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8 avril 2023 6 08 /04 /avril /2023 07:55

par Thomas Legrand

publié le 6 avril 2023 à 8h30
 

Sommes-nous, comme le dit Laurent Berger, au sortir de la réunion pour rien, convoquée par Elisabeth Borne mercredi à Matignon, en «crise démocratique» ? «Si les gens voulaient la retraite à 60 ans, ce n’est pas Emmanuel Macron qu’il fallait élire président et mettre en tête au premier tour» : voilà ce que fait dire le chef de l’Etat pour démentir l’analyse du patron du premier syndicat de France. Alors est-on en crise démocratique ou pas ? Certainement pas au sens où nous serions au bord d’une révolution. La France n’est pas bloquée. Les grèves ne bloquent ni le pays ni l’économie. L’approvisionnement en carburant et les transports fonctionnent. Est-on seulement en crise sociale ? La crise sociale réside surtout dans le fait que le dialogue entre les partenaires sociaux et l’exécutif est rompu.

Mais dans les entreprises, les accords de branche et d’entreprises ne sont pas remis en cause et, tous les jours, CGT, CFDT et tous les autres syndicats, négocient et signent des conventions avec les chefs d’entreprise. Sommes-nous en crise politique ? Là encore, la majorité parlementaire n’est, certes, que relative. Mais les oppositions ne sont pas en mesure de s’unir pour proposer une majorité alternative. Le pays n’est plus réformable en profondeur depuis le 49.3 sur les retraites parce qu’aucune solution négociée au Parlement ne semble envisageable sur les autres textes qui étaient à l’agenda. Pas réformable mais tout à fait gouvernable puisque, par la grâce de nos institutions qui donnent au pouvoir réglementaire un domaine quasiment illimité, le gouvernement peut agir au jour le jour. La Première ministre n’est menacée que par la volonté du Président tant qu’aucune majorité parlementaire n’est en mesure de la mettre en minorité lors d’une motion de censure.

 

Une présidente de la République d’extrême droite

Par ailleurs, le travail en commun des collectivités locales et de l’Etat se poursuit sans ambages sous la ligne de flottaison de la visibilité médiatique. Par exemple, la région Ile-de-France, la municipalité parisienne et l’Etat sont en train d’organiser les Jeux olympiques de 2024. Alors techniquement, non, nous ne sommes pas en crise démocratique. Mais comment qualifier l’état d’un pays dans lequel l’abstention, à un haut niveau, progresse d’élection en élection et dans lequel il devient évident pour la grande majorité des citoyens (qu’ils le souhaitent ou non) que le prochain président de la République sera une présidente d’extrême droite : Marine Le Pen. «Crise démocratique», quand le pays se fait rappeler à l’ordre par toutes les instances internationales s’agissant de la faillite de sa doctrine du maintien de l’ordre, quand son ministre de l’Intérieur formule des menaces à peine voilées sur la possible fin sur les subventions de l’Etat à la Ligue des Droits de l’Homme.

«Crise démocratique» ne veut pas dire – comme le soutiennent certains à l’extrême droite, chez les complotistes, ou dans la partie de la gauche qui ne fonctionne que par le conflit – que nous ne serions plus en démocratie. Nous sommes en démocratie. Une démocratie solide à laquelle est attaché un peuple sourcilleux de ses droits. Ce qui n’empêche pas que cette démocratie soit en crise. Comme d’ailleurs nombre de démocraties libérales. «Qui est citoyen ?» se demandait Aristote : «Est citoyen, celui qui peut gouverner et être gouverné.» Nous sommes, si l’on suit le précepte d’Aristote au moins en crise de la citoyenneté. Dans ces cas-là, il y a deux choses à faire. L’une ou l’autre et si possible les deux : réformer les institutions et, pour ceux qui sont à la tête de l’Etat, changer d’attitude, de comportement, et de façon de gouverner. La réforme des institutions, à elle seule insuffisante, ne paraît pas envisageable compte tenu de l’absence certaine de majorité pour simplement enclencher le processus. Reste l’attitude et la gouvernance, la pratique du pouvoir. Ce qui est désespérant c’est que ce facteur ne dépend que d’un homme qui, à chaque crise, nous dit qu’il a compris et qu’il va changer. En vain. Alors oui, nous traversons une crise démocratique.

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