Je t'aime
Je t'aime pour ta voix pour tes yeux sur la nuit
Pour ces cris que tu cries du fond des oreillers
Et pour ce mouvement de la mer pour ta vie
Qui ressemble à la mer qui monte me noyer
Je t'aime pour ton ventre où je vais te chercher
Quand tu cherches des yeux la nuit qui se balance
À mon creux qui te creuse et d'où ma vie blessée
Coule comme un torrent dans le lit du silence
Je t'aime pour ta vigne où vendangent des fées
Et pour cette clairière où j'éclaire ma route
Que balisent tes cris durs comme deux galets
Que le flot de la nuit roule sur ma déroute
Je t'aime pour le sel qui tache ta vertu
Et qui fait un champ d'ombre où ma bouche repose
Pour ce je ne sais quoi dont ma lèvre têtue
S'entête à recouvrer le sens et puis la cause
Je t'aime pour ta gueule ouverte sur la nuit
Quand la sève montant comme du fond des ères
Bouillonne dans ton ventre et que je te maudis
D'être à la fois ma soeur mon ange et ma Lumière
(Léo Ferré)
La rose épouse le silence qui l'enclôt.
Le vent. Les îles.
La hanche tiède et odorante des collines.
Tant de couleurs
dans l'éblouissement du jour présent
qu'on en oublie
de lever haut la tête pour mieux évaluer
l'état du ciel.
(Gilles Baudry)
L'ANCIEN CHANT, L'ANCIENNE DANSE
Toi, parce que tu m'aimes, serre-moi
Bien fort, caresse-moi, sois
Paisible et bonne, apaise-moi
De silence, ne dis pas un mot.
Toi, parce que je t'aime, je suis
Fort pour toi. Je te soutiens.
L'eau est vivante
Autour de nous. L'eau vive
Court dans les entailles de la terre entre
Nous. Toi, mon épouse, ta voix
Qui enjambe l'eau me parle.
Tes mains, tes bras solennels,
Traversent l'eau et m'étreignent.
Ton corps est magnifique.
Il parle et franchit l'eau.
Epouse, plus douce que le miel, au coeur
Heureux, nos coeurs battent sur
La passerelle de nos bras. Nos mots
Sont mots de joie dans la nuit
De la Toute-Joie. Nos mots vivent.
Nos mots sont des enfants qui dansent
Devant nous ainsi que des étoiles sur l'eau.
Mon épouse, ma bien-aimée chérie,
Plus douce que le miel, que le fruit mûr,
Solennelle, grave, oiseau en vol,
Serre-moi. Sois paisible et bonne.
Je t'aime. Sois gentille avec moi.
Je suis fort pour toi. Je te
Soutiens. L'aurore de dix mille
Aurores s'embrase dans le ciel.
L'eau inonde la terre
Les enfants rient dans l'air.
(Kenneth Rexroth)
Le potier
Ton corps entier possède
la coupe ou la douceur qui me sont destinées.
Quand je lève la main
je trouve en chaque endroit une colombe
qui me cherchait, comme si, mon amour, d’argile on t’avait faite
pour mes mains de potier.
Tes genoux, tes seins
et tes hanches
me manquent comme au creux
d’une terre assoiffée
d’où l’on a détaché
une forme,
et ensemble
nous sommes un tout comme l’est un fleuve
ou comme le sable.
(Pablo Neruda)
Espère
Ainsi, j'avais en vain suivi d'un œil avide,
Mille rêves d'amour, de gloire et d'amitié :
Toujours ils avaient fui ; mon âme restait vide ;
Je me faisais pitié !
La douleur arrêtait ma course haletante,
Je renonçais au but avant qu'il fut atteint ;
Dans mon cœur, épuisé par une longue attente,
L'espoir semblait éteint.
Et je disais : mon Dieu, je mourrai solitaire !
Et je n'attendais plus de beaux jours sur la terre,
Quand soudain, à ta voix, mon cœur s'est rajeuni :
Cette voix m'a promis un avenir prospère :
Cette voix m'a jeté ce mot si doux : ESPERE !...
Que ton nom soit béni !
Tous les chastes désirs que mon âme renferme,
Tous ces purs sentiments étouffés dans leur germe,
De ton cri d'espérance, ont entendu l'appel :
Oh ! que ton amitié me guide et me soutienne,
Laisse-moi reposer mon âme sur la tienne :
L'amitié, c'est l'amour que l'on ressent au ciel !...
(Louise Colet)
Dans écrire,
il y a rire,
il y a cri.
Ecrire est un bonheur.
(Sabine Péglion)
Je désire toujours
Avoir toujours gardé la candeur pour symbole,
Croire à tout sentiment noble et pur, et souffrir ;
Mendier un espoir comme un pauvre une obole,
Le recevoir parfois, et longtemps s'en nourrir !
Puis, lorsqu'on y croyait, dans ce monde frivole
Ne pas trouver un cœur qui se laisse attendrir !
Sans fixer le bonheur voir le temps qui s'envole ;
Voir la vie épuisée, et n'oser pas mourir !
Car mourir sans goûter une joie ineffable,
Sans que la vérité réalise la fable
De mes rêves d'amour, de mes vœux superflus,
Non ! je ne le puis pas ! non, mon cœur s'y refuse
Pourtant ne croyez pas, hélas ! que je m'abuse :
Je désire toujours... mais je n'espère plus !
(Louise Colet)
Les Baux
J'aime les vieux manoirs, ruines féodales
Qui des rocs escarpés dominent les dédales ;
J'aime du haut des tours de leur sombre prison
A voir se dérouler un immense horizon :
J'aime, de leur chapelle en parcourant les dalles,
A lire les ci-gît couronnés de blason.
Et qui gardent encore la trace des sandales
Des pèlerins lointains venus en oraison.
Parmi ces noirs châteaux, gigantesques décombres
Dont les murs crénelés jettent au loin leurs ombres,
Aux champs de la Provence est le donjon des Baux :
Là, chaque nuit encore, enlacés par les Fées,
Dans une salle d'armes aux gothiques trophées,
Dansent les chevaliers sortis de leurs tombeaux.
(Louise Colet)
Les Fleurs que j'aime
Fleurs arrosées
Par les rosées
Du mois de mai,
Que je vous aime !
Vous que parsème
L'air embaumé !
Par vos guirlandes,
Les champs, les landes
Sont diaprés :
La marguerite
Modeste habite
Au bord des prés.
Le bluet jette
Sa frêle aigrette
Dans la moisson ;
Et sur les roches
Pendent les cloches
Du liseron.
Le chèvrefeuille
Mêle sa feuille
Au blanc jasmin,
Et l'églantine
Plie et s'incline
Sur le chemin.
Coupe d'opale,
Sur l'eau s'étale
Le nénufar ;
La nonpareille
Offre à l'abeille
Son doux nectar.
Sur la verveine
Le noir phalène
Vient reposer ;
La sensitive
Se meurt, craintive,
Sous un baiser.
De la pervenche
La fleur se penche
Sur le cyprès ;
L'onde qui glisse
Voit le narcisse
Fleurir tout près.
Fleurs virginales,
A vos rivales,
Roses et lis,
Je vous préfère,
Quand je vais faire
Dans les taillis
Une couronne
Dont j'environne
Mes blonds cheveux,
Ou que je donne
A la Madone
Avec mes vœux.
(Louise Colet)
Les robes du feu
d'ici là
main dans la main
nous traverserons le monde sur la pointe des pieds
dans la pluie des vitraux
(Daniel Boulanger)