils ont aussitôt sanctionnée, ruinant la crédibilité économique des conservateurs.

Ce pas de clerc retentissant a couronné une série de zigzags gouvernementaux qui ont tous la même origine : les mensonges éhontés proférés par les partisans du Brexit au moment du référendum, que le Parti conservateur a tous soutenus ou adoptés. La rupture avec l’Union Européenne devait remplir les caisses de l’État ; les économies annoncées n’ont jamais vu le jour. Le Brexit devait déboucher sur une stratégie nouvelle, dite « global Britain », faite de traités commerciaux mirifiques qui devaient remplacer les facilités offertes par l’appartenance à l’Union ; ces traités sont restés à l’état de vagues projets, comparables à des couteaux sans manche auxquels il manque la lame. Le « leave » devait enfin rendre à la Grande-Bretagne une souveraineté que les brexiters jugeaient bridée par Bruxelles. Or ce sont désormais le FMI et les opérateurs boursiers qui décident à la place des électeurs. Le parti majoritaire avait souverainement désigné Liz Truss et plébiscité son programme de baisses d’impôts. Il a dû battre en retraite la queue basse devant les injonctions de la finance. La Grande-Bretagne arrimée à l’Europe décidait de sa politique et s’affranchissait sans peine des contraintes communautaires qui lui déplaisaient. Elle vit désormais sous la surveillance des marchés, qui sont des maîtres autrement rigides.

Libéralisme et souverainisme ayant fait la preuve de leur inanité, la social-démocratie qu’on disait obsolète tient désormais la corde dans la vie politique britannique. Si les élections avaient lieu aujourd’hui, le Parti travailliste, débarrassé de la radicalité de Jeremy Corbyn et revenu à une politique rationnelle, l’emporterait haut la main. Petit à petit, dans une économie minée par les inégalités et soumise à la contrainte climatique, seule la maîtrise collective de l’économie et la redistribution des richesses sont à même de relever les défis à venir.

 

Laurent Joffrin

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