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21 juin 2023 3 21 /06 /juin /2023 06:46
Dissolution, piège à cons
Pas très malin, en fait, de dissoudre le mouvement « Les Soulèvements de la Terre » : il y a d’autres moyens de lutter contre la dérive violente de certains militants écologistes
L. JOFFRIN

C’est entendu : les méthodes de ce « groupement de fait » qu’on appelle « Les Soulèvements de la Terre » sont inacceptables. Chacun se souvient des attaques délibérément organisées à Sainte-Soline contre les gendarmes et les policiers, avec ces lancers de boules de pétanques et de cocktail Molotov qui ont causé de graves blessures.

Mais parmi les dizaines d’associations qui composent ce conglomérat militant, certaines sont violentes et d’autres non. Fera-t-on le tri ? Quant à la qualification « d’écoterrorisme », elle est disproportionnée. Croit-on vraiment que ces militants écologistes, quoiqu’adeptes de l’illégalité systématique, puissent être assimilés aux djihadistes auteurs d’innombrables égorgements et assassinats de masse ?

Il semble bien qu’on soit en passe de faire de ces activistes des « martyrs de la répression » qui alimenteront une rhétorique fallacieuse visant à présenter la République française comme un régime autoritaire, où tous les coups sont dès lors permis pour se faire entendre, dans un processus de violence croisé et cumulatif. Mieux valait, semble-t-il, poursuivre et condamner directement les auteurs de violence plutôt que d’utiliser le marteau-pilon juridique de la dissolution.

D’autant que cette mesure indistincte, en changeant les activistes en victimes, risque de masquer le vrai problème : la perverse justification de la violence qui émane de plus en plus de certains cercles politiques ou intellectuels. Significatif était, à cet égard, l’entretien donné lundi à France inter par Alain Damasio, écrivain reconnu et talentueux, qui venait paraphraser une formule de Sandrine Rousseau sur le recours inévitable à la violence.

Pour l’élue verte, comme pour l’écrivain dystopique, les actions pacifiques ont montré leur impuissance. Il est donc logique, disent-ils avec bien d’autres, que les militants passent à l’échelon suivant. « Vous faites des livres, des articles, des tribunes, des manifestations, des tracts, des actions tranquilles, dit Damasio, aucune de ces actions n’est écoutée. Il y a un refus de dialogue absolu, il n’y a aucune inflexion. Donc il faut passer à une étape supérieure. »

Sereine irresponsabilité de ces commentateurs qui semblent ignorer ce qu’est vraiment la violence, les blessés, les morts, les mutilés, les défigurés, les paraplégiques que cette « étape supérieure » risque de laisser derrière elle. Oubli éloquent, tout autant : parmi les « actions tranquilles » qu’on énumère, l’élection, qui mettait au pouvoir une majorité décidée à engager une véritable mutation écologique, n’est même pas citée. La démocratie ? L’idée que pour mener une politique, il faut d’abord convaincre et réunir autour de soi une majorité ? Principes dépassés…

Que faire ? Deux choses. D’abord dénoncer ce désinvolte plaidoyer pour la violence, qui dessine une écologie autoritaire, imposée par la « minorité consciente » à une majorité ignorante, selon le schéma formulé jadis par Lénine pour le communisme… Mais aussi aller à la racine du mal : c’est-à-dire mettre en place, par des moyens démocratiques, un gouvernement conscient de l’urgence climatique et convaincu qu’il faut agir au plus vite.

C’est-à-dire faire de la politique. Et non se livrer à cet activisme brutal qui desservira la juste cause qu’on défend.

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